Fils de médecin et neveu d'un célèbre rabbin de Prague, Paul Federn (1871-1950), fut l'un des proches disciples de Sigmund Freud*, dont il devint son représentant officiel en tant que vice-président de la Société psychanalytique de Vienne de 1924 à 1938. Il a également assumé le suivi de la clientèle de Freud. Il fut aussi, avec Victor Tausk*, l'un des pionniers dans l'application de la psychanalyse aux psychoses. Sa pratique médicale institutionnelle l'amène à travailler avec des patients psychotiques et dès 1906 il entreprend la psychothérapie analytique d'une patiente souffrant de catatonie («état de passivité, d'inertie motrice et psychique, alternant souvent avec des états d'excitation» selon Le nouveau Petit Robert).
En 1938, Federn quitte l'Autriche et s'installe à New-York où il continue sa pratique et joue un rôle important dans la formation des analystes américains. Il fut l'analyste d'August Aichhorn (1878-1949), éducateur et psychanalyste , d'Edward Bibring (1894-1959), médecin et psychanalyste, d'Otto Fenichel (18971946), médecin et psychanalyste, Wilhelm Reich (1897-1957), psychiatre et psychanalyste et du poète Rainer Maria Rilke*. Federn fut l'un des grands promoteurs de l'application de la psychanalyse à des problèmes sociaux. À ses yeux , la psychanalyse était un instrument de transformation sociale. Federn s'est suicidé le 4 mai 1950 à l'aide d'une arme à feu*, alors qu'il se savait atteint d'un cancer incurable.
Même si la relation entre Sigmund Freud et Paul Federn était des plus cordiales ayant perduré pendant 35 ans, Federn a été longtemps ignoré dans les cercles psychanalytiques et même par Ernst Jones, le biographe de Freud, sans doute à cause de sa position en faveur de la formation de psychanalystes non médecins. À ce propos, voici une lettre de Sigmund Freud à Paul Federn, datée du 27 mars 1926 où Freud se prononce vigoureusement en faveur de la Laienanalyse (analyse effectuée par des non-médecins):
«Cher Docteur, Je vous remercie pour votre rapport détaillé sur la discussion de la question de l'analyse laïque (Laienfrage) dans la Société [psychanalytique de Vienne]. Rien n'y fera varier ma prise de position. Je ne demande pas que les membres se lient à mes vues, mais je représenterai celles-ci sans retouche,tant en privé qu'en pleine lumière et devant les tribunaux, même si je devais rester seul. Actuellement, il reste toujours plusieurs d'entre vous à me soutenir. Je ne ferai pas une affaire de différend avec les autres, aussi longtemps qu'il pourra y être paré. La cause s'accroîtrait-elle en implications, j'utiliserai certainement une telle occasion, sans affecter nos relations, d'abandonner ma présidence de la Société qui n'est plus actuellement que nominale. Le combat de l'analyse laïque (Laienanalyse) devra à quelques moments être mené jusqu'au bout. Le plus tôt sera le mieux. Tant que je vivrai, je m'opposerai à ce que la psychanalyse soit englouti par la médecine. ll n'y a naturellement pas de fondement à faire mystère devant les membres de la Société de ces propos que je tiens. Bien cordialement à vous, Freud.» (Ernst Federn [fils de Paul], Témoin de la psychanalyse, Paris, 1994)
http://www.lta.frdm.fr/19260327-Lettre-de-Freud-a-Paul-Federn-Psychanalyse-Laienanalyse-laicite-014
Bibliographie
Paul Federn, La Psychologie du moi et les psychoses, Paris, PUF, 1979.
Maria Teresa de Melo Carvalho, Paul Federn, une autre voie pour la théorie du moi, Paris, PUF, 1996.
De ce dernier livre, une recension de Monique Dechaud-Ferbus parut dans Revue Française de psychanalyse 2001, volume 65, p. 275-278 dont voici des courts extraits:
Maria-Térésa de Mélo Carvalho s’engage avec ce livre à étayer une recherche sur le concept de Moi. C’est une thèse dirigée par J. Laplanche qui tend à revisiter le concept de Moi et à développer l’originalité de la pensée de Paul Federn à ce sujet. Avec une grande exigence, l’auteur fait travailler la pensée de Paul Federn dont Freud est la référence majeure.
[...] Beaucoup d’auteurs modernes ont pu reconnaître la pertinence des apports de Federn, et, par exemple, Didier Anzieu dans le Moi-peau lui rend hommage comme le précurseur de cette notion si riche. Maria-Térésa de Mélo Carvalho nous amène à une meilleure compréhension [...] des rapports du Moi au corps. Elle va développer sa notion d’un « Moi-corps » comme enveloppe narcissique du corps. Laplanche cite également Federn dans Vie et mort en psychanalyse quand il montre que le Moi est constitué à partir des perceptions qu’il reprend libidinalement à son compte.»
www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RFP_651