Version française : Rashomon
Version originale : Rashômon
Scénario : Akira Kurosawa, Ryunosuke Akutagawa (histoires)
Distribution : Toshirô Mifune, Machiko Kyô, Masayuki Mori, Takashi Shimura
Durée : 88 minutes
Origine : Japon
RASHOMON (1950)
Akira Kurosawa
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Lorsque l'on écoute un film, on prend souvent pour acquis que les images qui s'y retrouvent suite au montage correspondent à la réalité de l'histoire qui nous est racontée. Au cinéma, l'image ne ment pas. C'est cette croyance de base qui permet au spectateur de ne pas se perdre dans un labyrinthe de suppositions et de contradictions inextricables lorsqu'il visionne un film. Or, ce même spectateur écarte par le fait même la nature fort souvent subjective de ces images qui épousent parfois le point de vue d'un personnage ou d'un narrateur. Dans cet infini débat sur les caractéristiques et les exceptions de la réalité filmique, Rashomon fait figure de monument de recherche dont une analyse scientifique des subtilités s'avère une tâche presque impossible à mener à terme. Avec Rashomon, Kurosawa fait continuellement mentir ses images et donne au spectateur l'un des rôle-clés de son scénario, celui du juge ayant à distinguer le vrai du faux dans toute cette histoire.
[...]
Ce n'est qu'en fin de parcours, lorsque tout semble perdu, que l'optimisme de Kurosawa refait surface. En acceptant d'adopter un enfant abandonné, un paysan par son altruisme impromptu vient racheter l'espèce humaine. Malgré tous ses travers, exprime Kurosawa, le genre humain est encore capable de faire le bien. Film au ton plus sombre que ne l'est en général le cinéma de ce maître du cinéma japonais, Rashomon arrive très élégamment à intégrer une conclusion édifiante et encourageante à la progression d'une histoire qui semblait pointer vers une autre direction.
Véritable leçon de cinéma, le film de Kurosawa demeure une réalisation exemplaire dont le modernisme surprend encore et toujours. Tout comme Citizen Kane, qui aurait pu être réalisé aujourd'hui sans grandes altérations majeures, Rashomon se distingue par la finesse d'un jeu de caméra posé et intelligent. Que ce soit le premier film oriental à attirer l'attention des cinéphiles occidentaux justifie son importance historique mais n'explique pas son succès. Ce qui fait que l'on revient encore et toujours au classique de Kurosawa, c'est cette splendide naïveté nuancée qui en informe la réflexion. L'indéniable accomplissement technique de l'ensemble n'est que le couronnement pour un film fort simple dont la densité, pourtant, a de quoi laisser pantois. Ce qui a vraiment eu lieu dans cette forêt restera à jamais un mystère, car même la perspective qui peut nous sembler définitive est voilée par le mensonge et la subjectivité. Mais c'est cette absence d'absolu qui fait de Rashomon un film grandiose.
Publiée le 2 Juillet 2005
http://www.panorama-cinema.com/html/critiques/rashomon.htm