Il existe une pastorale du tourisme, je ne sache pas qu'il y ait une morale du tourisme. Le goût d'aller à l'autre, de le découvrir et, par là, de se dépayser n'a rien de condamnable. Cependant, la pratique industrialisée du tourisme lui a donné un aspect nouveau: il ne s'agit pas de découvrir (même si le mot abonde dans les prospectus) ni de comprendre, mais de consommer des signes et des valeurs qui ont mis des siècles à se constituer. Ce tourisme, industrialisé, enrégimenté, est l'expression éclatante de la curiosité, telle que Heidegger la désigne dans sa triade vicieuse (avec l'équivoque et le bavardage). Comparable à la prostitution, il ne donne à consommer qu'un simulacre. Au lieu d'une approche lente, pudique, amoureuse, de l'étranger, il nous promet, contre argent, l'étalage de friandises exotiques. Sans doute, l'article premier d'une morale du tourisme serait l'interdiction de consommer ce qui ne doit pas l'être, car toute consommation de valeurs est destructive, et de même que le viol détruit l'amour, les cohortes touristiques, menées au mégaphone à l'assaut des monuments, détruisent ce qu'elles croient posséder.