Film sorti aux États-Unis en décembre 2008 d'après le roman Bernhard Schlink, Der Vorleser (Le liseur), publié en Allemagne en 1995 et traduit en français aux Éditions Gallimard, 2001.
Allemagne, 1966. Étudiant en droit, Michael Berg est amené à suivre en direct, dans la salle d'audience, les procès de criminels nazis. À sa grande stupéfaction, il reconnaît parmi les accusées Hannah Schmit, une ouvrière qui, bien qu'ayant le double de son âge, l'a dépucelé huit ans plus tôt et fait vivre, le temps d'un été, sa première histoire d'amour. Alors que le procès avance et que les preuves accablantes s'acharnent contre cette femme qui avait disparu de sa vie sans crier gare, Michael se remémore son passé auprès d'elle, ainsi que les longues séances de lecture à haute voix qu'elle lui réclamait à chacune de ses visites. Ces réminiscences amènent l'étudiant à se demander s'il ne serait pas lui-même détenteur d'un élément de preuve susceptible d'alléger la sentence d'Hannah, qui s'annonce sévère. (Synopsis par Médiafilm.ca)
En prison, elle est heureuse de recevoir de Michael des cassettes d'oeuvres littéraires. Elle apprendra ainsi à lire et à écrire. Juste avant sa libération, ne voyant pas d'issue à son existence de solitaire coupable d'un crime dont elle n'avait pas su mesurer la pleine gravité, elle se pend dans sa cellule. « Nous sommes tous coupables», cria un étudiant dans la salle d'audience. À sa mort, elle laissera à Michael son modeste avoir financier afin qu'il le transmette à un Institut pour apprendre aux jeunes à lire et à écrire.
Réalisateur
Stephen Daldry
Acteurs
Kate Winslet (Oscar de la meilleure actrice, 2009), Ralph Fiennes, Alexandra Maria Lara, Bruno Ganz, Volker Bruch, David Kross
Scénaristes/Écrivains
Bernhard Schlink, David Hare
Producteurs
Anthony Minghella, Sydney Pollack, Scott Rudin
Studios de production
The Weinstein Company
Distribution au Québec
Alliance Vivafilm
http://www.cinoche.com/films/5537
Commentaires
Ce qui frappe dans Le Liseur, c'est l'insensibilité éthique de plusieurs de ses personnages: Michael jeune et adulte, le père de Michael, des juges et des avocats lors du procès, la riche dame juive, fille d'une victime* des camps de concentration, et Hannah de sa période nazie jusqu'à son incarcération. C'est seulement vers la fin de son parcours qu'une certaine sensibilité éthique semble se manifester chez Hannah qui coïncide avec son alphabétisation. Ce sont ses lectures qui lui ouvrent le chemin de la réflexion et du jugement critique.
Dans la phase ultime du film, le metteur en scène synthétise, avec beaucoup de dextérité, les éléments relatifs à la honte* dans le personnage de Michael. Celui-ci part aux États-Unis porter à la fille d'une détenue du camp de concentration l'argent laissé par Hanna pour des bonnes oeuvres en faveur des enfants juifs. Michael se heurte à une fin de non recevoir très mordant : la riche citoyenne des États-Unis ôte l'argent et garde la boîte qu'elle exposera sur sa commode comme un trophée qui symbolise son triomphe sur la surveillante des camps, décédée par pendaison et donc enfin vaincue.
Il n'y a, dans ce geste de laideur vindicatrice aucun sentiment de pitié ou de pardon que pourtant Michael attendait pour Hanna et pour lui-même. Dans cette requête absurde, qui l'amène à subir une autre humiliation, se concentre toute la culpabilité* qui accompagne la honte*. La recherche d'un pardon impossible et le besoin d'une expiation perpétuent le mécanisme de la honte.
Entre Michael, Hanna et la dame juive, la relation est de nature sadique et d'une grande complexité. Les interprétations de la psychanalyse paraîtront sans doute «approximatives», selon l'expression de Primo Levi*. En effet, l'autre est demeuré inexistant et inaccessible en tant que source de confrontation qui aurait pu permettre d'atténuer et de délier la honte enfermée secrètement en chacun d'eux.
(Marina Brescia, «La honte: entre sentiment et scission» dans C. Trono et E. Ribaud, dir., Il n'y a plus de honte dans la culture. Enjeux pour psychanalyse, philosophie, littérature, société, art., Paris, Penta, 2010, p.77-89)