Le Rapport Allaire : Un Québec libre de ses choix

Comité constitutionnel du Parti libéral du Québec
«Ce document du Parti libéral du Québec contient une proposition d'avenir pour le Québec. Il témoigne de notre foi et de notre confiance dans la capacité de la société québécoise de faire face aux défis de demain. Il contient la proposition du Parti libéral du Québec pour dénouer l'impasse constitutionnelle, politique, financière et économique qui frappe actuellement le Canada.»
Introduction
Ce document du Parti libéral du Québec contient une proposition d'avenir pour le Québec. Il témoigne de notre foi et de notre confiance dans la capacité de la société québécoise de faire face aux défis de demain. Il contient la proposition du Parti libéral du Québec pour dénouer l'impasse constitutionnelle, politique, financière et économique qui frappe actuellement le Canada.

Afin de démontrer notre ouverture envers le reste du Canada, nous proposons que la création d'une nouvelle structure Québec-Canada soit discutée avec le gouvernement du Canada d'ici l'automne 1992. Si les négociations permettent de trouver un terrain d'entente entre le Québec et le Canada, un référendum sera tenu pour avaliser la démarche proposée par le Parti libéral du Québec. Si les négociations achoppent, un référendum sera tenu sur l'accession du Québec au statut d'État souverain.

Le Parti libéral du Québec s'engage donc, quelle que soit l'issue des négociations portant sur la proposition d'une nouvelle structure Québec-Canada, à tenir un référendum sur l'avenir politique du Québec.

La proposition libérale
Ainsi, pour briser l'impasse, le Parti libéral du Québec propose une nouvelle structure Québec-Canada. Cette proposition prévoit l'autonomie politique du Québec. Elle suppose que le Québec exerce désormais sa pleine souveraineté dans ses champs de compétence exclusive, dans certains domaines actuellement partagés ainsi que dans tous les secteurs non spécifiquement énumérés dans l'actuelle Constitution canadienne (i.e. pouvoir résiduaire). Le pouvoir de dépenser du gouvernement central dans les champs de compétence du Québec est éliminé.

Le Québec jouira ainsi d'une compétence exclusive, discrétionnaire et totale dans la plupart des domaines d'intervention. Le rapatriement de ces pouvoirs aura d'importantes conséquences sur le partage des responsabilités; il sous-tend notamment une réévaluation complète des partages fiscaux. En plus de rencontrer les aspirations du Québec quant au développement de son identité et de son économie, cette redéfinition permettra d'assainir la gestion des finances publiques canadiennes et s'attaquera à la lourdeur politique qui mine plusieurs grands dossiers économiques et sociaux.

Des mécanismes de concertation pourront être mis en place dans certains secteurs stratégiques où les partis le jugent souhaitable.

La proposition du Parti libéral du Québec inclut une offre d'union économique renforcée entre le Québec et le Canada. Cette nouvelle union est basée sur le principe de libre circulation des biens et services, des personnes et des capitaux. Elle suppose que la conduite de la politique monétaire tienne mieux compte dans le futur des particularités des régions du Canada.

Pour réaliser cette union économique, une structure politique commune sera créée, avec des responsabilités de concertation, de coordination et d'exécution dans les champs de compétence qui lui seront délégués, là où une association entre le Québec et le Canada se révèle mutuellement bénéfique. Globalement, les compétences communes devront être aussi restreintes que possible. Un des objectifs visés sera de réduire substantiellement la taille du gouvernement central. La défense et la sécurité du territoire, les douanes et tarifs, la gestion de l'actuelle dette canadienne, la politique étrangère seront du domaine fédéral. Une redistribution de la richesse se fera par l'établissement d'une nouvelle formule de péréquation.

La nouvelle structure Québec-Canada suppose une transformation profonde des institutions actuelles. L'actuelle Constitution canadienne sera remplacée par un nouveau pacte constitutionnel intégrant le droit pour les parties de s'en retirer suite à un avis préalable. Une nouvelle formule d'amendement sera mise en place. Le Sénat sera aboli. Les décisions du Parlement commun - élu au suffrage universel -, seront restreintes à ses champs de compétence limitée. Notre proposition prévoit également la création d'un tribunal communautaire avec pour mandat d'assurer le respect du nouveau pacte. L'institution chargée d'administrer la politique monétaire sera restructurée afin de mieux refléter les réalités régionales. Les autres législatures auront le choix de suivre la même voie que le Québec, ou de déléguer des responsabilités supplémentaires à l'État central.

L'impératif d'un changement profond
Survenant au terme de plus de vingt ans d'efforts soutenus en vue de réviser le pacte constitutionnel de 1867, au Québec, l'échec de l'Accord du lac Meech a été durement ressenti. Il a été perçu comme un refus du Canada de reconnaître le caractère distinct de la société québécoise et le principe de l'égalité des deux peuples fondateurs. L'échec de l'Accord a également été interprété comme une preuve de plus de l'impossibilité pour le Québec d'obtenir, à l'intérieur du cadre fédéral actuel, les pouvoirs indispensables à sa survie et à son épanouissement comme seule société francophone d'Amérique du Nord. Preuve enfin de l'impasse constitutionnelle et de l'incapacité pour le Québec de réintégrer dans l'honneur et l'enthousiasme la Constitution canadienne, après que celle-ci eut été modifiée sans son accord en 1982.

L'échec de l'Accord du lac Meech s'impose comme un événement historique. Cet échec a placé le Canada devant l'impératif du changement. Et, plus que tout, cet échec de l'Accord du lac Meech est survenu à un moment de son histoire où la société québécoise a atteint un degré de maturité, d'ouverture et de développement qui l'autorise à se sentir pleinement en contrôle de son avenir. Le Québec a désormais, hors de tout doute, les moyens et les ressources nécessaires à la réalisation de ses choix.

Les Québécois partagent des valeurs, fondamentales du peuple canadien, dont le respect pour les droits de la personne, la liberté d'expression, l'unité et l'harmonie entre citoyens et le droit de chaque personne à la satisfaction de ses besoins fondamentaux. Ces valeurs ont gagné aux Canadiens le respect de l'ensemble de la communauté internationale. Néanmoins, à plusieurs égards, le fédéralisme canadien n'a pas su remplir ses promesses. Depuis quelques décennies, la situation s'est aggravée. Les éternels conflits linguistiques et culturels se doublent aujourd'hui d'une crise financière et économique d'une nature sans précédent dans l'histoire du fédéralisme canadien. Des problèmes structurels minent l'économie sans que l'on puisse les résoudre, faute de consensus entre les différentes provinces ou régions du pays. On le constate de plus en plus: l'État fédéral canadien repose sur des pratiques centralisatrices figées par une volonté inflexible d'uniformiser à outrance les services publics et par la poursuite de grandes politiques dites «nationales». Or, ces préoccupations du gouvernement fédéral répondent mal aux véritables besoins des provinces, des entreprises, des citoyennes et des citoyens. En outre, l'État fédéral ne dispose hélas plus des moyens financiers indispensables à la conduite de ses politiques.

Ce n'est pas sans raison que les institutions fédérales éprouvent de plus en plus de mal à s'imposer et que l'on assiste à une montée des régionalismes au pays. Le Québec n'est plus seul dans son camp. Plusieurs provinces en ont assez des empiètements du fédéral dans leurs champs de compétence. Elles s'insurgent contre les coûteux et stériles chevauchements de juridictions, générateurs d'inefficacité et d'irresponsabilité. Partout en Occident, le rôle de l'État évolue, mais le Canada semble tout simplement incapable d'emboîter le pas. Il apparaît de plus en plus coupé des nouvelles réalités économiques et politiques internationales. Le Canada, dans sa forme actuelle, est devenu difficilement gouvernable.

Nonobstant l'impasse constitutionnelle actuelle, on s'accorde généralement, dans l'ensemble des provinces canadiennes, sur l'urgence de remettre sur les rails l'économie et les finances publiques. Il en va ici de la santé des économies canadienne et québécoise, et ultimement, de notre qualité de vie. C'est dans cet esprit que le Parti libéral du Québec propose une réforme très substantielle des structures politiques et administratives du gouvernement central.

Dans sa recherche d'une option, le Parti libéral du Québec a favorisé une formule tablant sur nos acquis, une solution susceptible de préserver et de promouvoir le développement dans l'harmonie des sociétés québécoise et canadienne.

Les objectifs
Avant d'arrêter son choix sur une option plutôt qu'une autre, le Comité constitutionnel du Parti libéral du Québec a établi les objectifs de ce nouvel ordre politique et économique. L'option constitutionnelle privilégiée par le Parti libéral du Québec doit assurer:

1. L'autonomie politique du Québec afin de répondre à la volonté d'affirmation du peuple québécois;

2. Une plus grande intégration économique et l'instauration de conditions optimales au développement économique du Québec;

3. Le respect des droits et libertés des personnes et la recherche de l'harmonie sociale;

4. La stabilité des systèmes de services sociaux, de santé et de sécurité du revenu.

L'autonomie politique du Québec se trouve au cœur de notre démarche politique, car celle-ci est tout à fait indispensable à notre épanouissement, non seulement pour promouvoir notre identité collective, mais aussi pour renforcer les bases économiques du Québec.

Le nouvel ordre politique et économique proposé par le Parti libéral du Québec reconnaît également les avantages du marché commun canadien et d'un accroissement des échanges entre régions. Il vise à encourager ces échanges en garantissant la libre circulation des biens, des capitaux et de la main-d'œuvre. Ainsi, le Parti libéral du Québec propose l'élimination des barrières commerciales et le maintien des unions monétaire et douanière actuelles. Il insiste sur la nécessité de mettre en œuvre une politique monétaire plus équitable et plus transparente. Pour ce faire, une révision en profondeur de la structure et du fonctionnement de la banque centrale s'impose.

Par ailleurs, le nouvel ordre politique devra non seulement garantir le respect des droits et libertés pour tous les individus, mais également assurer aux Québécois anglophones leurs droits historiques reconnus et, en particulier, le droit de s'exprimer à travers leurs propres institutions sociales et culturelles, ainsi que celui d'en gérer le devenir. Il favorisera le plein épanouissement des différentes communautés ethniques et confessionnelles sur le territoire québécois. Les nations autochtones demeureront, quant à elles, des partenaires traitées d'égales à égal. Le Québec cherchera à favoriser une perspective d'autonomie gouvernementale. Les droits fondamentaux des citoyens seront protégés par une Charte québécoise des droits enchâssée dans la nouvelle Constitution du Québec. Enfin, en matière de services sociaux, le Québec préservera l'intégrité des services actuellement offerts à ses citoyens.

En optant pour une réforme d'importance majeure, le Parti libéral du Québec regarde résolument vers l'avenir. À la lumière des changements économiques et politiques qui marquent la nouvelle dynamique internationale, le moment ne saurait être mieux choisi pour établir une nouvelle structure Québec-Canada. Car l'avenir commence aujourd'hui.

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