La démocratie individuelle a-t-elle un avenir?
Ce livre semble tout spécialement destiné à ceux qui partagent les inquiétudes de Jean-Louis Lévesque. «De fait, écrit Yves Leclerc, comme le soulignaient Hans Kelsen et Robert Michels au début du siècle, ce que nous appelons démocratie est en réalité un régime libéral de type électif à tendance oligarchique.»
Yves Leclerc nous avertit: je ne vais pas tempérer mes critiques de la démocratie en en montrant les bons côtés; tant d'autres ont pris le parti inverse que ce régime politique est présenté comme une religion universelle, comme le remède à tous les maux de tous les pays. Qu'on se rassure: «Je ne suis, écrit Yves Leclerc, ni monarchiste, ni fasciste et je demeure convaincu qu'on ne peut gouverner les communautés humaines qu'avec leur accord».
On présente souvent la démocratie comme la condition de la prospérité, surtout depuis l'effondrement des régimes communistes. Yves Leclerc nous rappelle que c'est plutôt la prospérité - rendue possible par les colonies et une main d'oeuvre peu ou pas rémunérée - qui a été la condition de la démocratie, du moins si l'on en juge par la façon dont elle s'est imposée en Europe.
Yves Leclerc s'étonne de ce que l'on s'en prenne de façon rituelle aux dirigeants des démocraties, sans jamais oser mettre en cause le système lui-même. «Si le système est au point, demande-t-il, comment peut-il porter si souvent de tels personnages (incompétents) au pouvoir? [...] Essayez par exemple de suggérer que les sondages d'opinion devraient avoir un rôle plus positif et reconnu dans le processus. Vous susciterez une immédiate levée de boucliers sans que quiconque prenne la peine de peser le bien- fondé de telles propositions.»
Son analyse du rôle des députés le mène à la même conclusion: «Il est significatif que dans une foule de pays, on reprend tous les cinq ou six ans le débat sur la nécessité de revaloriser le rôle du député. Ce n'est pas le rôle du député qui est à repenser mais celui de la législature. Cette erreur de perspective n'est d'ailleurs qu'une autre manifestation de notre tendance à envisager tous les problèmes sous l'angle individuel, alors qu'ils portent sur l'ensemble d'une collectivité, d'un groupe ou d'une institution.»