L'Encyclopédie sur la mort


Douce mort prenez-moi me voici préparé

Jean Genet

«Mon cachot bien aimé... Ta nuit laisse couler de mon oeil et de ma tempe un flot d'encre si lourd qu'elle en fera sortir des étoiles de fleurs...», chante Genet. Le poète sait ce dont il parle, car la Mort, il l'a rencontrée dans la prison de son enfance, au creux de son coeur de gamin mal-aimé. Et pourtant, il avoue qu'il ne sait rien de précis sur elle, voire qu'il ne connaît rien d'elle. Le poète joue avec les mots, son poème est riche de contrastes et conjugue rose et mort, jardin et nuit, fleurs et pleurs, magique et tragique, beauté et désordre, douceur et mort.
XI
LE HASARD fit sortir - le plus grand! des hasards
Trop souvent de ma plume au cœur de mes poèmes
La Rose avec le mot de Mort qu'à leurs brassards
En blanc portent brodé les noirs guerriers que j'aime.

Quel jardin peut fleurir tout au fond de ma nuit
Et quels jeux douloureux s'y livrent qu'ils effeuillent
Cette rose coupée et qui monte sans bruit
Jusqu'à la page blanche où vos rires l'accueillent.

Mais si je ne sais rien de précis sur la Mort
D'avoir tant parlé d'elle et sur le mode grave
Elle doit vivre en moi pour surgir sans effort
Au moindre de mes mots s'écouler de ma bave.

Je ne connais rien d'elle, on dit que sa beauté
Use l'éternité par son pouvoir magique
Mais ce pur mouvement éclate de ratés
Et trahit les secrets d'un désordre tragique.

Pâle de se mouvoir dans un climat de pleurs
Elle vient les pieds nus explosant par bouffées
A ma surface même où ces bouquets de fleurs
M'apprennent de la Mort des douceurs étouffées.

Je m'abandonnerai belle Mort à ton bras
Car je sais retrouver l'émouvante prairie
De mon enfance ouverte et tu me conduiras
Auprès de l'étranger à la verge fleurie.

Et fort de cette force ô reine je serai
Le ministre secret de ton théâtre d'ombres.
Douce Mort prenez-moi me voici préparé
En route à mi-chemin de votre ville sombre.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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