Le bonheur asymptotique

Henri-Paul Vincent
Depuis le début de la modernité, on associe rarement la mathématique à la morale, chose qui allait de soi pour les pythagoriciens et bien d'autres Grecs anciens. Qui songerait par exemple à expliquer le tort irréversible fait à la planète par une démesure consistant à réduire l'infini absolu, acte pur, qui est d'un autre ordre, à l'infini mathématique? La façon dont peuples et individus cherche l'absolu au niveau des moyens et des conditions évoque pourtant de manière impérieuse l'asymptote, elle-même image de l'infini mathétique. Or de toute évidence c'est à l'infini absolu que ces mêmes hommes aspirent. Dans un article intitulé Le bonheur asymptotique, Henri-Paul Vincent a bien posé ce problème. «En quoi diffère essentiellement l'infini du philosophe de celui du mathématicien? À eux s'applique la distinction aristotélicienne de l'acte et de la puissance. L'infini mathématique faisant appel à la notion de limite est un infini en puissance: la suite des nombres entier est infinie, qu'est-ce à dire? Si grand qu'on imagine un entier N il en existe toujours un plus grand N + 1. L'infini mathématique est essentiellement perfectible parce qu'il est potentiel, alors que l'infini du philosophe est acte pur et donc non perfectible. Comme le disent les scolastiques, l'infini mathématique est un être de raison, il n'a d'existence que dans l'esprit et, s'il prétend se substituer à l'infini absolu, c'est purement et simplement de la fausse représentation.[...] A vouloir faire de l'infini mathématique un infini absolu, l'homme se condamne à un bonheur asymptotique dont la possession est irréalisable: il n'y a pas pour lui d'espoir pour cette plénitude à laquelle il aspire foncièrement. Et son sort n'est guère plus enviable que celui de Sisyphe dont Camus dit qu'il faut le croire heureux (et pour quelle raison?)»

Autres articles associés à ce dossier

Le bonheur

Henri de Régnier


Maximes des moralistes français sur le bonheur

Henri Le Brun

Maximes de Montaigne, Chamfort, La Bruyère, La Rochefoucauld et divers moralistes français sur le bonheur, choisies par Henri Le Brun.

La lettre et le téléphone

Jacques Dufresne

Il y a des choses qui ne se disent pas. Quand on veut les dire malgré tout, on détruit plus qu'on éclaire, comme cela arrive

Birds in the night

Paul Verlaine


Le bonheur

Guy de Maupassant


Le parfait bonheur

Franz Kafka

Pour Kafka, le bonheur se trouve dans une forme de détachement, de mort à l'intérieur de la vie.

Le bonheur en bonne compagnie

Jacques Dufresne

L'auteur nous propose une vision du bonheur dont il évoque les diverses modalités en s'inpirant du bonheur de la table: «Le bonheur à table, s'il

Le bonheur et l'illusion

Evelyne Rogue

Le bonheur, notion aussi abstraite que complexe, et pourtant universelle, semble renvoyer inéluctablement à l'indéfinissable, voire à l'indicible,

À lire également du même auteur




Articles récents