Francis Mobio, Santa Muerte. Mexico, la Mort et ses dévots, Paris, Éditions Auzas, « Imago», 2010, 175 pages
« Cette enquête en images, qui met en relation l'émergence de ce culte et la catastrophe écologique qui a frappé la vallée de Mexico, débute par un itinéraire photographique qui plonge progressivement le lecteur dans l'univers des dévots. Dans un deuxième temps, ce même itinéraire est réemprunté pour être ancré à l'aide de notes de terrain prises au cours de nos investigations ethnographiques. En clôture du volume figure le temps de l'analyse et de l'interprétation, avec deux textes de l'historienne des religions Silvia Mancini et de l'anthropologue Alejandro Alarcon. » ( F. Mobio, « Avant-propos », o.c., p. 1-2)
Silvia Mancini, Université de Lausanne « La Santa Muerte et l'histoire des religions » (extrait)
« Les autels urbains et périurbains de la Santa Muerte, dont le culte prolifère auprès des franges déshéritées de la population occupant les quartiers les plus dégradés de Mexico, offrent au passant un spectacle puissant et fascinant. Lorsqu'on se promène dans la ville, et qu'on y croise un autel de la Flaquita [la « maigrichonne »], le regard est frappé par l'enchevêtrement baroque d'images de saints, d'objets kitch, de reproductions en format réduit qui, dans une sorte de mise en abyme vertigineuse, réfractent à l'infini la silhouette de la statue « grand format », qui trône au centre de l'autel parée d'habits somptueux. Ces statuettes représentent la Santa de Siete potencias (habillée de sept couleurs associées aux sphères d'influences sur les quelles la Santa est capable d'intervenir), la Santa piedosa (présentée assise et qui, à l'instar de la Piéta de Michel-Ange tient dans ses bras le fils mort), El Jefe (qui illustre la Santa Muerte assise sur un trône, incarnant la fonction royale sur le monde) - autant d'« avatars » de cette entité que de nombreux chilangos [les habitants du Distrito Federal dont Mexico City est la capitale] vénèrent. » (o.c., p. 153)
Alejandro Alarcon Olvera, « La vallée de Mico-City et la Santa Muerte » (extrait)
« C'est dans ce contexte de catastrophe écologique, qui affecte humains et non-humains, que le culte de la Santa Muerte a vu le jour parmi les populations qui se sont établies dans la vallée tout au long de cette dernière étape de l'histoire mexicaine. [...] C'est dans cette atmosphère d'urbanisation-colonisation du territoire, réalisée au prix d'une catastrophe écologique et dominée par la violence et les crimes quotidiens, que les habitants vivent certainement aujourd'hui l'un des pires moments de l'histoire de cette région depuis sa première rencontre avec l'Occident : la plus grande partie de la population paupérisée et dégradée, ne peut que se débattre entre l'incertitude de la vie et la crainte de la destruction matérielle et morale, du peu qui lui reste. Le culte de Santa Muerte, incontestablement le produit historique et social de la colonisation et de l'iniquité, constitue une clé d'accès incontournable à la connaissance de la ville de Mexico et de l'histoire des contradictions qui la traversent. » (o.c., p. 170)