Dans un monde où la rudesse des moeurs se reflète jusque dans les rapports humains avec Dieu, la spiritualité d'Hadewijch donne aux relations avec Dieu une empreinte amoureuse. Die minne es al (l'amour est tout), écrit Hadewijch, dont les poèmes lyriques exaltent l'amour à la manière des troubadours. Le poème ci-dessous figure parmi les quatre manuscrits retrouvés en 1895 par le poète Maurice Maeterlinck*. Il est plein de paradoxes (coincidentia oppositorum - la coincidence des opposés): absence et présence, douceur et violence, captivité et liberté, blessure et baume, faim et nourriture, inquiétude et sécurité, etc. Cette cohabitation des contraires est à l'image de Dieu à la fois plus absent et présent. En s'éclipsant, Il se fait découvrir. L'amour est souffrance et joie; il rime avec vie et mort, être et non-être. (É. Volant, «Le rempart des béguines» dans La maison de l'éthique, Montréal, Liber, 2003, 117-127).
Ce que l’Amour a de plus doux, ce sont ses violences ;
son abîme insondable est sa forme la plus belle ;
se perdre en lui, c’est atteindre le but ;
être affamé de lui c’est se nourrir et se délecter ;
l’inquiétude d’amour est un état sûr ;
sa blessure la plus grave est un baume souverain ;
languir de lui est notre vigueur ;
c’est en s’éclipsant qu’il se fait découvrir ;
s’il fait souffrir, il donne pure santé ;
s’il se cache, il nous dévoile ses secrets ;
c’est en se refusant qu’il se livre ;
il est sans rime ni raison et c’est sa poésie ;
en nous captivant il nous libère ;
ses coups les plus durs sont ses plus douces consolations ;
s’il nous prend tout, quel bénéfice !
c’est lorsqu’il s’en va qu’il nous est le plus proche ;
son silence le plus profond est son chant le plus haut ;
sa pire colère est sa plus gracieuse récompense ;
sa menace nous rassure
et sa tristesse console de tous les chagrins :
ne rien avoir, c’est sa richesse inépuisable.
HADEWIJCH D’ANVERS, Poèmes spirituels.
Traduit du moyen-néerlandais par frère J.-B. P.
Recueilli dans Dieu et ses poètes, par Pierre Haïat,
Desclée de Brouwer, 1987.
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son abîme insondable est sa forme la plus belle ;
se perdre en lui, c’est atteindre le but ;
être affamé de lui c’est se nourrir et se délecter ;
l’inquiétude d’amour est un état sûr ;
sa blessure la plus grave est un baume souverain ;
languir de lui est notre vigueur ;
c’est en s’éclipsant qu’il se fait découvrir ;
s’il fait souffrir, il donne pure santé ;
s’il se cache, il nous dévoile ses secrets ;
c’est en se refusant qu’il se livre ;
il est sans rime ni raison et c’est sa poésie ;
en nous captivant il nous libère ;
ses coups les plus durs sont ses plus douces consolations ;
s’il nous prend tout, quel bénéfice !
c’est lorsqu’il s’en va qu’il nous est le plus proche ;
son silence le plus profond est son chant le plus haut ;
sa pire colère est sa plus gracieuse récompense ;
sa menace nous rassure
et sa tristesse console de tous les chagrins :
ne rien avoir, c’est sa richesse inépuisable.
HADEWIJCH D’ANVERS, Poèmes spirituels.
Traduit du moyen-néerlandais par frère J.-B. P.
Recueilli dans Dieu et ses poètes, par Pierre Haïat,
Desclée de Brouwer, 1987.
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