Vers l'indépendance?

Hélène Laberge
VERS L'INDÉPENDANCE?
    Le pays à portée de main, par Jean-Marc Léger, Éditions Leméac, 1993.

    Jean-Marc Léger: droiture, fidélité. Fernand Dumont exprime ma propre pensée quand il écrit, dans la préface: "Depuis sa jeunesse, selon la droite ligne d'une indéfectible fidélité, il s'est attaché aux problèmes de notre nation." Quand il compose le nationalisme de sa jeunesse avec les réalités actuelles, Jean-Marc Léger le fait sans le décomposer et au risque d'encourir les pires reproches.
    Les pires reproches, ce sont des reproches de nationalisme ethnique ou de racisme. "Encore un peu, écrit Jean-Marc Léger, et d'aucuns feront mine de subodorer une forme larvée de racisme ou une manifestation "de purification ethnique" dans la simple volonté d'affirmer le caractère français du Québec."
    S'il est une chose que sa longue expérience de militant indépendantiste a apprise à Jean-Marc Léger, c'est l'art d'éviter cet abîme de culpabilité exagérée dans lequel se laissent facilement pousser les nationalistes qui osent soutenir que leur pays est plus qu'un simple territoire.
    "Nous ne saurions accepter sans nous renier une définition purement géographique et circonstancielle du Québécois, qui nous ferait culturellement multiples, c'est-à-dire anonymes et linguistiquement asexués." [...] "Il faut tenir que la définition élémentaire du Québécois inclut nécessairement la qualité de francophone, soit de souche, soit d'élection." [...] "Si nous sommes des Québécois francophones, nous sommes aussi, et plus profondément, de "langue française", parce que nous sommes d'origine française." [...] "Au Québec, seules les nations amérindiennes et la communauté anglophone (de souche) répondent à la définition de minorité."
    Voilà une position droite et claire. S'agit-il d'un nationalisme ethnique comme celui des Serbes? Reportons-nous à l'article de Louis Balthazar dans ce numéro de L'Agora. On y trouve une distinction nette entre le nationalisme ethnique des pays slaves et germaniques et le nationalisme volontaire, éclairé de la France, de l'Angleterre et des États-Unis.
    Ce qui fait que les nationalismes français, anglais ou américain ont pu demeurer éclairés, en prin cipe et en fait, c'est notamment qu'ils ont été tellement forts qu'ils n'ont pas eu besoin de se proclamer. Je ne peux exister si tu existes! Ce sont les faibles qui parlent ainsi. Chez les forts, le problème est réglé avant de se poser. En outre, Anglais, Français et Américains, imitant en cela les Grecs et les Romains, ont associé leur rêve d'universalité à leur sentiment d'identité. Si bien qu'être Français, Anglais ou Américain, c'était, aux grandes heures de gloire de ces nations, la meilleure manière d'être homme.
    En nous rappelant que nous sommes Français et en soulignant à double trait la vocation universelle de la culture française, Jean-Marc Léger nous rattache à une tradition où le nationalisme est légitime parce que lové dans le bouclier de l'universalité. Il a raison. Si les immigrants se sentaient ici en pays aussi français que québécois, au sens étroit du terme, ils craindraient moins d'être ghettoïsés. Quant aux Québécois de souche, ils auraient plus de facilité à sortir de cette culpabilité exagérée dans laquelle d'habiles adversaires les enferment.

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