D'un père anglais anticonformiste, ingénieur raté, et d'une mère ostendaise qui n'encourage guère sa vocation artistique, le jeune Ensor (1890-1949) vit à Ostende au milieu des coquillages, des chinoiseries, des verroteries, des masques et des animaux empaillés qui peuplent la boutique familiale. Toute sa vie d'adulte, Ensor est demeuré très attaché à ce monde étrange avec lequel l'enfant, malgré ses peurs, peut vivre en sécurité. Mais Ensor semble avoir gardé de ces souvenirs une terreur jamais résolue.
Dans le petit tableau, Ensor met en scène deux squelettes se disputant un même hareng. De manière sarcastique, il donne à ce tableau le titre «hareng saur» qui se prononce «Art Ensor». Il se sert de ce jeu de mot pour exprimer son amertume à l'égard des critiques qui s’entre-déchiraient à propos de son oeuvre.
«Après une première initiation à l'Académie d'Ostende, il suit de 1877 à 1880 les cours de l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Rentré à Ostende, que désormais il ne quittera que rarement, il se réfugie sous les combles de la maison familiale et y réalise ses premiers chefs-d'œuvre d'un réalisme affranchi (autoportraits dont autoportrait au chapeau fleuri, marines, vues d'Ostende, Le lampiste, La mangeuse d'huîtres et la série dite des Intérieurs bourgeois). [...]
En 1888, l'année de sa rencontre avec Augusta Boogaerts qu'il surnomme la Sirène et à qui il écrira 250 missives platoniques, il peint son Entrée du Christ à Bruxelles (Fondation Getty, Malibu), la toile maîtresse d'un peintre de vingt-huit ans, ainsi que Les masques raillant la mort, des œuvres où la radicalité des couleurs pures et les schématisations pré-expressionnistes imposent une vision tout à fait originale dans le contexte de la peinture de l'époque ("Les masques me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public qui m'avait si mal accueilli", confesse-t-il). Soutenu toutefois par quelques intellectuels clairvoyants tels Emile Verhaeren et Eugène Demolder, Ensor est exposé à Bruxelles lors des salons annuels de La Libre Esthétique.»(«James Ensor Biographie»)
www.idearts.be/abc/ensor/ensor1.htm
Masques et squelettes font partie de son univers mental, lui qui était obnubilé par la mort et par son questionnement sur l’au-delà. On lui prête cette phrase : «Les masques me plaisent parce qu’ils froissent le public qui m’avait si mal accueilli.»
La foule considérée comme une menace, un cauchemar, sera le thème de nombreuses de ses toiles. Il entretient avec elle des rapports ambivalents: solidarité envers les revendications des défilés contre l'Église et le roi mais aussi, crainte bourgeoise d'un homme retiré du monde: