La forme humaine comme idéal dans l'art classique

Eugène Fromentin
Il existait une habitude de penser, hautement, grandement, largement, un art qui consistait à faire choix des choses, à les embellir, à les rectifier, qui vivait dans l'absolu plutôt que dans le relatif, apercevait la nature comme elle est, mais se plaisait à la montrer comme elle n'est pas. Tout se rapportait plus ou moins à la personne humaine, en dépendait, s'y subordonnait et se calquait sur elle, parce qu'en effet certaines lois de proportion, et certains attributs, comme la grâce, la force, la noblesse, la beauté, savamment étudiés chez l'homme et réduits en corps de doctrines, s'appliquaient aussi à ce qui n'était pas l'homme. Il en résultait une sorte d'universelle humanité ou d'univers humanisé dont le corps humain dans ses proportions idéales était le prototype. Histoire, visions, croyances, dogme, mythes, symboles, emblèmes, la forme humaine presque seule exprimait tout ce qui peut être exprimé par elle. La nature existait vaguement autour de ce personnage absorbant. A peine la considérait-on comme un cadre qui devait diminuer ou disparaître de lui-même dès que l'homme y prenait place. Tout était élimination et synthèse. Comme il fallait que chaque objet empruntât sa f orme plastique au même idéal, rien ne dérogeait. Or, en vertu de ces lois du style historique, il est convenu que les plans se réduisent, les horizons s'abrègent, les arbres se résument, que le ciel doit être moins changeant, l'atmosphère plus limpide et plus égale, et l'homme plus semblable à lui-même, plus souvent nu qu'habillé, plus habituellement accompli de stature, beau de visage, afin d'être plus souverain dans le rôle qu'on lui fait tenir.

Autres articles associés à ce dossier

Poésie

Jacques Dufresne


De l'imitation de la nature

Jean le Rond d'Alembert


L'art dans l'éducation

Pierre Coubertin


Décadence de l'art à Rome du temps de Pline l'Ancien

Pline l'Ancien

On chercherait en vain dans l'Histoire naturelle de Pline l'ancien une théorie sur l'art ou quelque chose qui s'apparente à une esthétique personne

Sur le rôle de l’art

Remy de Gourmont


Voir le concept de l'art

Josette Lanteigne

Sur l'aspect didactique de l'art contemporain. Mais sommes-nous prêts à écouter ses leçons?

Du classique

André Suarès

Où on voit que le mot «classique» peut avoir un sens positif ou négatif car ce qui compte, ce n'est pas que ce soit classique ou pas, figuratif ou

Citations sur l'art

Jacques Parent

«La science manipule les choses et renonce à les habiter.» (Merleau-Ponty) L'art parvient-il à le faire? Chacune des citations rassemblées ici es

L'idéal méconnu de l'art hollandais

Fromentin Eugène

Dans ce très beau texte, Fromentin nous rappelle ce qui fait la dignité de la peinture hollandaise, déclassée au rang d''art bourgeois, platement

L'avenir de l'art

Simone Weil

Voilà qui met fin à toute critique de l'art.

À lire également du même auteur

Les maîtres d'autrefois: l'influence de la peinture hollandaise en France
Une question se présente, entre beaucoup d'autres, quand on étudie le paysage hollandais et qu'on se souvient du mouvement correspondant qui s'est produit en France il y a quarante-cinq ans à peu près. On se demande quelle fut l'influence de la Hollande en cette nouveauté, si elle agi

Les maîtres d'autrefois: les Van Eyck
Nous remontons encore à travers la politique, les mœurs et la peinture. Charles-Quint n'est pas né, ni près de naître, son père non plus. Son aïeule Marie de Bourgogne est une jeune fille de vingt ans, et son bisaïeul Charles le Téméraire vient de mourir à Nancy, q

Les maîtres d'autrefois: Rembrandt
La vie de Rembrandt est, comme sa peinture, pleine de demi-teintes et de coins sombres. Autant Rubens se montre tel qu'il était au plein jour de ses œuvres, de sa vie publique, de sa vie privée, net, lumineux et tout chatoyant d'esprit, de bonne humeur, de grâce hautaine et de grandeur

Les maîtres d'autrefois: Rubens
Je ne vous ai pas encore conduit au tombeau de Rubens, à Saint-Jacques. La pierre sépulcrale est placée devant l'autel. Non sui tantum sæculi, sed et omnis ævi Apelles dici meruit: ainsi parle l'inscription du tombeau.À cela près d'une hyperbole qui d'ailleurs n'ajoute et n'enlÃ

Les maîtres d'autrefois: Ruysdael
De tous les peintres hollandais, Ruysdael est celui qui ressemble le plus noblement à son pays. Il en a l'ampleur, la tristesse, la placidité un peu morne, le charme monotone et tranquille.Avec des lignes fuyantes, une palette sévère, en deux grands traits expressément physionomiques,




L'Agora - Textes récents