Du suicide
Le stoïcien considérait comme une prérogative de sa personnalité de sage de pouvoir sortir tranquillement de la vie comme on sort d'une chambre pleine de fumée... Mais ce même courage, cette force d'âme qui lui faisait braver la mort, aurait dû être à ses yeux un argument encore beaucoup plus fort pour l'engager à ne pas détruire en lui un être doué d'une puissance si grande, supérieure à tous les mobiles sensibles. L'homme, tant qu'il y a des devoirs pour lui, par conséquent tant qu'il vit, ne peut abdiquer sa personnalité ; et il est contradictoire d'admettre qu'il puisse s'affranchir de toute obligation, c'est-à-dire agir si librement qu'il puisse soustraire ses actes à toute espèce de droit. Détruire dans sa propre personne le sujet de la moralité, c'est, autant qu'il est en soi, faire disparaître du monde la moralité elle-même... c'est disposer de soi pour une fin arbitraire, c'est avilir l'humanité dans sa personne.