Marcel Boisvert et Serge Daneault, Être ou ne plus être. Débat sur l'euthanasie, Préface et postface de Dr Yves Quenneville, Montréal, Voix parallèles, «Philosophie, religion et spiritualité», 2010.
Une discussion sur l'euthanasie sous forme de correspondance entre deux médecins
Préface
Quand il est question d'euthanasie, il ne suffit pas de se déclarer pour ou contre. La lecture des propos de Marcel Boisvert et de Serge Daneault me conforte dans cette opinion. Lecteurs, sachez que j'aime ces deux médecins que je connais et que je côtoie depuis des lustres. J'aime leurs qualités de médecin et j'aime leurs qualités d'homme. Pour cette raison, et parce que c'est leur livre, je ne me sens ni le droit ni l'envie de me poser en arbitre. L'un et l'autre ont bien choisi leur camp. En les lisant, vous les verrez réfléchir, nuancer, expliquer.
[...]
En lisant Marcel et Serge, j'ai retrouvé les mêmes arguments et questionnements qui hantent ma réflexion depuis plus de 30 ans et changent de couleur selon que j'aborde la question en tant que médecin, psychiatre, fils père, amoureux ou ami. Du reste, je ne suis pas certain que ma vision des choses en tant que médecin soit plus valable que celle du papa que je suis.
(Dr Yves Quenneville, o. c., p. 7)
Extraits
Rien n'est parfait. D'où ma question née de tes propos rapportés dans L'actualité médicale en 2009: «La plupart des malades qui m'ont demandé l'euthanasie avaient une expérience de vie remplie d'une souffrance intense dans laquelle il n'y avait pas eu de main tendue.»
Comme toi, je sais d'expérience que ces mal-aimés sont les plus susceptibles de répondre positivement à la main tendue... mais pas tous. Ma question concernait ceux et celles - parmi ces patients - qui se situent en marge de de «la plupart», et qui font écrire au grand théologien Paul Tillich: «Elles sont plus nombreuses qu'on pense les personnes pour qui la notion du suicide ne s'adresse pas à ceux que la vie a vaincus mais à ceux qui ont triomphé de la vie et qui sont également capables de vivre et de mourir et de choisir librement entre les deux.»
Aujourd'hui Cassell lui-même insiste sur l'impossibilité de soulager tous les grands malades qui souffrent au-delà du supportable. Dans When Suffering Patients seek Death (texte que j'ignorais avant de t'écrire), il avait, avant moi, posé la même question: «Que doit-on faire pour les malades dont la douleur et la souffrance demeurent non soulagés et qui se situent en dehors de la plupart» ?
(Marcel Boisvert, o.c., p. 10-11)
Je suis d'accord avec les conclusions de la recherche que tu cites selon laquelle les malades qui ont un défi à relever sont moins souffrants et moins déprimés que les autres, et que cet effet serait même supérieur à celui attribué à l'efficacité des soins palliatifs. En même temps, cette trouvaille, qui gagnerait à être mieux connue de nos milieux de soins palliatifs, questionne peut-être l'obsession qui nous habite de «contrôler» les symptômes. En soins palliatifs, devrions-nous nous préoccuper davantage des buts de la vie restante que du contrôle parfait des symptômes? C'est une question que la lecture de ta dernière lettre a fait surgir en mon esprit.
J'apprécie également tes réflexions au sujet des travaux de recherche que nous menons sur la souffrance. Il est tout à fait vrai que les violences hospitalières ou extrahospitalières peuvent être très significativement atténuées par la complicité toute proche de l'amitié. Les participants à nos travaux parlent de «l'accompagnement global de l'équipe» qui va de l'accueil de la réceptionniste au tact du préposé à l'entretien ménager ou du technicien en radiologie, ce qui dépasse, on le voit facilement, la seule implication des soignants directement affectés aux patients.
(Serge Daneault, o. c., p. 77-78)