La pandémie sur l'agora mondiale
La pandémie a provoqué bien des divisions regrettables, mais elle a aussi été l’occasion d’une multitude de conversations qui pourraient s’avérer fécondes si nous le voulions bien. Quelles leçons tirer de cet immense choc des idées ? En voici quelques-unes.
- La conclusion de Bill Gates
- La pandémie au Mexique et au Québec
- Rigueur élémentaire dans l’évaluation des vaccins
- Science et politique selon Karl Popper
- La pensée complexe
- le sens du lointain
- Compassion pour les vieux
- Le risque zéro en médecine
La conclusion de Bill Gates
Le rôle de Bill Gates dans la promotion de la vaccination a peut-être été exagéré par certains observateurs, mais il est indéniable. D’où l’intérêt de la conclusion qu’il a tirée à Munich le 12 février 2022, lors de la Conférence annuelle sur la sécurité : "Malheureusement, le virus lui-même - en particulier la variante appelée Omicron - est un type de vaccin, il crée une immunité à la fois des cellules B et des cellules T et il a fait un meilleur travail pour atteindre la population mondiale que nous avec les vaccins." […]"Enquête sérologique dans les pays africains, 80% de positifs. Le risque de maladie grave est considérablement réduit grâce à l'exposition. Nous n'avons pas fait un grand travail sur la thérapeutique " [i]On peut le voir et l’entendre ici.[ii]
À noter que son « malheusement », sadly, indique qu’il estime regrettable que la nature se soit avérée plus efficace que la technologie à l’étape omicron, ce qui légitime bien des points de vue demeurés marginaux dont celui du professeur israélien Ehud Qimron, évoqué plus loin.
agora.qc.ca/jacques-dufresne/ehud-qimron-un-nouveau-semmelweis
La pandémie au Mexique et au Québec
Dans son dernier livre, Un Québécois à Mexico, livre vécu et écrit pendant la pandémie, Jérôme Blanchet-Gravel, compare la sécurité québécoise à la convivialité mexicaine : « L’économie informelle, ce sont des milliers de métiers auxquels nous ne penserions même plus dans les pays riches. La créativité est infinie quand il s’agit de pouvoir manger. Mon voisin, un pieux vieillard au dos défait, qui continuait à ramasser des boîtes de carton qu’il défaisait et empilait serrées pour les revendre en lots à je ne sais quelle entreprise. Des aiguiseurs de couteau ambulants et des réparateurs de fauteuils éventrés. Des éleveurs de poulets et des cueilleurs d’oeufs bien frais en plein coeur de la métropole. C’est ma voisine qui réparaît, pour l’équivalent d’un seul dollar, la fermeture éclair de mon jean que je ne voulais pas jeter bêtement, comme je l’aurais fait au Canada.» (101)
Allez donc imposer des mesures sanitaires rigoureuses dans un tel contexte! L’immunité naturelle était le seul remède possible.
Rigueur élémentaire dans l’évaluation des vaccins
Quand on dit qu’un vaccin est efficace à 95 %, les gens pensent que s’ils le reçoivent, ils ont 95 chances sur 100 d’être protégés.. Est-ce vraiment le cas ? Il faut savoirl s’agit d’une efficacité relative. Soient deux groupes de 100 personnes dont l’un reçoit le vaccin et l’autre un placebo. 1 personne est infectée dans le premier groupe et 2 dans le second : 2%-1% = 1%. C’est l’efficacité absolue. Cela veut dire qu’il faut vacciner 100 personnes pour en protéger 1. Au grand public c’est toutefois uniquement l’efficacité relative qui est présentée. On l’obtient ainsi : 2-1=1; 1/2=50; 50x100= 50%
Chacune de ces méthodes ayant ses avantages et ses limites, de nombreux experts estiment qu’elles devraient toujours être présentées ensemble.. Leur argumentaire ne peut pas être réduit à du complotisme.
Peut-être faudrait-il aussi préciser la nature de la protection : infection, transmission, cas extrêmes. Cela permettrait d’éviter bien des désillusions susceptibles de réduire la confiance du public dans l’avenir.
Science et politique selon Karl Popper
Depuis le début de la pandémie, la science est étroitement associée à la politique, comme Dieu l’a été si souvent dans le passé. Quels sont les avantages et les inconvénients de ce rapport étroit? Il se trouve que Karl Popper, l’un des plus grands philosophes des sciences contemporains a fait porter l’essentiel de sa réflexion sur cette question. En science comme en politique, dit-il, il existe des systèmes ouverts et des systèmes clos. En science, le système ouvert est celui qui non seulement tolère la critique mais l’exige. Soit une théorie selon laquelle tous les cygnes sont blancs. Si elle est ouverte, l’auteur cherchera des cygnes noirs car il sait qu’un seul d’entre eux réfute sa théorie tandis que chaque nouveau cygne blanc la rend plus vraisemblable sans la prouver. C’est là ce que Popper appelle le critère de la falsifiabilité, auquel Einstein notamment a eu recours. Si la théorie des cygnes blancs est un système clos, l’auteur s’acharnera à observer de plus en plus de cygnes blancs pour créer un consensus à son sujet et l’imposer à son entourage.
Le marxisme est un système clos selon Popper. Hors de cette forteresse, point de salut. C’est le début d’un totalitarisme. Dans le contexte de la pandémie du corona virus, la théorie de la protection et de l’immunisation par la vaccination a été un système clos, du moins dans la façon dont elle a été présentée au grand public par les gouvernements et les médias. Entre savants de haut niveau, une certaine critique a été possible et elle semble s’être amplifiée avec le temps, ce qui soulève une question cruciale : est-il sage de priver d’un accès à la véritable science un public qu’on invite d’autre part à obéir à la Science. À noter que plusieurs des experts qui ont tenté d’introduire l’esprit critique sur la place publique ont été ostracisés par leurs confrères : Christian Perronne et Didier Raoult en France, Norman Doidge au Canada, Robert Malone aux États-Unis…On invoque contre eux le consensus mondial : tant d’éminents chercheurs dans le monde entier ne peuvent pas se tromper!. Il reste que même s’il y avait eu consensus dans le cas de la relativité d’Einstein un seul cygne noir l’aurait réfutée. Il y a des précédents de ce genre dans l’histoire de la médecine : Dans le cas des fièvres puerpérales, par exemple, Semmelweis a eu raison contre la quasi-totalité des obstétriciens d’Europe.
À lire:
https://www.powerlineblog.com/archives/2022/03/kevin-roche-when-do-we-get-our-apologies.php?utm_source=feedburner&utm_medium=email
La pensée complexe
On appelle système complexe un grand nombre facteurs agissant les uns sur les autres pour produire un effet d’ensemble, qui ne sera jamais que probable, même après la prise en compte des facteurs les plus négligeables. Un ouragan est un système complexe.
La pensée complexe, proche de la théorie du chaos, semblait être, depuis des décennies, le nouveau paradigme dans le cadre duquel il faudrait désormais aborder les grandes questions. C’est néanmoins la pensée simplifiante qui s’est imposée dès le début de la pandémie. On a considéré bien des facteurs importants comme négligeables pour mettre l’accent sur la vaccination et, en attendant les premières doses, sur le confinement et autres mesures sanitaires. Pour limiter le choc du confinement sur la vie quotidienne des gens, les gouvernements ont injecté des sommes fabuleuses dans l’économie. Il n’était pas nécessaire d’être grand clerc pour prévoir qu’il en résulterait de l’inflation ni pour faire l’hypothèse que cette inflation puisse avoir des effets plus délétères que la pandémie. Autres facteurs importants négligés : la santé mentale, et divers risques pour la santé physique dont l’obésité, le stress, les opiacés, sans compter les risques d’ordre politique concernant les libertés et la surveillance,.
le sens du lointain
À court terme, il fallait réduire la pression sur les hôpitaux, au risque de négliger les effets à long terme de bien des décisions. En offrant aux enfants de bonnes conditions de vie, on peut éviter à long terme un grand nombre de morts prématurées. Hélas! cette réussite abstraite, lointaine et peu coûteuse pèse moins dans la balance médicale et politique que quelques guérisons spectaculaires très coûteuses. L’industrie médicale a intérêt à faire la publicité de ces guérisons, lesquelles sont pour le commun des mortels un espoir tangible de durer plus longtemps. Quel avenir toutefois pour une civilisation où l’avantage individuel immédiat a préséance sur le sens du lointain collectif ?
Compassion pour les vieux
Un des beaux moments de la pandémie aura été la mobilisation en faveur des vieux, maltraités dans les CHSLD. On s’est souvenu d’eux tout à coup, mais quelle ambigüité dans ce souvenir voisin du remord! Pour prolonger leurs jours, on les a privés de la présence de ces êtres chers qui leur auraient donné tout leur sens. Quels seront les lendemains de notre indifférence à leur endroit? Dans un mois, dans un an, nous seront-ils plus chers ? Si nous avons renoncé à les retrouver par-delà le mystère de la mort, saurons-nous leur accorder l’adieu d’un dernier regard aimant. S’Ils ne sont que des atomes en transition quel sentiment d’appartenance à l’univers où ils retournent les consolera ces atomes de n’être plus réunis dans un vivant éphémère ayant la nostalgie de ses origines divines. Questions que se posaient Victor Hugo sous cette forme :
«Comme le souvenir est voisin du remord!
Comme à pleurer tout nous ramène!
Et que je te sens froide en te touchant, ô mort,
Noir verrou de la porte humaine!.»
Victor Hugo, Paroles sur la dune, Les Contemplations.
Le risque zéro en médecine
La dacryocystite est une infection du sac lacrymal qui peut-être très douloureuse et donner l’impression que l’œil en cause est menacé. J’en ai fait l’expérience pendant un séjour dans une petite ville où seule une jeune optométriste pouvait m’être de quelque secours. « Risque de contagion du cerveau, me dit-elle, prise de panique, après avoir consulté un grand dictionnaire. Rendez-vous à l’urgence la plus proche, on vous administrera une dose sous-cutanée d’antibiotiques. Ce que je me suis empressé de faire. Cette infection étant récurrente, on devine la suite. Je devais plus tard apprendre d’un expert que le risque pour le cerveau est de 1 sur 10000 et constater qu’avec ou sans antibiotiques le mal suivait la même courbe
Cette précaution extrême n’est pas exceptionnelle en médecine, elle est plutôt la règle. Dans certains cas, les statines, par exemple, pour prévenir les infarctus, l’efficacité infinitésimale n’est même pas démontrée hors de tout doute et plusieurs prennent ce médicament régulièrement pendant des décennies.
«Comme nous le rappelle le docteur Pierre Biron, un homme et une femme statinisés sont des personnes en perte de liberté. On appelle statines les médicaments contre le cholestérol : pravachol, zocor, crestor et lipitor. Pour la très grande majorité de ceux à qui on les prescrit, ils sont inefficaces mais conservent les mêmes effets secondaires, car ils se ressemblent tous : ce sont des me-too. Moi aussi, disent une à une les grandes compagnies pharmaceutiques, j’aurai mon blockbuster du cholestérol (un médicament rapportant 1 milliard et plus de dollars par année). Elles appellent ces plagiats, à un atome de carbone près, des innovations nécessitant de coûteuses recherches, lesquelles justifieraient à leur tour des prix de plus en plus élevés pour les médicaments. Ce qui coûte cher en réalité ce sont les duels publicitaires entre des produits vedettes comme le crestor d’AstraZeneca et le lipitor de Pfizer.»[iii]
On aura reconnu deux compagnies engagées dans la production de vaccins contre le corona virus, vaccins recommandés pour tous, avec, pour les moins de 60 ans, des avantages si infinitésimaux qu’on s’interroge sur leur pertinence. Existe-t-il des données scientifiques permettant d’affirmer que le risque zéro présente plus d’avantages que d’inconvénients? La chose serait bien étonnante. Il est parcontre manifeste que l’industrie médicale y trouve son compte.
Bill Gates: "Sadly the virus itself - particularly the variant called Omicron - is a type of vaccine, creates both B cell and T cell immunity and it's done a better job of getting out to the world population than we have with vaccines."
"Serosurvey in African countries, 80% positive. Chance of severe disease, dramatically reduced because of that infection exposure.
We didn’t do a great job on therapeutics "
[ii] https://twitter.com/disclosetv/status/1494810193175195652
[iii] http://agora.qc.ca/a/public/agora/fichiers/202012/annexe-statinisation-2020d.pdf