Invitation à une exposition
La Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l'Université de Montréal nous présente «des trésors à découvrir». En effet, au Pavillon Samuel-Bronfman, 3000, rue Jean Brillant, du 20 octobre 2008 au 27 février 2009, une exposition sur le thème «La mort nous va si bien» est ouverte au public. Madame Sarah de Bogui et son équipe ont su étaler, dans un espace relativement restreint d'un corridor du 4°étage, une quantité de livres, affiches, gravures et autres objets précieux. Ces oeuvres de qualité et fort significatives par leur rapport à la mort, dans tous ses états, traversent les époques et les civilisations. Un fil conducteur subtil a le don de nous apprivoiser avec une réalité existentielle et tragique, proche et lointaine où finitude et espoir, deuil et humour, guerre et paix, intimité et sociabilité, médecine et religion, philosophie et sorcellerie, sociologie et criminologie, esthétique et éthique s'entre-mêlent inextricablement pour former une unité qui plaît à l'esprit et satisfait notre sensibilité.
Il serait aussi fastidieux qu'indiscret de tout révéler d'un événement culturel qui tente de lever pudiquement un pan du voile couvrant le mystère aussi incontournable qu'impénétrable. La visite réserve des surprises aux visiteurs, jeunes et vieux, qui auront l'occasion d'admirer et de s'émouvoir, de rire et de pleurer devant les ruses ingénieuses des humains de l'Antiquité et du Moyen-Âge, du Siècle des Lumières et de la Renaissance, aux prises avec la Mort, amie et ennemie, pour la jouer et la déjouer. Le visiteur se rend compte que la Mort provoque la créativité de l'homme et le stimule à produire et à conserver des oeuvres artistiques et littéraires, scientifiques et technologiques afin qu'il puisse vivre et survivre. Ainsi, le visiteur devient le témoin silencieux de la culture dont la tâche consiste à ensevelir les morts et conjurer la peur de la Mort. «Un homme, qui n'a pas peur, n'est pas un homme», pense Jacques Brel. Pour garder la mort à distance - oeuvre de la culture - , il lui faut aménager l'espace, inventer des techniques, créer du beau et donner ainsi une ouverture à la vie afin qu'elle se déploie librement selon toutes ses potentialités.
Et pourtant, nous ne pouvons pas ne pas être complices de certaines petites indiscrétions à propos de cette exposition, juste pour stimuler la curiosité des esprits sceptiques, des coeurs inquiets out d'autres indécis. Selon les Grecs de l'Antiquité, «mourir, c'est perdre le regard», tandis que d'autres personnes préfèrent mourir, parce qu'aucun regard n'est porté sur elles. Le regard étant une valeur primordiale de l'existence, nul ne contestera son importance dans une exposition. Dans celle que nous venons de voir, le visiteur aura droit de regard sur les objets exposés. Sans les nommer tous et sans donner trop de précisions, voici une petite typologie des objets observés: poèmes et légendes, gravures sur bois et incunables, instruments de musique et de torture, manuels de poison et de contre-poison, affiches de guerre et chants de soldats, médailles et reliques. Le visiteur pourra s'initier à l'anatomie du corps humain et à la médecine de l'âme, aux confréries de la bonne mort et aux cercles du spiritisme. Il lira une page des heures d'un grand duc ou un extrait des annales criminelles, un testament ou l'avis d'une mère à son fils, une lettre à propos de la peine de mort ou ce que disent les tables tournantes.
Cela nous regarde! Les objets nous regardent! Miroir et viole dans une vanité, Lazare ou Jane Gray , tout cela nous regarde. La Mort nous regarde, à moins que Bernard Diu a raison de dire: «La mort, spectre masqué, n'a rien sous la visière».