Le chômage*, surtout de longue durée, qui risque de mener à l’exclusion* sociale, est une des causes du suicide. La dimension économique intervient également lorsqu’on envisage le suicide en termes des coûts qu’il engendre. Ainsi Alberta Barcelo et Dale Clayton (Chronic Diseases in Canada, août 1999) publient des résultats surprenants et en déduisent, concernant la prévention* du suicide, des conclusions étranges qui démontrent les limites de toute étude quantitative. D’après leur recherche, le coût global de chaque suicide au Nouveau-Brunswick en 1996 aurait atteint 849 877,80 dollars. Les quatre-vingt-seize suicides rapportés dans cette province auraient coûté quatre-vingt millions. Ces coûts incluent les frais de soins de santé, d’autopsie, de funérailles et d’enquêtes policières, ainsi que les frais indirects résultant de la perte de productivité et de revenus. Le but de cette étude était de démontrer l’importance de la prévention du suicide. Selon A. Barcelo, «les études économiques sont un bon moyen pour faire comprendre l’ampleur que peut avoir un problème de santé. Les gens comprennent mieux alors pourquoi la prévention est nécessaire.» Il nous semble tout à fait déplacé d’éveiller l’opinion publique sur la nécessité de la prévention du suicide en affichant les dépenses élevées que les suicidés imposent à la société. Paradoxalement, il se produit ainsi une banalisation du suicide qui en fait un facteur économique influant sur le marché au même titre que, par exemple, la tenue de jeux olympiques ou la construction d’un stade. D’ailleurs, on peut faire dire aux chiffres n’importe quoi. Ainsi, selon le psychiatre Bryan Tannie, de Calgary, d’autres chercheurs sont d’avis que les personnes en dépression sévère qui se suicident font épargner de l’argent à l’État, parce qu’elles n’auront plus besoin de traitements coûteux. Ce qui coûte le plus cher, dit-il, ce ne sont pas les suicidés, mais ceux, de quarante à cent fois plus nombreux, qui font des tentatives de suicide et se blessent. Plusieurs d’entre eux finissent dans les centres de soins intensifs et coûtent cher à la société (D. Bueckert, «Chaque suicide coûte 850 000$ à la société, selon une étude», La Presse, 7 septembre 1999, p. B8).
D’autres études démontrent le fardeau économique de la dépression* et établissent une corrélation entre l’absentéisme au travail et le suicide. Le nombre de jours d’absence au travail des personnes suicidaires est trois fois supérieur à celui des non-suicidaires (voir R. Ettlinger et M. Wistrand, «Somatic Sequelae», Suicide and Attempted Suicide, Skandinavia International Symposium 71, Stockholm, Noroliska Library, 1972, p. 163-185; P. E. Greenberg et al., «The Economic Burden of Depression in 1990», Journal of Clinical Psychiatry, vol. 54, 1993, p. 405-418; J. P. Soubrier, Collaboration with Industrial World, American Association of Suicidology, Houston, M. Weishaar, 1999, p. 94-96).