Biologiste né à Vienne le 17 août 1880. Il devint un savant de renommée internationale grâce à ses recherches sur les alytes, appelés aussi «crapauds accoucheurs», portant enroulés autour de leurs pattes les chapelets d’œufs pondus par la femelle. Ses expériences lui fournirent des preuves pour son hypothèse sur la transmission de certaines caractéristiques acquises, jusqu’au moment fatal du 7 août 1926, date à laquelle parut dans la revue britannique Nature un article signé par K. Noble, conservateur des reptiles du Musée américain d’histoire naturelle. L’auteur de ce texte dévastateur semble avoir découvert l’injection d’encre de chine dans les pattes des échantillons. Il n’a pas été établi si Kammerer lui-même ou un assistant de laboratoire est responsable de la falsification, si jamais elle eut vraiment lieu. Cependant, Kammerer vit sa carrière et sa réputation scientifiques complètement ruinées. Rongé par la honte* et le désespoir*, il n’eut plus le courage de reprendre ses recherches et se tira une balle dans la tempe à Theresienfelsen dans la forêt de Vienne, le 23 septembre 1926.
Des raisons autres que cette accusation de fraude ont été avancées pour expliquer la mort volontaire de ce scientifique mondialement reconnu. À cause de la première guerre mondiale, Kammerer aurait abandonné temporairement ses recherches et vécu dans la pauvreté. Ses difficultés financières n’étant pas résolues, il venait d’accepter un poste à l’université de Moscou où sa bien-aimée n’aurait pas voulu le suivre. Tout au long de sa carrière, il aurait souffert du dénigrement de la part de ses collègues, qui se seraient acharnés à discréditer ses théories. Il laissa une lettre, rédigée en partie à la troisième personne, dans laquelle, sur un ton ironique, il fait allusion à la piètre estime que ses collègues lui accordent. Il a pourtant voulu servir la science et se considère, autant qu’eux, comme une personne bonne et estimable.
Lettres
Le 22 septembre 1926, Kammerer écrivit à l'Académie de Moscou une lettre dans laquelle il démissionnait de son poste et qui se terminait ainsi : «Je me vois hors d'état de supporter cette faillite du travail de ma vie et, je l'espère, j'aurai le courage et la force de mettre demain un terme à ma vie gâchée.»
Il a laissé une autre lettre «destinée à qui la trouvera.»: «Le Dr Paul Kammerer prie de ne pas le transporter à la maison de sorte que sa vue soit épargnée à sa famille. Le plus simple et le moins coûteux serait de confier le corps à un laboratoire de dissection d’une université. Ce serait fort agréable pour moi, car, de cette façon, je pourrais enfin rendre un modeste service à la science. Mes estimés collègues découvriraient peut-être dans mon cerveau des traces de certaines qualités qu’ils croyaient absentes de mes activités intellectuelles durant ma vie. Peu importe ce qui arrivera à ce cadavre — inhumation, incinération, dissection —, son propriétaire n’appartient à aucune confession religieuse et souhaite être soustrait à toute forme de célébration religieuse, qui lui sera d’ailleurs probablement refusé. Cela n’est inspiré par aucune animosité à l’égard de la personne d’un prêtre qui, comme le reste de nous, est souvent une bonne et noble personne» (E. S. Shneidman, Voices of Death, p. 49, qui emprunte la lettre à la meilleure œuvre consacrée à la controverse de Kammerer: A. Koestler*, The Case of the Midwife Toad, Londres, Hutchinson, 1971, traduit en français sous le titre L'Étreinte du crapaud, éd. Calmann-Lévy, 1972)
Dans sa biographie, Koestler décrit les expériences de Kammerer comme suit: «Quelque que soit l' interprétation des résultats, les expériences de Kammerer étaient de véritables travaux de pionnier qui, à juste titre,firent frissonner tous les biologistes de toute l' Europe . On se serait attendu à voir une foule de chercheurs s' engager fiévreusement dans la voie ainsi tracée . Il n' en fut rien. Personne n' essayasérieusement de confirmer ou de réfuter ces travaux. Il fut pendant sa vie la victime d' une campagne de diffamation organisée par les défenseurs de la nouvelle orthodoxie. Ses adversaires refusèrent d' admettre que ces expériences apportaient au moins une donnée à vérifier, mais ne purent ou ne voulurent les refaire. Après sa mort, ils se sentirent délivrés de toute obligation à cet égard.»