Espace, temps et fiscalité
«L'espace et le temps, dont la mise en cohérence politique s'est faite dans le cadre de l'État-nation, ne sont plus sur le même plan. Dans le contexte de la mondialisation, la subordination de l'espace au temps produit des effets en chaîne. Elle affaiblit considérablement le consensus fiscal des nations puisque l'impôt est perçu comme une charge insupportable à la fois par ceux qui peuvent y échapper (la tolérance pour l'emprisonnement décroît dès que s'ouvre une possibilité d'y échapper) mais aussi par ceux qui ne peuvent y échapper car ils voient désormais dans l'impôt moins l'expression d'un acte citoyen qu'une charge inégale. Inutile de dire que cette dynamique influence à son tour négativement la représentation que se font les individus-citoyens de leur appartenance à une même communauté politique. Il en découle une dissociation des destins qui est la marque de la mondialisation. Et il en résulte potentiellement une nouvelle ségrégation sociale entre les rapides et les lents, entre ceux qui domestiquent l'espace pour le mettre au service du temps, et ceux qui se réfugient dans un espace de plus en plus étroit pour résister à l'emprise du temps.»
Zaki Laïdi, La gauche à venir. Politique et mondialisation, éditions de l'aube, 2001, p. 7