Jeunesse

Pour le Conseil permanent de la jeunesse, les jeunes, ce sont les 15-29 ans. Ce découpage, établi de façon arbitraire, reflète tout de même une réalité certaine. En effet, de 15 à 29 ans, les personnes s'engagent dans un continuum qui, au départ, est caractérisé par un large état de dépendance (envers les parents, l'école, etc.), qui se transforme progressivement ou brusquement pour aboutir à une plus ou moins grande autonomie. Cette autonomie peut se définir comme l'acquisition d'un certain pouvoir: celui de choisir.

La jeunesse est une idée jeune: « Un auteur du XVIIe siècle pouvait écrire que la vie humaine ne commence qu'à vingt ans, quand la raison l'emporte sur l'aveuglement et les passions du premier âge: "Avant ce terme, l'on est enfant, et un enfant n'est pas un homme." Aujourd'hui, on tendrait à croire qu'un homme perd toute valeur, toute beauté, tout crédit, voire toute raison d'être à mesure qu'il s'éloigne de ses vingt ans, qu'on cesse d'être homme du moment qu'on cesse d'être jeune. Aujourd'hui, il n'y a plus de grandes personnes. Et c'est pourquoi il est si difficile d'être adulte. »

OLIVIER REBOUL, « L'adulte, mythe ou réalité? », Revue Critère, no 9, p. 87.

* * *

On peut observer, aujourd'hui, une crainte de vieillir et une obsession pour l'idée de jeunesse: « Dans les sociétés modernes, la vieillesse n’est pas un âge enviable puisque la logique de l’expérience accumulée, de la sagesse ne domine plus. Les changements permanents de la société dévaluent le savoir des "anciens". Telle est la raison principale, objective, de notre crainte de vieillir. Nous voulons rester jeunes [...] car nous voulons rester "actifs", "dans le coup". Le mouvement traditionnel s’inverse: ce ne sont plus les jeunes qui doivent vieillir, mais les personnes âgées qui doivent rester jeunes. »

« Pour les jeunes, le passé va rester vivant ». Entretien avec François de Singly, Psychologies Magazine, janvier 2000.

Essentiel

« C'est la fièvre de la jeunesse qui maintient le monde à température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. »

GEORGES BERNANOS

Enjeux

«La jeunesse d'aujourd'hui

Approfondissons maintenant quelques-unes des dimensions qui caractérisent plus spécifiquement la jeunesse contemporaine : la démographie, la culture à travers les valeurs et la participation à la vie civique.

La démographie

Les changements démographiques font en sorte que les jeunes contemporains se perçoivent de plus en plus comme minoritaires par rapport aux cohortes qui les ont précédés. Qu'est-ce que cela peut signifier?

Cela comporte une part d'insécurité devant l'avenir. À l'inverse, cela peut faire de ces jeunes de redoutables négociateurs se servant de leur petit nombre comme monnaie d'échange.

Les valeurs

« L'autonomie dans la dépendance »

La quête d'autonomie se manifeste très tôt chez ces enfants de petites familles héritières des idées de liberté issues de la Révolution tranquille. Ils ont eu une relation avec leurs parents qui n'était pas le rapport traditionnel d'autorité que leurs parents ont vécu dans leur famille où la hiérarchisation des rôles était plus affirmée. Pour les jeunes d'aujourd'hui, le respect ne s'impose pas, il se gagne.

Ayant grandi dans un contexte de grande permissivité, tant dans la vie privée que dans les rapports avec les autres, ils ont appris très tôt les règles de la négociation avec l'adulte. Les enseignants en savent quelque chose. Ils continuent, devenus adultes, à aimer la discussion et n'acceptent pas facilement les règles ou les normes sans avoir participé à leur élaboration. Mais, ils ont ceci d'extraordinaire qu'ils sont des plus coopérants à la suite d'un consensus. Rainer Zoll, un sociologue allemand, a une expression heureuse pour rendre cette idée. Il l'appelle le « processus de communication approfondie avant d'agir ».

L'allongement des études a fait en sorte que les jeunes ont dû apprendre à composer avec de multiples formes de dépendance : dépendance financière de la famille ou des prêts et bourses, dépendance du système d'éducation. Dans ce contexte de dépendance, ils savent cependant exiger le respect de soi. Ne sont-ils pas aussi les enfants de « la charte des droits et libertés »? « C'est mon droit! » se sont faits répéter à satiété, par cette génération, bien des parents et des enseignants. Ils ont intériorisé le fait que s'ils veulent obtenir la place qu'ils convoitent dans la vie, ils doivent se mettre au travail, accepter la concurrence et se donner les moyens de réussir le plus rapidement possible. Prendre sa vie en mains : c'est possible même dans un contexte dont on ne contrôle pas les règles du jeu, mais cela peut poser quelques embarras à des dirigeants qui s'attendent, de la part de leurs employés, à une attitude qu'ils n'ont pas nécessairement développée, la docilité. Lors des premières expériences du marché du travail, l'apprentissage de l'exercice de l'autorité sera nouveau pour plusieurs.

Le travail en premier?

Le travail occupe une place importante dans la vie des jeunes, moins importante cependant qu'elle ne l'a été au moment des grandes mutations du travail à la fin des années 70 et dans les années 80. Quelques études montrent que la place qu'occupe le travail chez les jeunes Québécois a une fonction expressive. En d'autres termes, travailler constitue moins un devoir ou l'obligation de gagner sa vie, ce qui correspondrait à la fonction instrumentale ou normative du travail, qu'un moyen de plus qui doit contribuer à son épanouissement.

Le nomadisme existe de plus en plus comme conséquence de la flexibilité d'emploi. La loyauté envers l'organisation pourrait se développer lorsque l'employé y voit des possibilités d'atteindre la régularité.

Mais qu'est-ce qui rend l'emploi intéressant si ce n'est ni la rémunération, ni la stabilité? Les éléments les plus satisfaisants du travail sont ceux reliés aux aspects intrinsèques du travail comme les heures de travail, le temps partiel volontaire s'il y a lieu, la relation formation/emploi, l'ambiance ou le milieu de travail, la qualité des relations humaines. Si le plaisir ne se trouve pas « dans » le travail, il peut bien se trouver « au » travail. Peu importe le type d'enquête que l'on mène auprès des jeunes, l'importance du milieu de travail constitue une valeur importante.

En résumé, l'importance accordée au travail est primordiale parce qu'il occupe une place dans l'organisation du temps qui ne peut être reléguée au deuxième rang des valeurs importantes pour soi. Ce qu'on constate, cependant, c'est qu'une nouvelle culture du travail est en train de gagner du terrain, une culture du travail qui se comprend bien si on retourne à toutes les expériences de socialisation antérieures.

La famille en premier?

La valeur qui dépasse toutes les autres lorsque l'ensemble des valeurs est proposé au moment d'une enquête, autant au Québec qu'ailleurs dans le monde, c'est la famille. Ce que les 20-34 ans envisagent de mieux réussir dans leur vie, c'est leur vie amoureuse. Mais, les jeunes qui ont comme projet de former un couple stable et une famille, sont souvent placés devant le dilemme où ils doivent vivre la contradiction « travail/famille ou famille/travail » à l'intérieur de leur propre système de valeurs.

Alors que pour les cohortes précédentes, depuis l'accès massif des femmes sur le marché du travail, la question se posait à savoir comment organiser la vie domestique en fonction des horaires et des exigences de l'emploi, il y a renversement de perspective aujourd'hui. On se demande moins comment vais-je m'organiser en fonction du travail que comment l'organisation du travail pourrait-elle permettre une meilleure conciliation entre les deux fonctions?

L'engagement citoyen

Les dernières décennies nous avaient habitués à une certaine tranquillité de la part de la jeunesse, tranquillité qu'on a tendance, lorsqu'on appartient aux générations aînées, à comparer avec les mobilisations d'une autre époque. Il semble que des éléments dynamiques de la jeunesse actuelle n'hésitent pas à participer à tous les niveaux de l'organisation sociale. Certains enjeux entraînent leur adhésion plus que d'autres : l'équité intergénérationnelle, les questions environnementales, la paix dans le monde, l'entraide internationale.

Les jeunes étonnent par leurs connaissances de l'actualité, eux que les aînés croient absolument ignorants de l'information. Les voies par lesquelles ils s'informent peuvent différer des voies classiques que constituent les quotidiens ou les nouvelles télévisées. Ce qu'on sait, c'est que nous sommes probablement en face de la cohorte la plus ouverte aux questions internationales que nous ayons connue, la plus ouverte sur le monde. »

Source: Madeleine Gauthier, Passifs ou acteurs: les tendances actuelles chez les jeunes, Colloque 2004 de l'Association des cadres des collèges du Québec: Cap vers de nouveaux horizons.

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