Est-il possible de hasarder maintenant des prédictions sur l'avenir politique qui s'offre à l'humanité ? Il est donc probable, selon nous, que le régime démocratique actuel sera remplacé, après des péripéties plus ou moins difficiles et plus ou moins longues, par un régime fonctionnel, et qu’il se sera débarrassé de ce qui l'empêche maintenant de réaliser le bien commun. C'est-à-dire que, d'une manière qui échappe à toute description précise, la partie obscure des peuples ne sera plus admise à exercer sur la politique et sur la société en général l'influence directe et déterminante qui lui est maintenant réservée.
Dans ce troisième essai portant sur la personnalité et l’œuvre de Pierre Teilhard de Chardin, nous avons voulu montrer que l’ampleur de la nouvelle cosmologie dont le brillant jésuite a charpenté sa foi chrétienne ne doit pas occulter certains aspects dépassés et problématiques de son regard sur le monde. Teilhard a abordé l’évolution spirituelle de l’humanité en conquistador religieux entièrement voué à l’avènement d’une ultra-humanité capable de s’affranchir de la matière pour rejoindre un Christ cosmique érigé en moteur et en finalité de l’aventure humaine. Un post-teilhardisme s’impose devant l’évidence des ravages physiques et spirituels de l’ère industrielle. L’écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l’écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.
Un reportage de TV5Monde présentait également le pontife défunt comme « premier pape non occidental de l’ère moderne. » Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu’il venait d’Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l’Occident ? Ce genre de jugements reflète aussi une certaine manière de considérer l’Occident, notion floue, fluctuante, à géométrie variable, qu’on élargit ou restreint selon les ingrédients ou les cultures que l’on aimerait voir se rapprocher ou s’éloigner les uns des autres.
Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu’une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l’humanité et pour la philosophie classique. Si Vance instrumentalise ainsi la pensée catholique, c’est que la grande culture a un prestige qui touche encore un grand nombre de gens. Si ce prestige ne peut être mise au service des vertus catholiques authentiques, il faut à tout le moins lutter contre ce qui est rien de moins qu’une trahison de ces vertus.
Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J’ai quelque chose pour toi. » Il revint avec des dizaines d’hameçons et de leurres. On échangea un moment sur les meilleurs endroits où pêcher dans les environs. Mais alors que notre conversation allait prendre fin, ses yeux furent voilés par l’inquiétude et sa voix se fit hésitante; il semblait se rappeler soudainement d’une chose désagréable dont il voulait m’entretenir.
Nous sommes entrés dans l’ère du capitalisme de la finitude. C’est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué, Essai sur le capitalisme de la finitude (XVI - XXI siècle), paru chez Flammarion au début 2025. Orain est économiste et historien. Il est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) en France.
Le journal La Croix publie ce 8 mai une tribune
libre du rédacteur en chef de Revue Défense Nationale, le
général Jérôme Pellistrandi:
Au lendemain des élections fédérales qui ont vu le parti libéral mené par le banquier Marc Carney l'emporter,
contre toute attente, sur le parti conservateur donné favori jusqu'à l'élection de Trump, le rédacteur en chef
de Libre-Média, Jérôme Blanchet-Gravel, constate que cette victoire ressemble à un véritable cadenassage
politique qui rapproche le Canada d'un système de parti unique:
Le monde entier s'est réveillé ce matin, 21 avril 2025, en apprenant la triste nouvelle du décès du pape François. Les hommages et analyses de son pontificat n'ont pas tardé à paraître. Voici quelques extraits d'articles qui ont retenu notre attention :
Joe Perticone, l'auteur de ce texte publié dans The Bulwark, une publication conservatrice, anti-trump, était à Rome au moment où la nouvelle de la mort du pape a commencé à circuler.
[Extraits]
François a violemment critiqué les conservateurs qui, au sein de l'Église et au-delà,
cherchaient à ignorer ou à rejeter les pauvres, les criminels et les migrants. Même lors de l'une de ses
dernières apparitions publiques, au cours de laquelle il a dirigé les stations de la croix le vendredi
saint, François a clairement exprimé son mépris pour les dirigeants et les cultures qui refusent de
tendre une main secourable aux plus vulnérables de la société.
« Les bâtisseurs de Babel d'aujourd'hui nous disent qu'il n'y a pas de place pour les perdants, et que
ceux qui tombent en chemin sont des perdants », a-t-il déclaré. "Leur chantier est celui de
l'enfer.
C'était un homme décent en des temps indécents. Sa voix, en ce moment délicat, sera difficile à
remplacer.
The
Bulwark: Requiescat in Pace, un texte de Joe Perticone
[Extraits]
« John Carr, fondateur du programme Pensée sociale catholique et vie publique à
l’université Georgetown, une institution jésuite, commente auprès de l’AFP : "Il est impossible
d’imaginer deux dirigeants mondiaux plus différents l’un de l’autre que Trump et François, dans tous les
domaines - l’égocentrisme contre l’humilité, l’intérêt pour les pauvres contre l’intérêt pour le pouvoir
[…] Et cela se voit dans la réponse tiède de la Maison-Blanche à sa mort."»
François, qui avait reçu
Donald Trump au Vatican lors de son premier mandat en 2017 pour une entrevue d’une demi-heure, l’avait
déjà critiqué pour ses positions anti-migrants. »
«[...] le ton adopté par le pape envers Donald
Trump était sensiblement différent de celui qu’il avait à l’égard de l’ancien président Barack Obama.
"La relation entre Obama et François symbolisait ce que de nombreux progressistes considéraient comme
l’avènement d’une ère progressiste sur la scène mondiale", souligne le New York Times.»L'Express
[Extraits]
Au début de son pontificat, François a fait une déclaration qui semble aujourd'hui
prophétique : « Je veux semer le désordre ».
François n'est pas venu apporter la paix, mais une épée. Au nom de qui a-t-elle été brandie ?
[...] Ceux qui attendaient de François un pape « libéral » ont été déçus. L'un après l'autre, leurs
espoirs - l'ordination de femmes à la prêtrise ou même au diaconat, l'approbation de la contraception,
la fin de l'enseignement selon lequel les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont des «
actes de grave dépravation » - ont été anéantis. De leur côté, les conservateurs n'étaient pas davantage
rassurés. Même à la fin de son pontificat, leurs pires craintes n'ont pas été apaisées.
[...] François a toujours été une énigme, déconcertant pour les observateurs catholiques et laïques.
Cela était vrai même au niveau de sa personnalité. Les deux papes, un mauvais film sur une
rencontre hypothétique entre François et son prédécesseur, le pape Benoît XVI, repose sur le contraste
entre l'intellectuel allemand austère dont la principale détente était de jouer du Schumann au piano et
l'homme du peuple hispanique à l'esprit libre qui s'extasiait devant les Beatles.
C'était un pur
non-sens. En littérature, en musique et en art, les goûts de François étaient tout sauf populistes ; son
imagination était plus profondément imprégnée de l'esprit du romantisme allemand que celle de Benoît. Il
appréciait la difficulté et l'idiosyncrasie pour elles-mêmes, et admirait des artistes et des
philosophes réputés inaccessibles. L'un de ses chefs d'orchestre préférés était Wilhelm Furtwängler
[...] Son poète préféré était réputé être Hölderlin, ce mystique impénétrable pour qui les dieux païens
étaient des personnages réels plutôt que des symboles. Dans ses réflexions sur la technologie, la
principale influence de François semble avoir été Heidegger.
The
Atlantic: The Real Legacy of Pope Francis, par Matthew Walter
[Extraits]
Le pape François a nommé 83 cardinaux qui voteront pour élire son successeur, sur un total
de 132. Il a de ce fait donné sa bénédiction à près des deux tiers de ces électeurs, la proportion
nécessaire pour élire un nouveau pape. La révolution progressiste de ce pape hors norme se poursuivra
donc peut-être après sa mort.
C’est du moins ce qu’anticipe Catherine E. Clifford, professeure de théologie à l’Université Saint-Paul.
« Il serait difficile, pour un successeur, de reprendre les habitudes d’une autre ère », explique-t-elle
au Devoir. Une majorité des cardinaux ayant le droit de vote partagerait d’ailleurs les valeur du pape
sortant, selon elle. « François avait compris [...] qu’il faut un visage beaucoup plus humble pour
l’Église toute entière. Le leadership de l’Église, dans l’avenir, devrait être beaucoup plus proche du
peuple et des gens “simples”. »
L’identité du prochaine pape sera connus à l’issue du conclave, qui débutera dans les deux ou trois
prochaines semaine. « C’est très important d’avoir un pape qui vient du sud de l’équateur, parce que
c’est là que réside la majorité des catholiques aujourd’hui », observe Mme Clifford.
Le Devoir, par
Jean-Louis Bordeleau et Alex Fontaine
C’était il y a 30 ans, 40 peut-être. Dans un vol Montréal-Vancouver, j’étais assis à côté d’un Texan.
Voyant les lacs et les rivières défiler sous nos yeux, il décréta le plus spontanément du monde : «this
is ours.» Il était question à ce moment d’un grand canal qui transporterait l’eau du Canada dans le sud
des États-Unis.
C’est aujourd’hui seulement que, grâce aux projets annexionnistes de Trump, je mesure la portée de cette
confidence impérialiste. Non seulement Trump me paraît-il sérieux dans ses projets, mais encore je me
demande pourquoi les Américains ne les ont pas réalisés plus tôt. Jamais peut-être un pays prédateur
n’aura eu à sa merci une proie si proche, si vulnérable et si riche.
Je me pose cette question au moment où j’apprends que Trump vient d’accrocher dans le Bureau ovale de la
Maison Rouge le portrait du onzième président(1846-1849), James K. Polk, celui qui, grâce à une guerre
victorieuse contre le Mexique, a agrandi son pays du Texas, de la Californie et de l’Orégon.
Hypatie d'Alexandrie (vers 360-415) est la seule femme philosophe, mathématicienne et astronome de
l'Antiquité. Le roman historique de Jean Marcel Hypatie
ou la fin des dieux est, à mon avis, le meilleur livre québécois, mais si je le tire des
oubliettes en cette Journée de la femme, 8 mars 2025, c'est d'abord parce qu'il nous plonge dans une
époque charnière, fin de la Grèce, triomphe du christianisme, qui rappelle celle que nous traversons
aujourd'hui, marquée par ce qui semble être la fin du christianisme et l'entrée dans je ne sais quelle
civilisation dominée par les technologies numériques. (Voir ci-après l'entretien de Michel Onfray et du
père Michel.)
«Comment te convaincre que ce qui meurt autour de moi m'afflige plus encore que ma propre perte ? Nos
dieux sont en péril de mort, Synésios, mais à qui en appeler quand il n'y a plus personne ? Nos dieux
sont en détresse, et je suis seule avec eux?»
Chaque fois que je clique sur Google ou Facebook, je donne à ces géants des parts de mon attention qu'ils vendront à des agences de publicité souvent de ma région. J'enrichis ainsi des Américains déjà démesurément riches. Dans le calcul de la balance commerciale entre le Canada et les États-Unis, est-ce qu'on tient compte de ces dépenses invisibles mais bien réelles?
Bien des précédents rendent ce danger manifeste, mais quand j'ai vu l'ascension d'Elon Musk dans l'espace américain, c'est d'abord à Nicolas Fouquet que j'ai pensé. Ce richissime français avait fait construire le Château de Vaux-le-Vicomte, le plus somptueux de France. Il avait invité le jeune Louis XIV à l'inauguration. Commentaire de Voltaire : « Le 17 août 1661, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France ; à 2 heures du matin, il n'était plus rien. »
Quel est le contraire de la noblesse ? La vulgarité. On l'a vue dans sa plus sombre splendeur le 28 février 2025 quand le président et le vice-président américains se sont acharnés, telle une meute sur son propre terrain et devant les télévisions du monde entier, contre Volodimir Zelensky, le président d'une petite nation, l'Ukraine, en position de faiblesse. «De la bonne télévision», a déclaré Donald Trump.
Voyons par comparaison comment Velasquez a évoqué la mansuétude avec laquelle le général espagnol a reçu les clefs de la ville de Breda après la reddition des Hollandais
L'Encyclopédie de l'Agora : une vision organique du monde
Sous forme de synthèses, une trentaine, autant de rivières issues du même fleuve, autant de balises
pour un retour à la vie dans toutes les sphères d'être et d'activité.
Toutes les formes de vie sont liées entre elles comme les éléments d'un écosystème. De sorte que
lorsque la vie est attaquée dans une culture, elle se retire de toutes ses manifestations, des
communautés et des écosystèmes aussi bien que des personnes et de leurs créations: maisons, villes,
œuvres d'art, à l'instar de la mer qui, à marée descendante, se retire uniformément de toutes les
baies. Le retour de la vie ne peut s'opérer que de la même manière, simultanément dans toutes les
manifestions de la vie.
Voici un premier groupe de synthèses ayant des affinités particulières entre elles en rapport avec
les thèmes de cette lettre : beauté, christianisme, appartenance, éducation, caractère
et personne, désengagement.
Suite sur le site et dans les prochaines lettres.
Énorme faux pas pour le Chicago Sun-Times qui vient de publier sa liste de suggestions de lectures pour l'été. Le hic : certains titres n'existent tout simplement pas et sont le fruit des hallucinations d'une application d'IA. L'article recommande entre autres Tidewater Dreams d'Isabel Allende, un «premier roman de fiction climatique» où «le réalisme magique rencontre l'activisme environnemental». Les amateurs d'Allende, décus d'apprendre que le livre n'existe pas encore, n'auront probalement pas à attendre fort longtemps pour le lire: il y a fort à parier qu'un éditeur futé le publie d'ici quelques jours sur Amazon – à l'aide de l'IA bien sûr. Que l'intelligence artificielle génère ce genre d'affabulations n'étonnera plus personne, mais qu'un article dont le contenu n'a fait l'objet d'aucune révision par un humain se retrouve dans les pages d'un grand quotidien en dit long sur les dommages que l'usage non encadré de l'IA peut engendrer. Le Chicago Sun-Times a beau plaider son innocence sur Bluesky, ce genre de bévue contribue à l'exaspération du public dont la confiance envers l'IA s'effrite de plus en plus.
Revers cinglant également pour les grandes entreprises de la Silicon Valley qui, selon cette enquête de la MIT Technology Review, rivalisent entre elles avec des investissements astronomiques pour développer de gigantesques centres de traitement de données dans le désert du Nevada. Au risque de compromettre l'alimentation en eau dans la région et la bonne entente avec les tribus ancestrales locales.
Les médias québécois ont souligné avec une rare unanimité la disparation de Serge Mongeau, décédé le 9 mai.
« Le mot anglais activist conviendrait à Serge Mongeau. Sa pensée, parce qu’elle est simple sans doute, se transforme toujours en action, une action durable et cohérente. Les maîtres de sa jeunesse, René Dubos et Ivan Illich notamment l’ont mis sur la voie du vélo… et d’une manière générale de l'autonomie du vivant... »
Lire notre dossier
Serge Mongeau.
Pour Renaud
Girard, journaliste et géopoliticien français, il est trop facile de critiquer ce que fait Trump
sans tenter d'y voir le commencement d'une méthode, d'une certaine cohérence:
«On peut certes être sceptique face aux modus operandi de Trump. Ce n’est pas un
homme politique classique. C’est
le contraire de Talleyrand. Il n’est ni dissimulé ni calculateur. Il aime dire ce qui lui passe par la tête - ce
qui lui vaut une réputation de sincérité dans l’électorat républicain américain, comme auprès de beaucoup de
gens dans le monde.
Détestable est la manière dont il a reçu Zelensky le 28 février 2025 dans le Bureau ovale. Baroque est sa
présentation d’un tableau avec des droits de douane nouveaux pour chaque pays du monde et sa manière de les
négocier ensuite [...]
Mais il est clair que Trump a le mérite de proclamer haut et fort des vérités incontestables. Oui, il faut
mettre un terme au massacre en Ukraine. Oui, la désindustrialisation des États-Unis est une réalité
préoccupante.
Oui, il est anormal que la Chine refuse de faire flotter sa monnaie [...].
Pour paraphraser Racine, Trump ne mérite pas, dans la sphère politique, ni cet excès d’honneur ni cette
indignité. Il n’a peut-être pas la sagesse d’Eisenhower, mais il n’est pas non plus un coq sans tête. Qu’on le
veuille ou non, il y a quand même une méthode Trump.»
À lire dans Le Figaro.
Noah Smith, un commentateur économique néolibéral influent, proche de Paul Krugman, estime que le discours protectionniste qui sous-tend la politique américaine actuelle ne tient pas la route. Aux dires des conservateurs, la classe moyenne a été victime de la mondialisation et son niveau de vie et son pouvoir d'achat dramatiquement amputés suite aux accord de libre-échange internationaux qui ont ouvert la porte aux biens produits en Asie, notamment. Il semble aller de soi qu'en refermant les portes des États-Unis, la classe moyenne retrouvera de meilleurs emplois et la crise opioïde sera reléguée aux mauvais souvenirs du passé.
À l'aide d'une série de graphiques bien choisis, Noah Smith nous rappelle cependant que, comparée à 36% pour l'Allemagne, 32% pour la France, à 14% aux USA, la part des importations sur le PIB est une des plus faibles parmi les nations riches. Blâmer tous les malheurs sur la Chine ne règlera rien non plus : elle ne compte que pour 3.2% des bien manufacturés consommés en sol américain (le Canada est le 2e producteur à 1.2%). Si on compare le revenu médian, la classe moyenne américaine demeure la plus prospère sur la planète.
«Il a fallu quelques décennies, mais nous constatons aujourd'hui que Bill Clinton avait raison : l'Américain moyen est suffisamment intelligent et compétent pour effectuer un travail lié à l'écononie du savoir. Et cela se reflète dans les salaires et les revenus. Cela ne veut pas dire que l'industrie manufacturière n'est pas importante. Mais le récit principal du protectionnisme est tout simplement beaucoup plus un mythe qu'une réalité. Certes, la concurrence des importations chinoises a quelque peu nui à l'Amérique dans les années 2000. Mais dans l'ensemble, la mondialisation et les déficits commerciaux ne sont pas la principale raison pour laquelle le rôle de l'industrie manufacturière dans l'économie américaine s'est réduit. La mondialisation n'a pas non plus vidé la classe moyenne de sa substance - parce qu'en fait, la classe moyenne n'a pas été vidée de sa substance.
Une fois que nous aurons admis que ce discours protectionniste commun est profondément erroné, nous pourrons commencer à réfléchir plus clairement à la politique commerciale, à la politique industrielle et à bien d'autres choses encore.»
À lire sur Noahopinion.
Pour Francis Fukuyama, seule l'analyse psychologique peut donner une certaine cohérence au comportement du président Trump depuis le début de son 2e mandat (3e mandat pour les MAGA purs et durs). Selon l'auteur de la Fin de l'histoire et le dernier homme:
«le trumpisme est essentiellement une mentalité imprégnée de ce que Nietzsche appelait le ressentiment, c'est-à-dire une rancœur aiguë à l'égard des autres, fondée sur une fierté blessée, un manque de considération perçu, des craintes d'inadéquation et un désir de se venger de ceux qui n'ont pas fait preuve d'un respect adéquat.»
«Il est bien connu que Trump a souffert d'un manque de respect : c'était un parvenu effronté et inculte du Queens qui n'a jamais été pris au sérieux par l'élite culturelle de New York. Il pouvait faire la une de l'Enquirer, mais pas du New York Times. Le comble du mépris a peut-être été atteint lors du dîner des correspondants de la Maison Blanche en 2011, au cours duquel Obama s'est moqué de lui en pleine face. Il brûlait de haine pour l'ensemble de l'establishment libéral et comprenait parfaitement le ressentiment partagé par les nombreuses personnes des couches populaires qui faisaient vivre ses casinos et que ce même establishment méprisait. C'est sur cela, plus que sur une idéologie cohérente, que s'est construit le mouvement MAGA.»
Pour étayer sa thèse, Fukuyama fait également appel à la notion de thumos - le siège du courage, du sentiment de dignité, de fierté selon Platon, qui dans le cas de Trump s'est transformé en désir de vengeance et destruction: «J'ai écrit à plusieurs reprises sur l'importance du thumos - le mot grec pour "fougue", ou le désir de reconnaissance - et son importance pour la politique. Dans La fin de l'histoire et le dernier homme, j'ai même parlé de Donald Trump qui, en 1992, semblait n'être qu'un riche homme d'affaires. Je soutenais que dans le système capitaliste américain, on pouvait satisfaire son désir de reconnaissance supérieure à celle des autres en s'enrichissant par des moyens socialement inoffensifs.
Ce que je n'avais pas vu à l'époque, c'est comment le thymos de cet individu particulier le pousserait à rechercher non seulement la richesse, mais aussi la destruction systématique des institutions mêmes qui constituaient la démocratie américaine.»
À lire sur Frankly Fukuyama.