Gérin Léon
Léon Gérin par lui-même
"Du côté maternel, mes ancêtres québécois se rattachaient aux paysans défricheurs, recrutés par Giffard, à Mortagne, capitale du Perche, et je n'ignorais pas que ce contingent avait peuplé Beauport, la côte de Beaupré, et fourni à la région de Québec, à celles de Trois-Rivières et de Montréal, à toute la colonie française son premier et plus solide noyau agricole. Toujours rêvant, il me semblait entendre ces vénérés disparus unir leurs voix à celles de mes ancêtres de la lignée paternelle, - dauphinais, saintongeais et autres, - pour me suggérer en tapinois la fierté et la saine beauté de la vie des champs.
L'année de ma naissance s'intercale exactement entre celle de la parution du premier volume de l'oeuvre de mon père: Jean Rivard, le Défricheur (1862) et celle du dernier volume: l’Économiste (1864). (...) Et puis, dès mon enfance, je retrouve en action, au foyer familial, l'influence salutaire de la vie campagnarde. Encore au berceau, une villégiature de mes parents à Saint-Jean, dans l'île d'Orléans, me sauvait la vie. Plus tard, lorsque déjà la famille était fixée dans une ville, - Québec, Ottawa, Montréal,- des séjours périodiques souvent prolongés en diverses campagnes, sur les rives du Saint-Laurent, avaient l'effet d'oxygéner un sang appauvri, de vivifier des organes anémiés, affaiblis par la réclusion de la vie urbaine.
Surtout, un contact plus intime avec le travail de l'habitant, à Saint-Justin et à Saint-Dominique, me familiarisait avec la vie ordinaire du cultivateur, amorçait un commencement d'apprentissage de la vie rurale. Bientôt j'en sus, ou je crus en savoir, assez pour susciter et nourrir en mon esprit l'idée de me faire colon, de tenter un établissement à mes propres frais. J’en étais encore à débattre le pour et le contre d'une pareille aventure, lorsque, vers la fin d'août, un beau-frère de C. * * * , chez qui se poursuivait mon apprentissage, arriva inopinément chez lui, à Saint-Dominique."
L'exploitant agricole émancipé, in Le type économique et social des canadiens, Montréal, Éditions de L’A. C.-F., 1937