Piketty, François et la relance du débat sur les inégalités

Stéphane Stapinsky

Un peu plus tôt cette année, une réalité qu'on aurait cru d'une autre époque a fait son apparition en Angleterre et aux Etats-Unis: les « poor doors ».(1). Par « poor doors », il faut comprendre une entrée, généralement à l’arrière ou sur les côtés, qui est réservée exclusivement aux résidents les plus pauvres des tours à logement mixtes. Les résidents les plus fortunés, quant à eux, accèdent à l’édifice par la voie royale, soit l’entrée principale. Il s’agit clairement d’une forme de ségrégation sur la base de la richesse, qui apparaît dans le décor de certaines villes. Cette réalité symbolise mieux que toute autre chose, je crois, les inégalités socio-économiques croissantes dans les pays industrialisés.

 

Source : http://blackceezar.wordpress.com/2014/08/06/the-poor-door-isnt-about-segregation-its-about-the-lack-of-self-respect/


Les effets de la crise financière de 2008 sont loin de se résorber dans les pays occidentaux qui ont été lourdement touchés. Le thème des inégalités a fait son apparition dans le débat public au début des années 2010, avec le mouvement Occupy et sa critique des privilèges des 1%. Cantonné aux prises de positions des militants, ce thème a fait une entrée remarquée cette année sur la scène intellectuelle et dans le domaine la vie spirituelle grâce à deux figures remarquables, l’économiste français Thomas Piketty et le pape François, que nous allons évoquer dans cet article.

Le successeur de Marx ou de Tocqueville?

Piketty a publié en France, en 2013, Le Capital au XXIe siècle, un ouvrage imposant par le nombre de pages et par son ambition. Ce livre était le couronnement de plus d’une dizaine d’années de recherches et de réflexions menées dans le champ économique des inégalités de revenus et de fortunes dans le monde, par l’auteur et par certains de ses collègues, comme Anthony Atkinson, de l’université d’Oxford, et Emmanuel Saez, de Berkeley. Ces économistes  « ont été des pionniers dans le développement de techniques statistiques permettant de retracer la concentration des revenus et de la richesse dans un passé lointain – en remontant au début du XXe siècle dans le cas des États-Unis et de la Grande-Bretagne, et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle pour ce qui est de la France. » (2)

Jusqu’à la parution du Capital, les travaux de Piketty n’avaient reçu, au mieux, qu’un accueil poli de la part des spécialistes de son champ d’expertise. Mais aujourd’hui, on parle de lui comme d’une « rock star » de l’économie. Certains, portés sur l’enflure verbale, le désignent même comme un nouveau Karl Marx. De manière abusive, car il n’est pas « marxiste » et ne prône pas la suppression du capitalisme. Il serait peut-être plus juste de parler, à l’instar de Gullian Tett, du Financial Times, en raison de l’importance qu’il a maintenant aux États-Unis, de « Tocqueville moderne » (3). 

En quelques semaines, un débat réservé à des initiés et à des militants s’est transformé en véritable phénomène médiatique. On parle maintenant, aux États-Unis, de « pikettymania », et même, dans un sens péjoratif, de « Piketty porn ». Comme l’écrit Nicolas Goetzmann, «Thomas Piketty ne maîtrise plus son nom, Il est aujourd’hui une marque. Stéphane Hessel fut le symbole de l’indignation, Piketty est le mot magique pour se référer à la lutte contre les inégalités.» (4) 

Il y a quelques semaines, l’édition allemande du Capital est sortie des presses, suscitant en terre germanique d’innombrables débats.  L’ouvrage de Piketty a rejoint courte liste des ouvrages qui ont dépassé les limites de leurs disciplines et marqué le discours public de leur époque, comme La fin de l’histoire et le dernier homme (1992) de Francis Fukuyama et Le Choc des civilisations de Samuel Huntington (2001).


Un succès qui fut lent à démarrer…

Comment un tel succès fut-il possible? La publication de l’ouvrage en France était pourtant passée relativement inaperçue l’an dernier, malgré un succès sur le plan éditorial. Une des explications possibles en est que le thème des inégalités fait déjà partie, là-bas, des données de base du débat politique. On est en terrain connu. Lors de la dernière élection présidentielle, le candidat François Hollande avait, rappelons-le, dénoncé le monde de la finance et qualifié son adversaire, Nicolas Sarkozy, de « président des riches ». 

De plus, l’image de l’économiste avait été quelque peu ébréchée du fait qu’il avait été associé à l’élaboration du fameux projet de taxe de 75% sur les plus hauts revenus, projet mis de l’avant par le candidat socialiste mais qui fut aussitôt dénoncé par un des conseillers du futur président. Par la suite, cette proposition fut même invalidée par le Conseil constitutionnel.

Si le Capital a été plutôt bien reçu par une certaine gauche libérale (qui n’avait pas alors entrepris sa reconversion…), il a par contre été jugé parfois sévèrement par la gauche sociale et par l’extrême gauche, qui ne le trouvait tout simplement pas assez… « à gauche ». En fait foi ce compte-rendu de François Chesnais d’Attac :

« (…) s’agissant des inégalités il est très peu question de la propriété des moyens de production comme étant un de leurs fondements. Le chapitre sur le mérite et l’héritage, me semble-t-il, n’en dit rien. Cela a peut-être un rapport avec le fait que Thomas Piketty, sans parler bien sûr du capitalisme comme un « horizon indépassable » à la François Furet, le prend comme un système économique et social dont il n’est jamais question que l’humanité puisse sortir. Il n’y pas vraiment un « autre monde possible » pour reprendre un terme d’Attac et de l’altermondialisme. » (5)

Quelques mois plus tard, Didier Eribon, un disciple de Michel Foucault, se montrait encore plus cinglant : 

« Le regard porté sur le monde social par Piketty participe de cette problématique aronienne de l'individualisation construite contre l'idée même de classes sociales, contre l'idée de déterminismes sociaux et de reproduction et, par conséquent, contre toute approche en termes d'exploitation et de luttes, de domination et de conflictualité. C'est la démarche qui sous-tend tout son livre : ce qui définit la « modernité démocratique », répète-t-il, c'est que les inégalités sociales sont justes et justifiées si elles sont fondées sur le travail et le mérite individuels.

(…) pour que le capitalisme soit acceptable et que les inégalités soient acceptées, il est nécessaire de limiter – par l'impôt – celles qui deviennent chaque jour un peu plus scandaleuses et un peu moins justifiables. La critique du « capital » et quelques mesures fiscales interviennent ici pour sauver le paradigme où l'on pense le monde social sans les classes et les antagonismes de classes. » (6) 

Le big bang américain...

Si l’ouvrage a eu, on vient de le voir, une réception initiale plutôt discrète en France, aux États-Unis, où la traduction anglaise parut au début de 2014, ce fut une toute autre histoire.

L’ouvrage a trôné au sommet de la liste des bestsellers d’Amazon et du New York Times durant de nombreux mois. Un aéropage d’économistes et de journalistes de prestige lui aura en quelque sorte pavé la voie : « Paul Krugman, Robert Solow, Robert Skidelsky, Martin Wolf, Will Hutton et de nombreux autres économistes, chroniqueurs et éditorialistes se sont exprimés au sujet de ce livre, dont ils ont présenté et discuté le contenu, la méthode et les thèses, souvent de manière détaillée. Ces recensions ont été commentées. Des portraits de Piketty ont été publiés dans The New Yorker et The Chronicle of Higher Education. Une conférence qu’il a donnée à New York accompagné de deux de ses plus fervents partisans, Paul Krugman et Joseph Stieglitz, a donné lieu à plusieurs reportages. » Sur la réception de l’œuvre de Piketty dans le monde anglo-saxon, je renvoie le lecteur à l’étude approfondie du philosophe Michel André, sur le blog du magazine Books, dont est tiré l’extrait précédent (7).  

Un économiste, certes de gauche, mais qui n’est pas un idéologue, qui travaille selon les règles de la science économique, ne peut certes être balayé du revers de la main, ni tourné en ridicule – comme on le fait souvent, au Québec, pour les sorties tonintruantes d’un Léo-Paul Lauzon, qui font le délice des économistes de droite, mais ont néanmoins un fond de vérité.

Piketty n’est pas un extrémiste, il ne refuse pas le capitalisme ni la mondialisation. Il est un réformateur du système, non un opposant à celui-ci. Il a le souci de faire en sorte que les gains de la mondialisation soient partagées de façon équilibrée afin que celle-ci ne soit pas remise en cause. On ne peut donc repousser ses hypothèses sans s’y confronter sérieusement.

Et puis, plus important encore, nous le verrons plus loin, il dit des choses qui « parlent » aux Américains.

Que dit Piketty?

Le Capital au XXIe siècle livre un grand tableau, une fresque historique qui s’étend sur plus de deux siècles. L’ouvrage veut faire ressortir les tendances lourdes quant à la distribution des revenus entre le capital et le travail. Ceux-ci sont deux types de revenu qui obéissent à des logiques distinctes. Si le travail suit la croissance de l’économie, le capital, pour sa part, se conforme à une logique différente. Le rendement du capital est en fait indépendant de la croissance économique. C’est cette réalité qui va engendrer les grandes inégalités. Pour Piketty, la relation fondamentale entre le capitalisme et les inégalités s’exprime par la formule r > g, c'est-à-dire que le taux de rendement du capital est supérieur au taux de croissance économique.

 

Thomas Piketty lors d'une séance de dédicace, le 18 avril 2014, à la Harvard Book Store, Cambridge, Massachusetts.

Crédit : Sue Gardner. Source en ligne : Wikimedia Commons
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Selon l’économiste Paul Krugman, l’aspect révolutionnaire de l’ouvrage, c’est qu’il se penche sur le cas des « ultra-riches », ceux qu’on pourrait désigner comme, non pas les «1% », mais les «0,1% » : « La publication de ce livre a produit une révolution dans notre manière de comprendre les tendances à long terme des inégalités. Avant cette révolution, la plupart des discussions concernant les disparités économiques ignoraient plus ou moins les ultra-riches. (...) Mais même ceux qui étaient ouverts à discuter des inégalités mettaient plutôt l’accent sur l'écart entre, d’un côté, les pauvres et, de l’autre, la classe ouvrière et ceux qui avaient une certaine aisance matérielle, tout en ne prenant pas prenaient pas en compte la situation des très riches – ils s’intéressaient aux les diplômés des collèges dont les gains salariaux dépassaient ceux des travailleurs moins instruits, ou à la relative bonne fortune des 20% les plus aisés par rapport aux 80% les moins riches, mais ignoraient complètement les revenus, en forte croissance, des cadres et des banquiers. » (8)

Piketty constate que la part du revenu national possédée par le millième supérieur, aux États-Unis, est passée de 2 à 10 % du revenu national, entre 1970 et 2010.. Le revenu de ce «0,1% » y est passé, dans la même période, de vingt à cent fois le revenu moyen des Américains. La concentration de la richesse aux mains de ce groupe d'ultra-riches est moins accentuée en Europe et au Japon, mais la tendance générale est la même. L'économiste français observe que le Royaume-Uni et le Canada sont en voie de rejoindre les États-Unis en ce domaine.

Une des conclusions du livre est que « nous sommes non seulement revenus à des niveaux d'inégalité de revenus comparables à ceux du dix-neuvième siècle, mais qu’un « capitalisme patrimonial », dans lequel les postes-clés de la vie économique sont contrôlés non pas par des personnes de talent, mais par des dynasties familiales, est en train d’être réinstauré. » (9)

Pour Piketty, jusqu’à un certain point, l’inégalité peut être utile pour la croissance et l’innovation, mais dépassant un certain seuil, elle devient nuisible pour cette même croissance. A partir de quel moment l’inégalité devient-elle excessive ? Telle est une des questions qu’il pose.

De l’avis général, la grande qualité de l’ouvrage est sa base empirique impressionnante : 

« Le Capital au XXIe siècle est le résultat de décennies de travail de collecte des données sur le revenu national à travers les siècles, les pays et les classes sociales, fait en partenariat avec des chercheurs d’un peu partout dans le monde. (...) L’ouvrage entend fonder le débat sur les inégalités sur des données empiriques solides, il veut réintroduire la question de la répartition des richesses parmi les préoccupations de la discipline économique, et lancer un débat qui ne concernerait pas uniquement les sciences sociales mais aussi le public en général. Comme le dit Piketty, la répartition des richesses ‘’est une question trop importante pour être laissée aux seuls économistes, sociologues, historiens et philosophes. Elle concerne tout le monde, et c'est une bonne chose.’’ » (10)

Pour Piketty, si on ne fait rien pour inverser la tendance, le 21e siècle sera celui des grandes inégalités, de la grande fracture sociale. Selon lui, il n’y a qu’une solution, si utopique soit-elle : instaurer une taxe mondiale sur le capital, qui permettra la redistribution des immenses fortunes accumulées.

Tir groupé sur l’économiste français

Si Le Capital au XXIe siècle a suscité un engouement chez bien des Américains, surtout à gauche, il a aussi et surtout permis à bien des critiques de sortir leur artillerie lourde.

On ne s’en surprendra pas, les commentaires les plus virulents proviennent des milieux économiques de droite américains, néo-conservateurs et libertariens. Tout comme en France, la gauche américaine n’est pas unanime à propos de l’ouvrage. Si bien des militants, et même des catholiques progressistes, s’en réclament, certaines figures importantes de la gauche américaine, comme l’économiste James K. Galbraith (11), marquent clairement leur distance.

Mike Konczal résume bien le sens général des critiques tant de la droite que de la gauche : « Si les critiques à droite de Piketty sont préoccupés du fait qu’il n'ancre pas suffisamment sa théorie sur des modèles économiques, certains économistes et d’autres critiques situés à gauche estiment qu'il fait trop de concessions à l'économie dominante et ne tient pas suffisamment compte du politique. » (12)

Il nous faut distinguer ici entre cette critique de bon aloi, émanant le plus souvent de spécialistes du domaine ou d’intellectuels sachant faire la part des choses, que nous venons d’évoquer, et celle, plus brutale, souvent sans nuance, des idéologues de tout poil – représentants de think tanks, d’associations diverses, millitants ou journalistes. Dans le deuxième cas, on sent souvent une volonté obsessionnelle de détruire l’ouvrage et de discréditer son auteur.

Certains, à droite, nient toute malveillance particulière à l’égard de l’économiste français. Tout au contraire, nous dit Nicolas Goetzmann, du site libéral français Atlantico, c’est la gauche qui en ferait une icône intouchable (13). Je m’inscris en faux contre cette position. J’ai été à même de constater qu’Il y a vraiment une attaque idéologique brutale d’une partie de la droite libérale, des deux côtés de l’Atlantique, qui vise à décourager tout débat sur la question des inégalités économiques, en discréditant le message de Piketty.

A un premier niveau, certains critiques vont nier purement et simplement l’existence de quelque inégalité que ce soit, comme Tony Katz (14) ou Bill O’Reilly, de Fox News, chaîne télé proche des républicains américains (15). Ou bien, sans les nier, ils tenteront de minimiser leur importance. Il estimeront que l’on perd du temps à parler des inégalités, qu’elles sont inévitables et nécessaires au système (16). Ce que ne nie d’ailleurs pas Piketty, mais son propos concerne la démesure qu’ont aujourd’hui ces inégalités.

Dans un deuxième temps, on cherchera à neutraliser le contenu de son ouvrage, en attaquant l’idéologie de l’économiste, la rigueur de sa méthode ou encore la validité de ses données. On n’hésitera pas à faire des leçons d’économie à Piketty. C’est le cas du fameux article de Chris Giles du Financial Times, qui relevait de soi-disant erreurs de l’économiste français quant aux données qu’il utilisait (17).

Ou encore celui de ce texte éditorial du site Bloomberg.com, qui dénonce les sympathies « gauchistes » de Piketty  : 

« Malheureusement, mais c’est peut-être inévitable, la plupart des commentaires subséquents [de Piketty] sont orientés idéologiquement. (...) Le livre dit aussi étonnamment peu de chose sur les raisons qui feraient que l’inégalité soit elle-même un problème. Piketty a une vision dystopique de ce qu’est l’oligarchie. Mais, faut-il le rappeler, les ploutocrates sont de toutes formes et de toutes tailles: Ils peuvent être libéraux, conservateurs ou non-alignés. Leurs intérêts sont différents et leurs valeurs aussi. Certes, l'argent a peut-être trop d'influence sur la politique américaine, mais cela s’explique tout autant par un échec du système politique que par l’existence des inégalités. » (18)

Fait à noter. Si la réception de l’ouvrage avait été plutôt calme en France, dans un premier temps, la virulence des critiques émanant de la droite économique aux États-Unis a comme ravivé la flamme de son homologue hexagonal.

Voici un échantillon de messages critiques postés sur Twitter au printemps 2014: 

Philippe Aghion: «La théorie de Piketty est contestable ainsi que l’analyse empirique qu’il utilise» http://www.lopinion.fr

 Fabrice Bonin @FabriceBonin · 12 h

L'économiste socialiste Piketty et ses mensonges: cela va de soi

sur 142 points, 114 avaient des erreurs. Piketty n'est donc pas qu'un imbécile c'est aussi un escroc et un menteur.

 

 aurelien_veron @aurelien_veron · 26 mai

Aujourd'hui, le @FT montre les nombreuses erreurs de #Piketty dans son ouvrage trompeur. Démontage en règle d'une fraude intellectuelle

Les médias de la droite libérale française manifestent la même virulence dans leurs attaques. Ainsi La Tribune, journal économique, qui n’y va pas avec le dos de la cuiller, c’est le moins qu’on puisse dire :

« Peut-on donc faire confiance aux résultats affichés par Thomas Piketty? L'impression prévaut que, tout à sa volonté de bien «vendre» ses thèses, l'économiste est prêt à arranger la vérité des résultats statistiques obtenus à l'issue de ses recherches. "C'est de la pop-economics" estime un de ses confrères.  De quoi donner des arguments à ses adversaires, alors même que ses travaux sont essentiels. » (19)

Et Les Échos, autre publication d’affaires, croient avoir identifié l’erreur fondamentale commise par l’économiste :

« Le grand mérite de l’auteur du "Capital au XXIe siècle" et de son équipe, c’est d’avoir enfin, et sur une longue période, cherché à savoir comment la richesse s’était [mot manquant]. Mais son erreur, c’est d’avoir cherché à en tirer des conclusions philosophiques, sinon politiques, au lieu de jeter les bases d’une "nouvelle science économique". » (20) 

Pourquoi ces réactions excessives dans le monde anglo-saxon?

À la lecture et à l’audition de ces critiques souvent très dures envers l’ouvrage de Piketty, on sent très bien que l’on s’attaque à bien plus qu’à un simple livre. Comme l’écrit fort justement Paul Krugman : « Et les conservateurs sont terrifiés. Voilà pourquoi James Pethokoukis, de l’American Entreprise Institute prévient, dans le National Review, que les travaux de Piketty doivent être réfutés, sinon ils vont "se propager parmi l’intelligentsia et refondre le paysage politique économique sur lequel toutes les batailles politiques seront menées à l’avenir". » (21)

La diffusion des thèses de Piketty rencontre donc une résistance au sens psychologique, de la part des tenants du néolibéralisme, qui sentent bien qu’il s’attaque à l’une des colonnes du temple américain. Qu’on ne se leurre pas. Les 1% n’entendent rien reconnaître de leur emprise sur la société américaine, ni surtout rien céder de leur pouvoir. Pour faire entendre raison au peuple, ils ont leur lot d’hommes de main et de mercenaires – économistes, intellectuels de toutes sortes, journalistes, lobbyistes, hébergés par des instituts de recherche et des thinks tanks qu’ils arrosent à profusion.

Il s’agit avant tout, pour les ultra-riches et leurs séides, de faire dévier le débat, de faire à tout  prix diversion. De faire oublier, en particulier, « que les États-Unis ont une distribution beaucoup plus inégale des revenus que les autres pays industrialisés, et que l’essentiel de cette différence de résultats peut être attribuée directement à l'action gouvernementale. » (22)

Pour ce faire, une des voies privilégiée consiste à essayer de réduire la critique des inégalités socio-économique à une simple manifestation de mépris envers les riches, qui traduirait en vérité de l’envie. C’est, par exemple, la position d’un Taleb Nicholas Nassim, sur son compte Twitter. « Dans un monde de fainéants geignards motivés par la jalousie anti-riches, Piketty est roi », peut-on lire sur un autre compte Twitter français (23). 

Crime impardonnable que commet Piketty : il ose proposer de taxer davantage les riches. Crime de lèse-richesse. C’est un débat qui, on le sent bien, tourne à la défense de privilèges.

Mais les raisons pour lesquelles Piketty a une telle audience aux États-Unis sont plus profondes et ont un lien avec un questionnement sur l’identité même de ce pays. L’analyse de l’économiste français fait en effet ressortir la vanité de certains des mythes sur lesquels est fondée la société américaine, ainsi que le rappelle avec finesse Gullian Tett, du Financial Times :

« Mais j’ai l’intuition que la véritable raison du succès dont bénéficie Thomas Piketty n’est pas du à la qualité de ses chiffres, mais [au] fait qu’il oblige les Américains à affronter un sentiment croissant de ‘dissonance cognitive’. Il y a près de 250 ans, lorsque les pères fondateurs ont créé la nation, ils croyaient fièrement avoir rejeté la tradition européenne d’aristocratie héréditaire et de rentes. Les Américains devaient s’enrichir grâce à un travail acharné, au mérite et à la concurrence.

Les inégalités étaient ainsi souvent tolérées car chacun espérait qu’il deviendrait riche. C’est le rêve américain qui a favorisé l’esprit d’entreprise et fourni un ciment social crucial.

 Le livre de Thomas Piketty montre que ce rêve devient un mythe. Il note que dans les dernières décennies, l’Amérique était en effet plus égalitaire que l’Europe. Aujourd’hui, la richesse aux États-Unis est plus inégalement répartie que presque partout ailleurs, et les revenus des richesses accumulées sont si élevés que les richesses sont le plus souvent héritées au lieu d’être construites. La plupart des Américains le savent instinctivement ou le ressentent. » (24)

Paul Krugman ne dit pas autre chose, en des termes différents : 

« Ce qui change vraiment dans le "Capital" c’est la façon dont il démolit les mythes conservateurs les plus aimés, cette façon d’insister sur le fait que nous vivons dans une méritocratie dans laquelle une grande richesse est méritée et durement gagnée.

Ces dernières décennies, les conservateurs ont proposé deux lignes de défense aux tentatives de faire de la flambée des revenus les plus hauts un problème politique : tout d’abord, ils réfutent le fait que les riches s’en sortent aussi bien et que les autres s’en sortent aussi mal, mais lorsque ce déni s’écroule, ils prétendent que ces revenus qui flambent au sommet sont une récompense justifiée pour services rendus. Il ne faut pas les appeler les 1 pourcent, ou les riches; il faut les appeler "créateurs d’emplois".

Mais comment tenir cette ligne de défense si les riches reçoivent la plupart de leurs revenus des biens qu’ils possèdent et non du travail qu’ils fournissent ? Et que se passe-t-il si la grande richesse vient de plus en plus d’un héritage et non de l'entrepreneriat ? » (25) 

Donc, cachez ces inégalités que je ne saurais voir....

Les « 1% », et les intellectuels qui se portent à leur défense, tout en cherchant à éviter de parler des inégalités, voudraient que le débat soit recentré sur la notion de pauvreté. « Le sénateur Marco Rubio, de la Floride, évoque le ‘’manque de mobilité’’ des pauvres comme cause de leurs problèmes. Le représentant Paul Ryan, du Wisconsin, leur reproche leur isolement de l'Amérique traditionnelle: "Tous les indicateurs, des niveaux d'éducation au taux de nuptialité, démontrent que les familles pauvres s’éloignent de plus en plus de la classe moyenne''. David Brooks, chroniqueur conservateur du New York Times, est d’avis que les ‘’problèmes sociaux inextricables des pauvres’’ n'ont rien à voir avec la question des inégalités. » (26) Serait-ce que ces brillants représentants de la classe politique et médiatique auraient comme but premier d’éradiquer la pauvreté ? Pas exactement. L’accent mis sur celle-ci reporte en fait la responsabilité de sa situation sur le pauvre lui-même. S’il est pauvre, c’est de sa faute, il n’est pas assez productif, il a une mauvaise vie. Cela permet donc d’éviter de poser le problème dans toute son amplitude.

Les ultra-riches préfèrent parler de pauvreté plutôt que d’inégalité? C’est aussi parce que si l’on discute des inégalités, la discussion, inévitablement, risque de prendre une dimension morale. Les plus que mieux nantis seront alors critiqués dans les choix qu’ils font, dans certaines de leurs attitudes. Et ça, ils ne le souhaitent absolument pas :

« Les riches n’aiment pas aborder la question des inégalités parce que, de par sa nature même, le sujet fera en sorte que l’on sera amené à porter des jugements moraux sur la façon dont les ils vivent et à en faire un sujet de discussion publique. (...) Je pense (...) que lorsqu’ils entendent, dans les médias, que les ‘’un pour cent’’ ‘’doiventt payer leur juste part’’, ils comprennent que le public juge leur manière de vivre injuste et inéquitable. Personne n'aime être jugé comme étant une mauvaise personne, en particulier par les politiciens les plus puissants du monde et dans les pages des journaux les plus lus sur la planète. Les riches, en conséquence, réagissent de manière négative au débat public sur les inégalités, de la même manière que beaucoup de mangeurs de viande n'aiment pas débattre du végétarisme. » (27)

Pour Robert Reich, les 1% (et 0,1%) , en cherchant à éviter le débat sur les inégalités, veulent tout simplement masquer le fait que l’enrichissement des plus riches est lié à leur mainmise sur le pouvoir politique – ce qui correspond à la thèse de Piketty, suivant laquelle le retour des inégalités après 1980 est dû, en grande partie, aux changements économiques, surtout dans les domaines de l'impôt et de la finance : 

« Les gens de droite ne veulent pas que les Américains établissent un lien entre les inégalités croissantes et les déséquilibres existant en matière de pouvoir politique.

Mais la concentration du pouvoir au sommet dérive en grande partie de la concentration des revenus et de la richesse qui y est faite, ce qui a pour conséquence d’empêcher le gouvernement fédéral de faire face aux problèmes. La richesse s’étant accumulée au sommet, Washington a donc réduit les impôts des plus riches, élargi les niches fiscales bénéficiant de manière disproportionnée aux privilégiés, déréglementé Wall Street, et octroyé de plus grandes subventions, aides pour leur sauvetage (bailouts) et allégements fiscaux aux grandes entreprises. » (28)

En vérité, les ultra-riches ne souhaitent pas qu’on les prenne comme objet d'étude et de recherche. De tout temps, les classes supérieures de la société n’ont eu aucun scrupule à se pencher sur la vie de celles qui leur sont subordonnées. Il est ainsi bien plus facile de produire des séries de télé réalité sur les assistés sociaux, comme « Benefits Street » au Royaume-Uni, ou des dramatiques comme « Les Bougons », au Québec et en France, que leur équivalent sur le monde des riches. Le seul regard télévisuel qui sera toléré par ces derniers sera celui posé par des émissions comme « La vie des gens riches et célèbres », qui laisse voir, sur un mode ludique, la surface de leur existence. Ici aussi, l’essentiel demeure invisible pour les yeux. Domination rime avec discrétion.

Le malaise des très riches à dévoiler les secrets de leur existence est tout à fait perceptible dans un documentaire (Voyage dans les ghettos du gotha (2008), une réalisation de Jean-Christophe Rosé (29)) basé sur les travaux des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sur la grande bourgeoisie française, de même que dans ceux, souvent impertinents, faits, sur sa famille, par le jeune Jamie Johnson, un héritier de la dynastie Johnson & Johnson (30).

C’est aussi un regard fouineur, mais d’un autre genre, que jette l’ouvrage de l’économiste français sur le patrimoine des ultra-riches. Et il ne le fait pas sans bonne raison :

« Avec Le Capital au XXIe siècle de Piketty, cette approche est maintenant déployée à l’égard des riches et de l'élite. Comprendre comment l'élite est devenue ce qu’elle est, et comment sa richesse se perpétue, est maintenant un sujet brûlant de la recherche scientifique.

Bien des analystes ont essayé de comprendre pourquoi les riches paniquaient ces jours-ci. Leur richesse a été préservée de la panique financière, ils ont pu récupéré très bien des suites de la crise, et ils sont maintenant prêts à récolter des gains encore plus considérables que par le passé. Peut-être ont-ils remarqué que les discours dominants expliquant leur rôle dans la société – modèles de succès, créateurs d'emplois pour le bien commun, innovateurs permettant d’améliorer les conditions sociales, philanthropes solutionnant tous les problèmes – sont en train d’être remplacés par un autre discours, celui des sciences sociales, pour lequel ils sont devenus un problème faisant l’objet d’études et de recherches. Ils sont toujours en contrôle de la société, mais ils ont bien des raisons d'être inquiets. » (31)

Et le pape François...

Le 28 avril dernier, le pape François a publié un tweet qui a eu un certain retentissement. Il y tenait ces propos très fermes : « Le manque d'équité est la racine des maux sociaux ». La version anglaise du tweet me semble même plus forte :  « Inequality is the root of social evil. »

Dès son élection, début 2013, le nouveau pape avait manifesté un souci tout particulier envers les pauvres et les laissés-pour-compte du système économique. Dans plusieurs de ses interventions publiques et dans des documents majeurs – par exemple l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium – il a fait la critique du fonctionnement du système capitaliste et de l’économie de marché, à partir, il est important de le rappeler, des principes de la doctrine sociale de l’Église, et en continuité avec ses prédécesseurs, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI.

Comme Piketty, le pape François est d’avis que les inégalités ont une origine sociale et politique, et qu’elles ne sont pas « naturelles ». Les gouvernements ont le devoir d’en enrayer les effets dévastateurs.

Dans un ouvrage paru il y a cinq ans, et qui avait fait du bruit à l’époque (The Spirit Level), Richard Wilkinson et Kate Pickett décrivaient les conséquences dévastatrices des trop fortes inégalités pour les sociétés et les individus. Le souci du pape François est également de nous rappeler, à côté des aspects socio-politiques, structurels, de la question, les conséquences humaines des inégalités sociales. C’est ce qu’il fait régulièrement dans le cadre de ses interventions publiques.

Le style très personnel du souverain pontife fait qu’il n’hésite pas, le cas échéant, à prendre à partie les personnes, afin de leur rappeler leurs devoirs envers leurs frères humains. Dans le cas qui nous occupe,  les ultra-riches, on l’a vu plus haut, ne détestent rien tant que d’être remis en question dans leur existence concrète. On l’a vu aux États-Unis, avec ce millionnaire qui menaçait de ne plus concourir aux œuvres de l’Église si le pape ne cessait pas de critiquer le capitalisme.

Les prises de position de François lui ont valu, de la part des représentants de la droite économique, tant aux États-Unis et au Royaume-Uni, qu’en France et au Canada (les mêmes d’ailleurs qui s’en prennent à Piketty), les critiques les plus acerbes. Et même les plus folles. D’aucuns l’ont en effet accusé d’être purement et simplement un… communiste. Ainsi, lors de la publication d’Evangelii Gaudium, Rush Limbaugh, un animateur de radio américain de droite, qualifia le texte de «marxisme pur». Stuart Varney, de la chaîne Fox News, y dénonça pour sa part, du «néo-socialisme ».

 

Source en ligne : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/12/03/francois-pape-socialiste-5237271.html

 « Marxisme », « néo-socialisme ». Ces qualificatifs abusifs ne traduisent que l'aveuglement idéologique de ceux qui en font usage, si ce n'est leur ignorance. En fait, ces tristes sires sont les mêmes qui présentent, avec subtilité, le président Obama comme un communiste... Ils ne semblent pas connaître en tout cas l'existence de la doctrine sociale de l'Église. Ah! si, mais apprêtée à la sauce Michael Novak, un des penseurs préférés de feue Margaret Thatcher...

Le pape François, en dépit de ce que disent ses détracteurs, a une vue très claire des problèmes économiques de notre temps. Une vue claire et dérageante : « La crise financière que nous traversons nous fait oublier qu'elle a, à son origine, une crise anthropologique profonde : la négation du primat de l'être humain ! Nous avons créé de nouvelles idoles. L'adoration de l'antique veau d'or a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l'argent et dans la dictature de l'économie sans visage et sans un but véritablement humain. » Christian Authier, de L’Opinion indépendante, relève avec pertinence la critique que fait le pape d'un des dogmes du néolibéralisme actuel, à savoir « la théorie de la ‘’rechute favorable’’ (en anglais «trickle down», expression mieux traduite en français par «théorie du ruissellement») : ‘’Certains défendent encore les théories de la ‘rechute favorable’ qui supposent que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n'a jamais été confirmée par les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant. Mais, pendant ce temps, les exclus continuent à attendre.’’ »

Authier insiste en terminant sur la "cohérence de la part d’un homme qui ne veut pas que l’être humain soit «un bien de consommation»[, cohérence qui] le rend irrécupérable (…) par la droite comme par la gauche. Mieux, il place chacun face à ses contradictions. À une partie de la droite (libérale sur le plan économique, conservatrice sur les mœurs et les questions de société), il rappelle l’exigence de justice sociale, de partage, de protection. À une partie de la gauche (hégémonique dans son camp et qui arbore un libéralisme «culturel» et «sociétal» tout en critiquant plus ou moins sincèrement le libéralisme économique), il rappelle qu’un individu totalement «libre», délivré de tout interdit («jouir sans entraves») n’est qu’un agent du marché. À tous, il rappelle que le libéralisme moderne est un bloc : il déracine, déconstruit, délocalise, transforme les êtres en individus atomisés livrés à l’extension du domaine de la lutte de chacun contre chacun." (32)

Conclusion

Heureuse conjonction des astres en cette année 2014 : nous avons été témoins, en effet, de la convergence, du point de vue du diagnostic et des solutions, entre le discours d’un économiste au succès international imprévu, et celui d’un pape qui, depuis son élection, devient de plus en plus, à l’échelle mondiale, le seul leader d’opinion crédible face aux excès de l’ultralibéralisme dominant. 

Mais entre le discours, l’analyse, et les politiques qui pourraient apporter un changement salutaire, y a-t-il l’espoir d’un lien, d’un raccord ? Pour l’instant, rien ne paraît annoncer un bouleversement des politiques dans les principaux pays industrialisés qui pourrait mener à un diminution des inégalités socio-économiques. L’idée d’un taxe internationale – une proposition de Piketty –  a vite été balayée du revers de la main par à peu près tous les commentateurs et les décideurs politiques du monde. D’ailleurs, l’exemple des paradis fiscaux nous montre assez bien la vanité des ces efforts visant à éradiquer une réalité qui se veut mondiale.

De plus, si l’on en croit une étude récente d’un chercheur de l’OCDE (33), rien ne semble en mesure de limiter, dans un futur prévisible, l’accroissement des inégalités qui a débuté au cours des années 1980. C’est un constat très pessimiste, mais qui me semble réaliste. Peut-on quand même espérer que par l’intercession du pape François, la grâce divine éclaire l’intelligence de nos dirigeants ?

 Notes

(1) Voir par exemple : Hilary Osborne, "Poor doors: the segregation of London's inner-city flat dwellers", The Guardian, 25 juillet 2014. Poorer residents in capital's developments forced to use different entrances and facilities -- http://www.theguardian.com/society/2014/jul/25/poor-doors-segregation-london-flats

(2) Paul Krugman, « Why We’re in a New Gilded Age », The New York Review of Books, 8 mai 2014. -- http://www.nybooks.com/articles/archives/2014/may/08/thomas-piketty-new-gilded-age/ -- Traduction libre de : « have pioneered statistical techniques that make it possible to track the concentration of income and wealth deep into the past — back to the early twentieth century for America and Britain, and all the way to the late eighteenth century for France. »

(3) Gullian Tett, « Super Piketty oblige les Américains à affronter leurs contradictions », Le Nouvel économiste, 6 mai 2014. Texte publié à l’origine en anglais dans le Financial Times – http://www.lenouveleconomiste.fr/financial-times/super-piketty-oblige-les-americains-a-affronter-leurs-contradictions-22581/

(4) Nicolas Goetzmann, « Polémique sur les chiffres : Piketty écrasé par un débat plus grand que lui », Atlantico, 31 mai 2014 – http://www.atlantico.fr/decryptage/polemique-chiffres-piketty-ecrase-debat-plus-grand-que-lui-nicolas-goetzmann-1591587.html

(5) François Chesnais, « Réflexions sur ‘’Le capital au XXIe siècle’’ de Thomas Piketty », Attac France, 31 octobre 2013 –  https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-1-automne-2013/debats/article/reflexions-sur-le-capital-au-xxie-1312

(6) Didier Eribon, « La gauche contre elle-même », Le Monde, 10 mai 2014 – http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/05/10/la-gauche-contre-elle-meme_4414550_3232.html

(7) Michel André, « Thomas Piketty in english », 21 mai 2014 – http://www.books.fr/blog/thomas-piketty-in-english-/

(8) Krugman, op. cit. Traduction libre de : « The result has been a revolution in our understanding of long-term trends in inequality. Before this revolution, most discussions of economic disparity more or less ignored the very rich. (...) But even those willing to discuss inequality generally focused on the gap between the poor or the working class and the merely well-off, not the truly rich—on college graduates whose wage gains outpaced those of less-educated workers, or on the comparative good fortune of the top fifth of the population compared with the bottom four fifths, not on the rapidly rising incomes of executives and bankers. »

(9) Ibid. Traduction libre de : « we haven’t just gone back to nineteenth-century levels of income inequality, we’re also on a path back to “patrimonial capitalism,” in which the commanding heights of the economy are controlled not by talented individuals but by family dynasties. »

(10) Mike Konczal, « Studying the Rich - Thomas Piketty and his Critics », Boston Review, 29 avril 2014 – http://www.bostonreview.net/books-ideas/mike-konczal-thomas-piketty-capital-studying-rich -- Traduction libre de : « Capital reflects decades of work gathering national income data across centuries, countries, and class, done in partnership with scholars across the globe. (...) The book is an attempt to ground the debate over inequality in strong empirical data, put the question of distribution back into economics, and open the debate not just to the social sciences but to regular people. As Piketty says, the distribution of wealth “is too important an issue to be left to economists, sociologists, historians, and philosophers. It is of interest to everyone, and that is a good thing.” »

(11) Voir, sur le blogue économique Jeanne Émard, le texte suivant, par « Darwin » (pseudonyme) : Galbraith contre Piketty, 22 mai 2014 – http://jeanneemard.wordpress.com/2014/05/22/galbraith-contre-piketty/

(12) Konczal, op. cit. Traduction libre de : « If critics to Piketty’s right are concerned that he doesn’t ground his theory deeply enough in economic models, economists and others to Piketty’s left are concerned that he concedes too much to mainstream economics and lacks sufficient regard for politics. »

(13) Goetzmann, op. cit.

(14) Voir “There's no such thing as inequality – https://www.youtube.com/watch?v=bxo3b4ny5dy

(15) Voir https://www.youtube.com/watch?v=jzh2o4i8tag

(16) Voir cette entrevue télévisée du controversé Kevin O’Leary – https://www.youtube.com/watch?v=zd9zytzpze4

Voir aussi ces deux autres exemples allant dans le même sens : W. Bradford Wilcox, If You Really Care About Ending Poverty, Stop Talking About Inequality, 8 janvier 2014 (http://www.theatlantic.com/business/archive/2014/01/if-you-really-care-about-ending-poverty-stop-talking-about-inequality/282906/); Andrew Lilico, Inequality isn't a problem: it's a driver of progress, Telegraph (blogs), 2 mai 2014 (http://blogs.telegraph.co.uk/finance/andrewlilico/100027182/inequality-isnt-a-problem-its-a-driver-of-progress/).

(17) Chris Giles, “Piketty findings undercut by errors”, 23 mai 2014 (http://www.ft.com/intl/cms/s/2/e1f343ca-e281-11e3-89fd-00144feabdc0.html#axzz3gutc8kzl). L’économiste français a d’ailleurs accusé par la suite Giles d’être motivé par des motifs “idéologiques”.

(18) What Thomas Piketty Doesn't Say, Bloomberg View, 18 mai 2014 – http://www.bloombergview.com/articles/2014-05-18/what-thomas-piketty-doesn-t-say -- Traduction libre de : « Sadly, but perhaps inevitably, much of the subsequent commentary has arranged itself on ideological lines. (...) // The book also has surprisingly little to say about why inequality is a problem to begin with. Piketty has a dystopian vision of oligarchic rule. But plutocrats come in all shapes and sizes: They may be liberal, conservative or nonaligned. Their interests differ and so do their values. Yes, money may have too much influence on U.S. politics, but that is as much a failure of the political system as the result of inequality. »

(19) Ivan Best, « Thomas Piketty est-il vraiment sérieux ? », La Tribune, 16 juin 2014 – http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140515trib000830196/thomas-piketty-est-il-vraiment-serieux.html

(20) Alain Boublil, « L'erreur de Thomas Piketty », Les Échos, 30 mai 2014 – http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-99000-lerreur-de-thomas-piketty-1007846.php

(21) Paul Krugman, « La panique Piketty », RTBF info, chronique du 26 avril 2014 – http://www.rtbf.be/info/chroniques/detail_la-panique-piketty-paul-krugman?id=8255742

(22) Krugman, « Why We’re in a New Gilded Age », op. cit. Traduction libre de : « (...) that the United States has a much more unequal distribution of income than other advanced countries and that much of this difference in outcomes can be attributed directly to government action. »

(23) Voir https://twitter.com/vbenard

(24) Tett, op. cit.

(25) Krugman, « La panique Piketty », op. cit.

(26) Robert Reich, “Why conservatives prefer to focus on poverty over inequality”, 28 janvier 2014 – http://www.kansascity.com/opinion/opn-columns-blogs/syndicated-columnists/article337569/why-conservatives-prefer-to-focus-on-poverty-over-inequality.html - traduction libre de : « Sen. Marco Rubio of Florida points to the “lack of mobility” of the poor as the problem. Rep. Paul Ryan of Wisconsin blames their isolation from mainstream America: “On every measure from education levels to marriage rates, poor families are drifting further away from the middle class.” Conservative New York Times columnist David Brooks argues that the “interrelated social problems of the poor” have nothing to do with inequality. »

(27) Zach Beauchamp, “Why Rich People Hate Talking About Inequality”, Think Progress, 29 mars 2013 – http://thinkprogress.org/economy/2013/03/29/1795571/why-rich-people-hate-talking-about-inequality/ -- Traduction libre de : « The rich don’t like inequality talk because, by its very nature, it involves making moral judgments about the way the rich live their lives into a topic for public discussion. (...) My guess (...) is that when they hear that the one percent “should pay its fair share,” they hear the public calling the way they choose to live their lives unfair and unjust. No one likes being judged as a bad person, especially by the world’s most powerful politicians and in the pages of the world’s most-read newspapers. The wealthy, then, react negatively to public debates about inequality for the same reason many meat-eaters don’t like debating vegetarianism. »

(28) Reich, op. cit. Traduction libre de : « Conservatives don’t want Americans to draw the connection between widening inequality and unequal political power. // But the concentration of power at the top flows largely from the concentration of income and wealth there, which has prevented Washington from dealing with the problems. As wealth has accumulated at the top, Washington has reduced taxes on the wealthy, expanded tax loopholes that disproportionately benefit the rich, deregulated Wall Street, and provided ever larger subsidies, bailouts and tax breaks for large corporations. »

(29) Voir cette page, sur le site de France 3 : http://www.france3.fr/emissions/documentaires/voyage-dans-les-ghettos-du-gotha_116000

(30) Par exemple le film « Born Rich », dont on peut visionner la version intégrale sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=unzmiesgzno

(31) Konczal, op. cit. Traduction libre de : « With Piketty’s Capital, this process is now being extended to the rich and the elite. Understanding how the elite become what they are, and how their wealth perpetuates itself, is now a hot topic of scientific inquiry.

Many have tried to figure out why the rich are freaking out these days. Their wealth was saved from the financial panic, they are having a very excellent recovery, and they are poised to reap even greater gains going forward. Perhaps they are noticing that the dominant narratives about their role in society—avatars of success, job creators for the common good, innovators for social betterment, problem-solving philanthropists—are being replaced with a social science narrative in which they are a problem to be studied. They are still in control, but they are right to be worried. »

(32) Christian Authier, « Pape François : contre la tyrannie du marché »,L’Opinion indépendante, no 5398, 27 décembre 2013 --  http://www.lopinion.com/journal/article/5398_pape-francois-contre-la-tyrannie-du-marche.html

(33) Lars Osberg, Can Increasing Inequality Be a Steady State?, OCDE, juin 2014. On peut en télécharger le texte ici : http://www.oecd-ilibrary.org/economics/can-increasing-inequality-be-a-steady-state_5jz2bxc80xq6-en;jsessionid=1kh2rykqmt0kg.x-oecd-live-01. Voir l’intéressante analyse qu’en fait « Darwin » (pseudonyme) sur le blogue économique Jeanne Émard : Les inégalités continueront-elles à se creuser?, 21 août 2014 – http://jeanneemard.wordpress.com/2014/08/21/les-inegalites-continueront-elles-a-se-creuser/




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