Selon Godbout, «le don englobe et est un dépassement du sacrifice, même si tout don suppose le sacrifice. Pour Lévi-Strauss, la prohibition de l'inceste permet la liaison. Le renoncement à la soeur ouvre sur l'autre et permet l'accès au symbolique. Au commencement était le renoncement défini comme le dépassement de la perte» (p. 370)
Donner, c'est nécessairement renoncer à quelque chose. Bien donner, c'est renoncer joyeusement à quelque chose qui nous est cher. Pour que l'homme puisse devenir un homme, il doit peut-être envisager le sacrifice*total symbolisé dans la Bible* par Abraham*: moment de l'abandon absolu, du renoncement absolu, même à son fils. Mais c'est intenable, alors on passe au symbolique, le symbole apparaît, le bouc remplace Isaac, le cadeau remplace le sang, il est le symbole du sang que l'on doit donner. « Le seul présent, le seul don est un fragment du don de toi-même. C'est un don de ton sang que tu dois m'offrir» (Emerson, La confiance en soi, p. 131). «L'être de l'homme avant d'être substance, est relation. Dans cette relation chacun vit "une petite mort" de soi, [...] Je n'entre dans un rapport que par la "perte". Accepter de se perdre implique une tolérance active. L'intolérant se préserve, s'économise, il vit de soi avec soi: c'est un petit marchand qui capitalise un grand produit qui est le soi. C'est un régisseur de prison dont le prisonnier est justement son soi: ipse!» (Jean Godefroy Bidima, Une juridiction de la parole, Paris, Michalon, 1997, p. 40-41). De la naissance à la mort, tout se passe comme si nous renoncions à un objet comme condition pour accéder à une qualité de vie supérieure: l'enfant accepte de laisser aller son ballon et passe ainsi de l'étape du jouet solitaire au jeu interactif. Donner, c'est répéter l'expérience nécessaire de renoncement à celle qui nous a donné la vie, et anticiper l'expérience inéluctable de renoncement à la vie. Occulter la mort, c'est oublier de vivre. Donner, c'est vivre.