Ceci n'est pas de l'aumône, c'est de la fraternité

Victor Hugo

J'ai établi depuis quelque temps, dans ma maison de Guernesey, une petite institution de fraternité pratique que je voudrais accroître et surtout propager. Cela est si peu de chose que je  puis en parler. C'est un repas hebdomadaire d'enfants indigents. Toutes les semaines des mères pauvres amènent leurs enfants dîner chez moi. J'en ai eu huit d'abord, puis quinze; j'en ai maintenant vingt-deux. Les enfants dînent ensemble : ils sont tous confondus, catholiques, protestants, Anglais, Français, Irlandais, sans distinction de religion ou de nation. Je les invite à la joie et au rire, et je leur dis : Soyez libres. Ils ouvrent et terminent le repas par un remerciement à Dieu, simple et en dehors de toutes les formules religieuses. 

Ma femme, ma fille, ma belle-soeur, mes fils, mes domestiques et moi aussi, nous les servons. Ils mangent de la viande et boivent du vin, deux grandes nécessités pour l'enfance. Après quoi, ils jouent, puis vont à l'école...

J'abrège, mais il me semble que j'en ai dit assez pour faire comprendre que cette idée, l'introduction des familles pauvres dans les familles moins pauvres, introduction à niveau et de plain-pied, fécondée par des hommes meilleurs que moi, par le coeur des femmes surtout, peut n'être pas mauvaise. Je la crois pratique et propre à de bons fruits ; et c'est pourquoi j'en parle, afin que ceux qui pourront et voudront l'imitent. 

Ceci n'est pas de l'aumône, c'est de la fraternité. Cette pénétration des familles indigentes dans les nôtres nous profite comme à eux; elle ébauche la solidarité; elle met en action et en mouvement, et fait marcher pour ainsi dire devant nous la sainte formule démocratique : Liberté, Égalité, Fraternité. C'est la communion avec nos frères moins heureux. Nous apprenons à les servir, et ils apprennent à nous aimer.
 

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