La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, princesse Bibescu-Bassaraba de Brancovan, poétesse et romancière française née à Paris le 15 novembre 1876 et décédée à Paris le 30 avril 1933.
Biographie et personnalité: «Anna de Noailles» un film écrit par Françoise Giroud et réalisé par Antoine Gallien, 1997. Émission « Un siècle d'écrivains» sur le site FR 3.
Correspondance 1901-1923, Anna de Noailles - Maurice Barrès, Paris, L'Inventaire, 1994.
Luc Fraisse, «La Recherche avant la Recherche: Proust commentateur d’Anna de Noailles»,
http://www.farum.it/publifarumv/n/02/pdf/Fraisse.pdf
Correspondance de Marcel Proust, édition établie, annotée et préfacée par Philip Kolb,
Paris, Plon, 21 vol., 1970-1993.
La mort dit à l'homme...
Voici que vous avez assez souffert, pauvre homme,
Assez connu l'amour, le désir, le dégoût,
L'âpreté du vouloir et la torpeur des sommes,
L'orgueil d'être vivant et de pleurer debout...
Que voulez-vous savoir qui soit plus délectable
Que la douceur des jours que vous avez tenus,
Quittez le temps, quittez la maison et la table;
Vous serez sans regret ni peur d'être venu.
J'emplirai votre coeur, vos mains et votre bouche
D'un repos si profond, si chaud et si pesant,
Que le soleil, la pluie et l'orage farouche
Ne réveilleront pas votre âme et votre sang.
- Pauvre âme, comme au jour où vous n'étiez pas née,
Vous serez pleine d'ombre et de plaisant oubli,
D'autres iront alors par les rudes journées
Pleurant aux creux des mains, des tombes et des lits.
D'autres iront en proie au douloureux vertige
Des profondes amours et du destin amer,
Et vous serez alors la sève dans les tiges,
La rose du rosier et le sel de la mer.
D'autres iront blessés de désir et de rêve
Et leurs gestes feront de la douleur dans l'air,
Mais vous ne saurez pas que le matin se lève,
Qu'il faut revivre encore, qu'il fait jour, qu'il fait clair.
Ils iront retenant leur âme qui chancelle
Et trébuchant ainsi qu'un homme pris de vin ;
- Et vous serez alors dans ma nuit éternelle,
Dans ma calme maison, dans mon jardin divin...
La mort fervente
Mourir dans la buée ardente de l'été,
Quand parfumé, penchant et lourd comme une grappe,
Le coeur, que la rumeur de l'air balance et frappe,
S'égrène en douloureuse et douce volupté.
Mourir, baignant ses mains aux fraîcheurs du feuillage,
Joignant ses yeux aux yeux fleurissants des bois verts,
Se mêlant à l'antique et naissant univers,
Ayant en même temps sa jeunesse et son âge,
S'en aller calmement avec la fin du jour ;
Mourir des flèches d'or du tendre crépuscule,
Sentir que l'âme douce et paisible recule
Vers la terre profonde et l'immortel amour.
S'en aller pour goûter en elle ce mystère
D'être l'herbe, le grain, la chaleur et les eaux,
S'endormir dans la plaine aux verdoyants réseaux,
Mourir pour être encor plus proche de la terre...
(Recueil : Le coeur innombrable)
http://poesie.webnet.fr/poemes/France/noailles/36.html
J'espère de mourir d'une mort lente et forte
Que mon esprit verra doucement approcher
Comme on voit une soeur entrebâiller la porte
Qui sourit simplement et qui vient nous chercher
Je lui dirai: Venez, chère mort, je vous aime
Après mes longs travaux voici vos nobles jeux
J'ai longtemps refusé votre secours suprême
Car si le corps est las, l'esprit est courageux.
(Recueil: Les Vivants et les Morts)