Le Partenariat transpacifique? Un ALENA sur les stéroïdes

Andrée Mathieu

 

Sur le site du Conseil des canadiens, on peut lire : "Parmi le 26 chapitres actuellement négociés dans le PTP, deux chapitres seulement traitent du commerce. Les 24 autres chapitres traitent d'enjeux aussi divers que la manière dont un gouvernement régule les activités des entreprises, ce que les sociétés d'État ont le droit et n'ont pas le droit de faire, la durée des brevets pharmaceutiques et des droits d'auteur, la manière dont l'Internet est régi, la communication de renseignements personnels au-delà des frontières, les règles qui régissent les banques et le domaine des taxes et quand une entreprise ou un investisseur devraient être compensés lorsque des politiques environnementales ou sur la santé publique constituent un obstacle à la réalisation de leurs profits"1.

Le vote du 19 octobre aura lieu avant que les Canadiens n’aient pu lire le texte du Partenariat transpacifique car les 30 chapitres doivent être mis en ligne 30 jours après que le Président Obama aura présenté le document au Congrès américain. Au Canada, les nouveaux traités doivent être portés à l'attention de la Chambre des Communes; il y aura donc une révision parlementaire avant la ratification de l'entente, mais cela donne au Premier ministre Harper et à ses négociateurs le temps de vanter les mérites de l'accord sans trop rencontrer d'opposition, et ce pendant la campagne électorale. En Nouvelle Zélande, le ministre du Commerce Tim Groser a refusé de commenter publiquement le Partenariat sous prétexte qu'il y aurait des élections canadiennes dans moins de deux semaines !2 Les partis d'opposition étaient furieux. Ici, Maude Barlow, présidente du Conseil des Canadiens, demande: "Que sommes-nous à présent censés dire d'un accord dont les détails sont toujours cachés à la population canadienne et à la société civile, mais qui semble satisfaire quelque 500 lobbyistes américains ?"

S'il est difficile d'obtenir des certitudes sur la teneur du document, il est toutefois possible de s'en faire une bonne idée en recoupant les informations disponibles dans les différents pays participants, notamment grâce aux résumés officiels mais surtout grâce aux révélations de quelques négociateurs moins discrets. Je suis donc allée aux sources dans une région du monde que je connais bien, le Pacifique Sud. Je n'ai pas cherché à couvrir tous les effets potentiels du PTP de façon exhaustive, mais j'ai retenu quelques observations qui m'ont semblé intéressantes.

Les produits laitiers

En Nouvelle Zélande, comme ici, la question des produits laitiers a retenu l'attention, mais pour des raisons opposées. Là-bas, les producteurs sont désappointés de ne pas avoir obtenu un meilleur accès au marché canadien. Saviez-vous que Fonterra, une coopérative laitière multinationale propriété de plus de 10 000 fermiers néozélandais, est responsable d'environ 30% des exportations mondiales de produits laitiers? "Toutefois, il faut avoir le coeur et l'estomac solidement accrochés pour être producteur laitier dans ce pays", lance l'un d'eux, car "(notre) gagne-pain est directement lié aux prix en yoyo de la poudre de lait ou autres denrées vendues par Fonterra sur le marché international". On comprend mieux la détermination de la Nouvelle Zélande à la table des négociations qui ont mené à
l'accord de principe du PTP3. Le ministre du Commerce Tim Groser ne semblait pas pressé de parler de cette partie de l'entente avec le Canada, prétextant que les médias canadiens le pourchassaient pour obtenir des commentaires qui pourraient enflammer le débat sur le commerce du lait pendant la période électorale4 (décidément le ministre Groser doit se réjouir de notre élection fédérale!). Pour apaiser les critiques des producteurs laitiers, il a même affirmé que l'accord était ouvert à de futurs "ajustements". "Ce que nous avons fait c'est établir une direction pour le cheminement futur des dossiers les plus ardus. Nous avons ouvert un espace politique sur lequel les prochaines générations de ministres du Commerce néozélandais pourront bâtir. Nous allons assurément voir des ajustements dans cette direction"5, a-t-il déclaré à Atlanta. De retour au pays, les officiels du gouvernement canadien se sont empressés d'affirmer que l'entente était fermée à toute nouvelle négociation.

La propriété intellectuelle

- les médicaments

Jane Kelsey est professeur de droit à l'Université d'Auckland; elle s'oppose publiquement au Partenariat transpacifique. "La Nouvelle Zélande a été vendue au Big Pharma. On a sacrifié les prix abordables des médicaments pour de maigres gains dans le secteur des produits laitiers"6, a-t-elle affirmé. C'est que le PTP contient des clauses sur la propriété intellectuelle que le ministre Groser a lui-même qualifiés de "vilains compromis". Ian Powell, directeur de l'Association of Salaried Medical Specialists, trouve "bizarre" qu'un prétendu accord de "libre échange" accroisse le pouvoir de monopoles étrangers sur le système public de santé de la Nouvelle Zélande...7 Sa réaction s'inscrit dans les préoccupations soulevées par Médecins sans frontières (MSF) à la suite de la signature de l'entente de principe:
"MSF exprime sa consternation que les pays du PTP se sont pliés aux demandes du gouvernement américain et des compagnies pharmaceutiques multinationales qui entraîneront une hausse des prix des médicaments pour des millions de personnes, en prolongeant inutilement les monopoles et en retardant encore davantage la concurrence des génériques qui fait baisser les prix. Les grands perdants du PTP sont les patients et les prestataires de soins dans les pays en développement. Bien que le texte initial ait été favorablement modifié au fil des négociations, le PTP passera à l'Histoire comme l'entente commerciale la plus préjudiciable jamais signée en matière d'accès aux médicaments dans les pays en développement. Ceux-ci seront contraints de changer leurs lois pour incorporer des protections de propriété intellectuelle abusives pour les entreprises pharmaceutiques."8

Mais qu'en est-il au Canada? Selon Richard Gold, professeur à l'Université McGill: "Cette entente ne devrait pas affecter les prix au Canada au-delà de ce qui était prévu dans l"AÉCG (Accord économique et commercial global conclu avec l'Union européenne). Mais la situation peut changer encore."9 Rappelons que l'AÉCG n'est pas encore en vigueur...

- l'Internet

Michael Geist est professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Il est spécialiste des lois sur la gouvernance d'Internet et le commerce en ligne. Sur son site, www.michaelgeist.ca, il se demande si le gouvernement canadien n'induit pas délibérément le public en erreur au sujet des clauses concernant la propriété intellectuelle en affirmant qu'elles sont cohérentes avec la loi actuelle. Il cite ce paragraphe publié par le gouvernement de Nouvelle Zélande:
"Le PTP harmonise les règles concernant la propriété intellectuelle dans les douze pays signataires, ce qui a eu pour effet d'exiger des compromis de toutes les parties. En Nouvelle Zélande, la protection des droits d'auteur s'étend présentement sur une période de 50 ans. Cependant, dans la moitié des pays du Partenariat transpacifique, et dans presque tous les pays de l'OCDE, cette période est de 70 ans. Le PTP requiert de la Nouvelle Zélande qu'elle prolonge sa protection à 70 ans également, mais il lui permet d'étendre la transition sur quelques années. Ce changement pourrait être à l'avantage des artistes néozélandais dans certains cas, mais ces bénéfices seront sans doute modestes. Toutefois, la prolongation de la durée des droits d'auteur signifie que les consommateurs et les entreprises vont devoir renoncer aux économies qu'ils auraient réalisées si les droits d'auteurs sur les livres, la musique et les films étaient venus à échéance plus tôt. Le coût net de l'extension de la durée des droits d'auteur de 50 à 70 ans sera moins important au début, mais il s'accroîtra graduellement sur une période de 20 ans, atteignant un niveau relativement constant par la suite. À très long terme, incluant la période initiale de 20 ans, le coût moyen annuel est évalué à environ $55 millions."

Or, au Canada la durée de protection des droits d'auteur est également de 50 ans... Cette mesure va donc maintenir les oeuvres hors du domaine public pendant deux décennies supplémentaires, entraînant des restrictions ou des coûts pour les universités, les bibliothèques et les sites comme L'Agora. Mais alors que la Nouvelle Zélande a négocié une période de transition, il semble que le Canada y ait renoncé...
Beaucoup d'autres sujets préoccupent Michael Geist, notamment en ce qui regarde la façon dont l'Internet est régi. Par exemple, le Canada a accepté d'inciter les fournisseurs de services à retirer ou désactiver l'accès à un contenu en ligne dès réception d'une décision de la cour concernant une violation du droit d'auteur, et ce même si la décision vient de l'étranger et sans obligation de vérifier préalablement si le site impliqué respecte ou non la loi canadienne. Par exemple, selon le Nouveau Parti Démocratique, "le PTP pourrait rendre beaucoup plus sévères les sanctions pénales pour les violations de droit d'auteur à petite échelle, comme mettre en ligne une vidéo personnelle ayant une chanson populaire comme trame sonore"10 !

Sur le site du NPD, on trouve cette citation de Maghan Sali de Open Media (5 octobre): "Nous parlons ici d'une censure globale d'Internet. Cet accord va criminaliser nos activités en ligne, censurer le Web, coûter de l'argent aux Canadiens. C'est une entente qui n'aurait jamais été acceptée si le contenu des négociations avait été public, et c'est pour ça qu'elle a été négociée en cachette"11.

Les services publics et les entreprises d'état

Selon le Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC), "la grande nouveauté de l'AÉCG, du PTP et de l'ACS (Accord sur le commerce des services) est d'ouvrir aux transnationales étrangères l'énorme secteur des services, à tous les niveaux de gouvernement (fédéral, provincial et municipal) et de les soumettre à la dynamique du libre-marché (...) directement ou par l'entremise des marchés publics et des achats gouvernementaux. Le rôle de l'État en serait ainsi grandement modifié, il deviendrait de ce fait un simple État payeur."12

Un exemple nous est donné par Postes Canada. "Les renseignements sur les sociétés d'État dont nous avons pris connaissance ont de quoi nous préoccuper, affirme Mike Palecek, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Selon ces renseignements obtenus par le STTP, Postes Canada sera soumise à une réglementation limitant ses options pour étendre ses services. Si cette réglementation est semblable à celle pratiquée par d'autres pays, elle profitera au secteur privé et empêchera Postes Canada de diversifier ses activités à un moment où elle doit justement étendre ses services pour assurer sa survie."13

Le professeur Jane Kelsey dit que le chapitre du PTP concernant les entreprises d'État pourrait empêcher la Nouvelle Zélande de créer de nouvelles entreprises nationales et bannir le soutien financier ou réglementaire aux entreprises d'État existantes, ou au sauvetage de compagnies comme Air New Zealand détenue à 52% par l'État. Il est donc inquiétant de lire sur le site du gouvernement canadien que "L'objectif du chapitre du PTP sur les sociétés d'État consiste à limiter la capacité des gouvernements de fausser les échanges commerciaux ou de créer des obstacles à l'investissement au moyen de sociétés d'État"...14

Cela soulève bien des questions. Dans le cadre du PTP, le Québec pourrait-il décider de nationaliser l'exploitation du pétrole de l'Île d'Anticosti par exemple? Le soutien financier d'Hydro-Québec au développement d'infrastructures électriques pour les transports collectifs pourrait-il être affecté ? La Caisse de dépôt pourrait-elle prêter main forte à Bombardier? Si le PTP est un frein à la nationalisation des entreprises privées, favorise-t-il aussi la privatisation des entreprises d'État ? Qu'adviendra-t-il d'Hydro-Québec, de la SAQ, de Loto-Québec?

"Quel gouvernement voudra créer un régime d'assurance-médicaments (comme le promet le NPD) ou d'autres programmes publics nécessaires (comme un système de garderies, promis aussi par le NPD) s'il risque d'être traîné devant les tribunaux par les multinationales?"15, demande l'Alliance de la Fonction publique du Canada? Cette dernière craint que "le PTP prive la population citoyenne et les gouvernements élus de leur pouvoir décisionnel".

En Nouvelle Zélande, il y a présentement une grave crise du logement. Les partis d'opposition réclament à grand cris une politique du logement qui servirait d'abord l'intérêt des Néozélandais. Mais l'entente comprend des dispositions en vertu desquelles les investisseurs des autres pays du PTP ne peuvent être traités de façon discriminatoire. Le gouvernement ne pourrait donc pas les empêcher d'acheter des propriétés en Nouvelle Zélande. Andrew Little, chef du Parti travailliste (Labour) et leader de l'Opposition, admet que l'entente ne satisfait pas au moins l'une de ses exigences minimales pour approuver le PTP qui veut que la Nouvelle Zélande conserve le droit de restreindre l'achat des fermes et des maisons par des acheteurs étrangers16. Nos terres sont-elles à l'abri de ces investisseurs étrangers partenaires du PTP?

Le règlement des différends

"Un élément très inquiétant du PTP est certainement le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dont on élargit la portée", peut-on lire sur le site du Réseau québécois sur l'intégration continentale. "Le RDIE accorde des "droits" démesurés aux entreprises transnationales en leur donnant le pouvoir de contester des politiques d'intérêt public, même adoptées démocratiquement, si celles-ci restreignent leurs ambitions de profits." À cet égard, "le cas de Lone Pine Resources est probant. Cette compagnie américaine poursuit le gouvernement canadien pour 250 millions de dollars pour le moratoire imposé par Québec sur l'exploitation du gaz de schiste dans le golfe Saint-Laurent, et ce, en vertu du chapitre 11 de l'ALÉNA, un chapitre qui a son équivalent dans le PTP." 17 Comme l'a si bien exprimé monsieur Gérard Montpetit dans sa lettre au Devoir intitulée Démocratie à vendre ! (7 octobre 2015)18: "La logique de Lone Pine, c'est d'acheter un billet de loterie d'un dollar et ensuite de réclamer le gros lot de 250 millions sans aucun effort de sa part!"

Autre exemple. Un brevet est un marché passé entre un inventeur et la société: l'inventeur promet une percée technologique et il reçoit en contrepartie un monopole de 20 ans. Récemment, on a accusé les tribunaux canadiens de confronter trop sévèrement les titulaires de brevets à leurs promesses (Association canadienne du médicament générique). Ainsi, en 2013, la compagnie pharmaceutique américaine Eli Lilly and Company a déposé une deuxième plainte en arbitrage contre le gouvernement du Canada aux termes du chapitre 11 de l'ALÉNA. L'entreprise prétend que l'invalidation, par le Canada, de ses brevets pharmaceutiques pour ses produits Strattera et Zyprexa (traitements contre le déficit de l'attention et la schizophrénie) n'est pas conforme aux engagements du Canada aux termes de l'Accord.


Le Canada a été la cible de 70% de toutes les plaintes aux termes de l'ALÉNA depuis 2005 (Centre canadien de politiques alternatives). Dans sa lettre ouverte au Devoir, monsieur Montpetit écrit ceci: "Le 4 octobre, l'émission Blacklight de la télévision néerlandaise VPRO a traité des clauses de protection des investisseurs. Selon le professeur Van Harten, de la Osgoode Law School, cité dans cette émission, le Canada est le pays industrialisé qui a le plus abdiqué sa souveraineté dans ce genre de clauses"...19 En janvier dernier, un article de La Presse révélait que dans le cadre de l'ALÉNA "les États-Unis n'ont jamais perdu une cause tandis que le Mexique a payé $204 millions en dommages après avoir perdu cinq causes", alors que le Canada "a perdu ou conclu des ententes à six reprises, versant des compensations dépassant les $170 millions !20 Et voilà que le PTP nous plongerait dans un partenariat comptant encore plus de partenaires, avec en tête le champion mondial des poursuites commerciales...

L'énergie

Que voici un élément intéressant!... En mars 2013, le Wall Street Journal21 nous invitait à voir au-delà de deux sujets de distraction pour comprendre ce que cache la participation du Japon au Partenariat transpacifique, le premier étant que l'accord commercial aurait sans doute un impact négatif majeur sur le fermiers japonais, et le deuxième étant l'opposition des fabricants d'autos américains.

Une fois écartés ces deux facteurs de diversion, nous arrivons au coeur du sujet: le gaz naturel. Un événement majeur s'est produit entre les premières rumeurs de l'éventuelle participation du Japon aux négociations du PTP et l'annonce du Premier ministre Shinzo Abe, un tremblement de terre suivi d'un tsunami ! Le désastre de la centrale nucléaire de Fukushima a privé le pays d'une importante source d'énergie, qu'il a dû remplacer en important des combustibles fossiles de l'étranger.

Ce remplacement s'est avéré très coûteux. Selon un rapport de la firme Bloomberg, le Japon a dû payer $16,70 par million de BTUs pour du gaz naturel liquéfié (GNL), soit six fois le prix du moment aux États Unis. Le Japon n'a presque pas profité de la révolution américaine du gaz de schiste puisque les États Unis ne vendent pas de GNL aux pays avec lesquels ils n'ont pas d'accord commercial. Monsieur Abe a joint le PTP dans l'espoir d'ouvrir les valves américaines...

Selon Ilana Solomon, représentante du Sierra Club à Washington: "Le Japon a dit très clairement que l'accès automatique au gaz naturel liquéfié est un de leurs objectifs".22 Le PTP unit donc un pays qui a besoin de nouveaux marchés pour sa production croissante de gaz avec un pays avide d'en importer pour remplacer ses centrales nucléaires.

Mais peut-on s'empêcher d'établir un lien avec l'annonce de la construction d'une usine de liquéfaction de gaz naturel à Bécancour ? Dans le communiqué de presse du 24 août 2015 publié sur le site du Premier ministre du Québec, Laurent Lessard, ministre responsable de la région du Centre-du-Québec, déclare: "Le Parc industriel et portuaire de Bécancour est un site de premier plan pour ce projet d'usine de liquéfaction de gaz naturel, puisqu'il est déjà desservi par un réseau de gaz naturel et qu'il offre un accès rapide et facile au fleuve Saint-Laurent. C'est une excellente nouvelle pour les gens de Bécancour, mais également pour l'ensemble des citoyens du Centre-du-Québec". Jean D'Amour, ministre délégué aux Transports et à l'Implantation de la stratégie maritime, poursuit: "Cette annonce s'inscrit en ligne directe avec notre vision du déploiement actuel de la Stratégie maritime du Québec dans laquelle le GNL joue un rôle majeur. En plus des 100 emplois créés par le Groupe Desgagnés (transport maritime), cette annonce met en lumière l'apport important des infrastructures portuaires québécoises au commerce maritime et international du Québec".

Rappelons que le gouvernement, lors du dévoilement du Plan Nord, "s'est engagé à assurer un approvisionnement en gaz naturel à prix compétitif pour améliorer la rentabilité des mines, réduire leurs émissions de GES, attirer de nouveaux investissements et approvisionner le Nord en gaz naturel". Alors, si le Plan Nord ne "décolle" pas, à cause du faible prix des métaux et de la baisse de la demande, notamment celle de la Chine, le Canada pourra toujours profiter de la manne offerte par le PTP...

L'environnement

Plusieurs environnementalistes ont applaudi les mesures de protection de la vie sauvage incluses dans le Partenariat transpacifique. En effet, selon le site officiel du gouvernement canadien, le chapitre portant sur l'environnement contient des engagements visant à lutter contre la pêche illicite, l'exploitation forestière illicite et le commerce illicite d'animaux sauvages. Il contient aussi des dispositions qui reconnaissent l'importance de promouvoir la conservation de la biodiversité, de protéger l'environnement marin et de lutter contre les espèces envahissantes.

Les dispositions relatives à l'environnement ont notamment pour but d'"empêcher les pays d'obtenir un avantage indu en affaiblissant leurs normes environnementales pour favoriser le commerce ou attirer des investissements". Elles ont pour effet positif d'améliorer le comportement des traînards et des délinquants. Mais d'autres clauses ont pour effet négatif d'empêcher les meilleurs de développer leurs propres règles de protection de l'environnement. C'est le cas du mécanisme de règlement des différends dont nous avons parlé plus haut.
Sur le site The Leap23 Naomi Klein raconte qu'en 2009, l'Ontario a adopté le Green Energy and Economy Act – un plan ambitieux de réduction des gaz à effet de serre. Pendant quatre ans ce programme a accru la production et l'utilisation d'énergie renouvelable et créé 31 000 emplois. Mais parce que l'Ontario tentait de construire ses industries locales d'énergie solaire et éolienne, le Canada a été accusé de contrevenir à ses obligations commerciales. Bientôt l'Ontario a dû renoncer à son plan vert. Le message était clair pour tous les gouvernements: si vous prenez des mesures rigoureuses pour combattre les changements climatiques qui menacent les profits des multinationales, vous serez poursuivis – et battus – devant des tribunaux de non élus.

Deux autres exemples24. Metalclad, une firme américaine de gestion de sites d'enfouissement, s'est vue accorder $15,6 millions du gouvernement mexicain après que la ville de Guadalcazar ait bloqué pendant plusieurs années la construction d'un site d'enfouissement de matières dangereuses. De même, la Californie a été poursuivie par une compagnie canadienne pour avoir interdit le MTBE, un additif de l'essence.

En Nouvelle Zélande, le leader du Parti Vert pense que, dans le cadre du PTP, le gouvernement pourrait être poursuivi par des compagnies pétrolières étrangères s'il s'avisait de bannir le forage en mer pour protéger l'habitat du dauphin de Maui. Si c'est vrai, alors qu'en est-il de nos bélugas dans le golfe du Saint-Laurent?

Dans un article intitulé An Explosion of Fracking? One of the Dirty Secrets of the Trans-Pacific Partnership Free Trade Agreement25, le Sierra Club explique que le PTP pourrait accroître considérablement les exportations de gaz naturel liquéfié, comme nous l'avons dit plus haut. Cela aurait pour effet d'augmenter la fracturation hydraulique et les émissions de GES, de mettre à risque des zones écologiques sensibles, d'accroître les prix du gaz et de l'électricité, affectant les consommateurs, les manufacturiers et les travailleurs, et d'augmenter la production d'électricité au moyen du charbon. Enfin, le gaz naturel liquéfié est un combustible à haute teneur en carbone; les émissions sont plus importantes que celles du gaz naturel pendant son cycle de vie et il est plus énergivore (extraction, refroidissement, liquéfaction, expédition). Exporter plus de GNL n'est donc pas un bon moyen de combattre les changements climatiques...

Sur le plan diplomatique, pour les États-Unis le PTP est l'aboutissement de la stratégie dite du "pivot" qui consiste à resserrer les liens commerciaux avec les pays de l'Asie-Pacifique pour contrebalancer l'influence grandissante de la Chine. Mais la fin des très coûteux conflits afghan et irakien étant une condition nécessaire à ce rééquilibrage, le retour du chaos au Moyen-Orient pourrait compromettre ces efforts. De plus, la partie est loin d'être gagnée. Il ne manquera pas d'opposants pendant le processus de ratification ! Il est bien malheureux que le Partenariat transpacifique n'ait pas retenu davantage l'attention des Canadiens pendant la campagne électorale, car les enjeux sont majeurs et ils pourraient avoir des conséquences regrettables sur nos vies...(Voir Le Monde)

Notes

1. www.canadians.org/fr/ptp
2. New Zealand Herald, TPP deal "failed to deliver for NZ" – Labour, 7 octobre 2015
3. www.lacoop.coop/cooperateur/articles/2012/02/p44.asp
4. www.nbr.co.nz/article/fonterra-very-disappointed-limited-tpp-dairy-deal-b-179696
5. www.macleans.ca/news/world/canada-holds-off-new-zealand-tpp-offensive-for-greater-dairy-access
6. www.maoritelevision.com/news/national/affordable-medecine-could-be-impacted-tppa-deal
7. www.radionz.co.nz/news/world/286007/tpp-talks-bogged-down-over-pharmaceuticals
8. www.msf.ca/fr/article/les-repercussions-negatives-sur-la-sante-seront-enormes-declaration-de-msf-sur-la-conclusion
9. www.plus.lapresse.ca/screens/82bb9f8c-6b63-4546-86ec-2e21ce24632f%7C_0.html
10. www.npd.ca/ptp-et-liberte-sur-internet
11. idem
12. www.rqci.alternatives.ca/spip.php?article180
13. www.lapresse.ca/le-droit/politique/politique-federale/201510/08/01-4907936-ptp-les-facteurs-inquiets-pour-postes-canada.php
14. www.international.qc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/tpp-ptp/understanding-comprendre/16-State-Owned.aspx?lang=fra
15. www.syndicatafpc.ca/nouvel-accord-commercial-menace-services-publics
16. www.3news.co.nz/opinion/opinion-labour-swallowing-tppa-rats-2015101316#ixzz3oYYVbli4
17. www.rqci.alternatives.ca/spip.php?article180
18. www.ledevoir.com/politique/canada/451869/partenariat-transpacifique-democratie-a-vendre
19. idem
20. www.lapresse.ca/actualites/national/201501/14/01-4835227-alena-le-canada-cible-par-un-grand-nombre-de-plaintes.php
21. www.wsj.com/articles/SB10001424127887324103504578371712512460052
22. www.japantimes.co.jp/news/2013/03/19/business/economy-business/tpp-entry-could-pave-way-for-u-s-lng-deal/#.Vh7YMWK9KSP
23. www.theleap.thischangeseverything.org/the-tpp-is-a-direct-threat-to-climate-action/
24. www.grist.org/politics/the-tpp-agreement-will-it-save-the-rhinos-or-will-it-destroy-everything-we-love-and-hold-dear/
25. www.sierraclub.org/sites/www.sierraclub.org/files/uploads-wysiwig/TPP-LNG_Factsheet_Updated.pdf

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