L'Encyclopédie sur la mort


Les origines de la Pesah israélite

Rien ne prouve que les Israélites aient adapté, pour célébrer leur Pesah, une fête pastorale célébrée partout, dont l'existence, malgré les affirmations répétées, reste problématique, à moins de se contenter du simple fait de tuer une victime et d'en manger la viande en commun. On ne voit pas comment faire un repas sacrificiel sans tuer une victime et en manger la chair. Si aujourd'hui on reconnaît aux peuples, même les plus primitifs, la faculté d'inventer des rites religieux, pourquoi le refuser aux Israélites? Si on admet que le Dieu d'Israël, n'était pas une divinité de la nature mais un Dieu personnel qu'Israël a expérimenté au cours de son histoire, n'aurait-il pas pu, dès le début de son existence comme peuple, se créer une fête pour commémorer l'événement fondamental de son histoire, la sortie d'Égypte, d'autant plus que le rituel primitif était des plus simples: ne manger de pain fermenté avec la victime? Et plus tard, se trouvant dans des circonstances analogues, n'auraient-ils pas pu enrichir le rituel de nouveaux éléments adaptés au moment présent, pour maintenir vive leur foi en Yahvé le Dieu Sauveur?

De l'examen des textes législatifs on peut déduire que le grand changement a eu lieu entre la période du Deutéronome et celle du code sacerdotal. Mais ce changement est à retenir dans ses justes limites. La Pesah, célébrée jadis dans le sanctuaire par familles, l'est maintenant, pendant l'exil, en famille, mais en tant que qe hal ' adat Yisra'ê. L'aspect communautaire n'est pas oublié. Ne pourrait-on pas dire que les circonstances dans lesquelles se trouvaient les Israélites- - en exil - les ont stimulés à célébrer malgré tout la fête de la Pesah parce qu'elle leur rappelait l'action libératrice de Yavhé au début de leur histoire? Ils ne pouvaient pas monter au temple: ils feraient alors la Pesah à la maison après avoir séparée et préparée celle-ci du profane par un rite du sang. Ils sont un peuple saint, le peuple de Dieu. Ils immoleront un agneau et pendant la nuit ils le mangeront avec des massot, comme ils le faisaient depuis longtemps, et des herbes amères parce qu'ils se trouvent dans la misère. Ils le mangeront tout entier, même ces parties qui, dans les circonstances normales, étaient réservées à Yavhé: les jambes et les tripes. Ces mêmes circonstances expliquent que le rituel ait été enrichi de prescriptions, qui évoquaient davantage la libération; par exemple, la tenue de voyage est un indice qu'il faut s'en aller de la terre de la captivité.

Les circonstances exceptionnelles ayant pris fin par le retour au pays, on abandonne quelques normes qui n'ont plus de raison d'être. On a essayé de conserver le rite du sang, en rappelant que Yahvé, pour obliger les Égyptiens à laisser partir les Israélites, leur avaient infligé une calamité (deux traditions différentes: selon l'une il s'agit des Égyptiens, selon l'autre, des premiers-nés); mais l'histoire a prouvé que cette tentative a échoué et qu'on est revenu aux prescriptions normales. La Pesah se fait dans le templs. Plus tard quand le nombre de pèlerins aura augmenté au point que le temple ne pourra plus les contenir, on essaiera de sauvegarder la sainteté de l'endroit en étendant le privilège à toute la ville, la ville sainte.

L'histoire et les circonstances expliquent l'évolution subie par le rite, évolution motivée surtout par une circonstance bien déterminée, l'exil qui, d'une façon, était parallèle aux origines de la fête. Simple au début, le rituel s'est enrichi de nouvelles ordonnances, aptes à garder vive la foi en Yavhé, le Dieu Sauveur, qui avait fait sortir d'Égypte les enfants d'Israël.

Rome, le 1 novembre 1975

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

Notes

Source: B. N. Wambacq, « Les origines de la Pesah israélite», Biblica, vol. 57 - fasc. 3, 1976, p. 325-326.

En mémoire de mon ancien professeur Benjamin Wambacq, O. Praem., qui m'avait « fraternellement offert » cet écrit.