Les rôles respectifs du médecin légiste en France et du Coroner au Québec ont été présentés par Michel Debout et Denis Cettour à partir d'un cas de maltraitance familiale mortelle d'une dame âgée en France. Les auteurs décrivent d'abord la fonction médicale du médecin légiste :
« Le médecin légiste est d'abord un médecin. Il n'intervient pas dans le seul but d'éclairer la justice. Sa prestation est conforme à l'article 2 du code de déontologie : "le médecin. au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la personne ne cesse pas de s'imposer après la mort" » (o.c., p. 89).
Puis, ils mettent en évidence les manquements à la mission médicale du système de la santé publique dans le cas de la vieille dame maltraitée :
« Dans ce cas, au-delà des solidarités de voisinage totalement défaillantes, se manifeste aussi un manque de vigilance des instances médicales et sociales qui ont pu ignorer pendant plus d'un an qu'une de leurs affiliées avait disparu. L'humanisation du mort passe par la mission du médecin légiste : son rôle est d'alerter et de faire prendre conscience aux instantes publiques de la réalité de tels comportements. C'est dans cette mesure que le médecin légiste remplit sa mission médicale conformément à l'article 2 de son code de déontologie.
Mais il est entravé dans cette démarche par la dépendance qui est la sienne vis-à-vis de l'autorité judiciaire et principalement du procureur de la République. C'est ce dernier qui diligente l'enquête. Il agit dans le seul intérêt de l'ordre public mais n'a aucune compétence en termes de santé publique et arrête les investigations dès lors qu'il dispose des éléments suffisants pour éliminer l'intervention d'un tiers dans la survenue d'un décès.
Les auteurs opposent le plein pouvoir d'investigation du Coroner au Québec au peu de pouvoir du médecin légiste :
Il en va tout autrement au Québec : dans ce pays c'est le Coroner - qui n'a pas d'équivalent en France - qui est chargé de toutes les enquêtes concernant les morts d'origine indéterminée ou d'origine violente; il jouit d'un pouvoir d'investigation total sans limite et agit, c'est cela qui importe, dans le double intérêt de l'ordre public mais aussi de la santé publique.
Le Coroner a la possibilité de poursuivre des investigations même lorsqu'il a la certitude qu'il est en présence d'une mort accidentelle sans tiers en cause ou par suicide. S'il estime que des examens complémentaires pourraient faciliter la compréhension des circonstances de la mort et éventuellement déboucher sur des mesures d'ordre préventif, il a toutes les possibilités de le faire.
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En France, il ne sagit pas forcément d'insaurer une instance juridique nouvelle comme celle du Coroner mais de donner les moyens aux médecins légistes de pratiquer leur métier dans totes ses dimensions, y compris préventives, et de ne pas les cantonner au simple éclairage de la justice.
La création d'un Observatoire des morts violentes, rassemblant les données de l'ensemble des services de médecine légale, permettrait de mieux connaître sur le plan épidémiologique la réalité de la mort violente (accidents, suicides, crimes), ses caractéristiques et son évolution. Cette mort, qui représente près de 8 % des décèsannuels, et qui pour un nombre conséquent d'entre eux (accidents, suicides) pourrait être prévenue (o.c., p. 91-92)