Porc

En cours: Consultation publique sur le développement durable de la production porcine au Québec.

On appelle le porc sanglier lorsqu’il est à l’état sauvage et cochon lorsqu’il est domestiqué. Le second est le descendant du premier; selon des études au carbone 14, le porc aurait été domestiqué en Thaïlande environ 8000 ans av. J-C. et en Thessalie 7000 ans av. J-C. Le dictionnaire de la civilisation égyptienne nous apprend que «la race porcine qui figurait dans les fermes égyptiennes provenait d’une espèce de sanglier appelée sus scrofa ferus. Ce sanglier, disent les naturalistes, s’apprivoise aisément; de même que le porc domestique, rendu à sa liberté, reprend le faciès et les habitudes de son ancêtre.» Même si les Égyptiens consommaient le porc, ils le considéraient comme une bête impure. «Si, raconte Hérodote, quelqu’un en frôle un en passant, il va se plonger dans le fleuve avec ses vêtements; quant aux porchers, bien qu’ils soient Égyptiens de naissance, ils sont les seuls de tous qui ne pénètrent pas dans un sanctuaire…Ils marient leurs filles et prennent femme les uns chez les autres.» Les religions juives et musulmanes interdiront la consommation de la viande de cet animal impur (cf. C. Fabre-Vassas, La bête singulière. Les chrétiens, les juifs et le cochon, Paris, Gallimard, 1994)

Impur et pourtant si semblable aux humains, puisqu'il est omnivore... et insatiable comme eux, s'il faut ajouter foi aux statistiques sur l'obésité, laquelle semble croître en fonction de la richesse des nations.

Le porc faisait aussi partie de l'alimentation des paysans du Moyen Âge, comme il avait fait partie de celle des Grecs. L'Athénien moyen appréciait les abats, la tête et la langue particulièrement. La charcuterie n'était pas très développée, on consommait volontiers le cochon de lait. Par contre, c'est un certain Aphtonitas qui aurait inventé le boudin. Mais il faudra attendre les Gaulois pour savourer le jambon, la saucisse, la mortadelle, l'andouillette, toutes préparations qu'on déguste encore de nos jours. Les Romains seront très friands de cette charcuterie gauloise.

Le cochon est aussi de plus en plus prolifique, par quoi il est aussi de plus en plus utile aux humains. Le Larousse de 1964 donne le chiffre de 14 porcelets par truie et par an. Selon le Centre canadien pour l’amélioration des porcs, «un bon système de production porcine produira aujourd’hui 24 porcelets à croissance rapide et à l'indice de classement élevé par truie et par an.» Une brebis ne donne naissance qu’à un ou deux agneaux par année. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’agneau coûte beaucoup plus cher que le porc.

Le porc et le métier de porcher occupent une place importante dans L’Odyssée d’Homère. Au moment où il revient à son île natale, après des années d’absence, Ulysse se rend à la porcherie de son domaine royal pour se présenter à un fidèle serviteur, le porcher Eumée et juger de la qualité du travail qu'il avait accompli pendant son absence : «il avait planté au dehors des pieus épais et nombreux, en coeur noir de chêne ; et, dans l'intérieur, il avait fait douze parcs à porcs. Dans chacun étaient couchées cinquante femelles pleines ; et les mâles couchaient dehors ; et ceux-ci étaient beaucoup moins nombreux, car les divins Prétendants les diminuaient en les mangeant, et le porcher leur envoyait toujours le plus gras et le meilleur de tous; et il n'y en avait plus que trois cent soixante.»

Six-cents femelles pleines! Même selon les critères d’aujourd’hui, il s’agit d’une mégaporcherie. Il faudra toutefois attendre encore près de deux millénaires pour que ce type d’élevage du porc se généralise. Jusqu’au milieu du second millénaire, à une date qu’il est difficile de préciser car elle varie selon les lieux, la tâche du porcher, calquée sur celle du berger, consistera à mener ses bêtes dans la nature et à les y surveiller, sans exercer de contrôle sur leur reproduction. Un tel contrôle commencera à se généraliser en Europe au début du XVIIIe siècle pour aboutir à l’insémination articifielle, qui est la norme actuellement. On peut penser que le clonage sera la prochaine étape. Pendant tout le moyen âge, des cochons plus individualistes se promèneront librement dans les villes et devront à l’occasion subir des procès, preuve qu’on les estimait doués de libre arbitre. Aujourd'hui ce sont plutôt les porcs qui intentent des procès aux humains!

À l’heure actuelle, les porcs vivent tous sous contrôle humain, à raison de moins de 6 par ferme dans le pays qui produit le plus de porcs au monde, la Chine, et de plus de 100 000 dans les plus grandes porcheries américaines. La viande de porc est la plus populaire au monde. En 1999 la production mondiale a été, en (milliers de tonnes) de 88 430. La production de la Chine a été de 39 858, celle de l'Europe de 18 026, celle des États-Unis de 8 785 et celle du Canada de 1 525. Le Québec produit chaque année autant de porcs qu'il compte d'habitants, soit environ 7 420 000. La densité de porcs y est donc bien inférieure à ce qu'elle est au Danemark, pays minuscule de 5 352 000 habitants qui produit 23 millions de porcs par année.

Essentiel

«L’homme vit très près de son cochon. Paradoxalement, il l’élève, le saigne et le mange. Quand il veut insulter quelqu’un, il lui dit qu’il est un porc, sans se rendre compte qu’il fait de cette façon son autoportrait. L’homme et le porc sont très proches, même sur le plan physiologique (les greffes de porc par exemple). Il est difficile de dire si le rapport homme/cochon est universel, mais, l’homme et le cochon vivent ensemble depuis longtemps. À force d’être entouré d’animaux, l’homme subit leur influence.»

Source: Entretien avec Yordan Raditchkov. Propos recueillis par Véronique Caye. Culture Europe, no 25. Raditchokov est l’un des écrivains les plus célèbres de Bulgarie. Le cochon occupe une place toute particulière dans les chroniques rurales qu’il écrit.


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Dans la quasi totalité des sites Internet destinés aux éleveurs, il n’est question que de techniques d’élevage, de sélection et de mise en marché. Le porc y est toujours présenté comme un objet ou un produit. Si l’on se soucie de sa santé, c’est dans la mesure où l’on estime qu’elle est nécessaire à la rentabilité de l’élevage. Jamais le porc n’est présenté comme un être vivant méritant un respect particulier et bien peu d’auteurs semblent se soucier du lien entre le sort fait à l’animal et la qualité des aliments qu’on en tire. Les premiers responsables des excès commis dans l’élevage du porc ne sont donc pas les cultivateurs, mais les organismes, gouvernementaux le plus souvent, qui leur indiquent la voie à suivre.

Enjeux

«Les consommateurs n’ont plus le choix. Quand ils achètent du porc — et ils en consomment pas loin de 35 kg par an -, ils doivent se contenter de cochons industriels! En effet, 98 % pour ne pas dire 100 % de la viande de porc présente sur les étals proviennent d’élevages hors sol intensifs. Qu’ils viennent de Bretagne, d’Aquitaine, de Champagne, de Belgique, de Hollande, de Grande-Bretagne ou d’Allemagne... tous sortent de l’usine à cochons.»
Source: "98% des porcs français sortent des usines à cochons", site Pour les animaux



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Le débat sur le porc il y a vingt ans: la saga de l’allicin.
«L’élevage industriel du porc, tel qu’on le pratique plusieurs décennies déjà, ne va plus de soi. L’abus qu’on y fait des antibiotiques paraît de plus en plus injustifiable au fur et à mesure que chez les humains, se multiplient les cas où des bactéries sont causes de mort parce qu’elles résistent à tous les antibiotiques. Et ce n’est là qu’un aspect de la question.

Ce grave problème est connu depuis plus de vingt ans. Au Québec notamment, il a fait l’objet d’au moins un grand débat public. Voici le récit des événements entourant ce débat. Il jette une lumière singulière sur la situation actuelle.

Ramenons nos calendriers à 1981-1982. Il y a eu à ce moment une grave épidémie d’hémophilus dans les porcheries de toutes les régions du Québec. L’année précédente, une épidémie semblable avait contraint les autorités du Danemark à ordonner l’abattage de tous les porcs du pays. Une solution semblable aurait coûté des centaines de millions au Québec, mais pour notre bonheur, un jeune vétérinaire particulièrement brillant, avait découvert en Italie un antibiotique efficace contre l’hémophilus.» (voir la suite de ce texte)

JACQUES DUFRESNE, L'agriculture du troisième genre

Articles


Le Cochon

Bernard Prost

Je demande pardon aux pauvres cochons

Léon Bloy
Texte publié en guise de préface au premier tome de Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne (juillet 1900- avril 1904), Paris, Mercure de France, 1905. Le texte constituait l'épilogue de Léon Bloy devant les cochons, Paris, Chamuel, 1894.

Le cochon

Jules Renard
Passages tirés des Histoires naturelles de Jules Renard.

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