Gilles Deleuze est un philosophe français né à Paris le 18 janvier 1925 et mort à Paris le 4 novembre 1995. Reçu en 1948 à l'agrégation de philosophie, Deleuze inaugure son enseignement qui va occuper toute sa vie. De 1948 à 1957, il est professeur de philosophie aux lycées d'Amiens, d'Orléans et à Louis-le-Grand à Paris. De 1957 à 1960, il est assistant à la Sorbonne en histoire de la philosophie. Il entre au CNRS comme attaché de recherches jusqu'en 1964. Nommé professeur à la faculté de Lyon, il y enseignera jusqu'en 1969. Dès cette année, il devient professeur d’histoire de la philosophie à l’université de Paris-viii (Vincennes-Saint-Denis) jusqu'à sa retraite en 1987. Ses cours du mardi sur Leibniz, Kant*, Spinoza*, etc., jouirent d’une excellente réputation parmi les étudiants. On ne peut qu’être charmé par son «extraordinaire talent d’historien de la philosophie».
Dans Nietzsche et la philosophie (1962), il parvient à «reconstruire la cohérence globale de l’œuvre de Nietzsche, tout en donnant une vision très suggestive de sa relation à ses prédécesseurs, moralistes et philosophes». Son œuvre présente Nietzsche* «comme le penseur du dépassement de la morale et de la tradition rationaliste, tout en levant la lourde hypothèque dont sa pensée restait grevée depuis que l’extrême droite fasciste ou nazie avait tenté de s’en servir». (P. Raynaud, «Nietzschéisme», dans M. Canto-Sperber (dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, p. 1039-1041) Deleuze trouve chez Nietzsche «au lieu d'une connaissance qui s'oppose à la vie, une pensée qui affirmerait la vie. [,,,] La vie serait la force active de la pensée, mais la pensée la puissance affirmative de la vie.» Penser signifierait: «découvrir, inventer de nouvelles possibilités de vie» (Arnaud Bouaniche, Gilles Deleuze, une introduction, Paris, Pocket, 2007, p. 65-66). En 1969, il rencontre le psychanaliste Félix. Guattari et publie avec lui L’anti-œdipe (1972), dont le deuxième volet est Mille plateaux (1980). Ce «fut un événement culturel lors de sa parution et reste étroitement associé dans les esprits au discours contestataire des années 1960-1970» (H. Mitterand, Dictionnaire des grandes œuvres de la littérature française, p. 32). Les auteurs critiquent les fondements patriarcaux de la psychanalyse freudienne où l’inconscient se définit en fonction de la relation familiale père-mère-enfant. Ils proposent la «schizo-analyse» où l’inconscient est présenté comme «lieu et agent de production», comme «une machine désirante». La psycho-analyse contribue à une répression sociale du désir, tandis que la «schizo-analyse» aide à défaire le refoulement de l’inconscient et à découvrir la «production désirante» du sujet analysé.
Est-ce selon le sentiment d’impuissance d’un désir, qui ne pourra plus produire, qu’il faudrait interpréter la mort volontaire de Deleuze? Michel Tournier évoque la figure de son ami Deleuze dans Le vent Paraclet (Paris, Gallimard, 1977) et dans son ouvrage Célébrations (Paris, Mercure de France, 1999, p. 340-344). Tournier, condisciple de Deleuze au lycée Pasteur, se souvient: «On le redouta vite pour ce don qu’il avait de nous prendre d’un seul mot en flagrant délit de banalité, de niaiserie, de laxisme de pensée. Pouvoir de traduction, de transposition: toute la philosophie scolaire et éculée passant à travers lui en ressortait méconnaissable, avec un air de fraîcheur, de jamais encore digéré, d’âpre nouveauté, totalement déroutante, rebutante pour notre faiblesse, notre paresse» (Le vent Paraclet, p. 155-156, et Célébrations, p. 340). Selon Michel Thévoz, le désir de Deleuze fut avant tout de se soustraire à une fin atroce qu’il appréhendait à cause de ses douleurs respiratoires: «Même le philosophe Gilles Deleuze, dont l’appartenance sociale et professionnelle pouvait laisser supposer qu’il disposât de certaines facilités à cet égard, en a été réduit à se suicider dans des conditions épouvantables» (A. Kiss (dir.), Suicide et culture, p. 173).
«Deleuze», nom d'origine provençale, signifie «du chêne», arbre souvent multicentenaire, profondément enraciné dans la terre. Et pourtant, celui qui portait ce nom «n'a eu de cesse que de se débarrasser du fondement de l'origine et des «racines», pour penser les métamorphoses et les devenirs. Deleuze serait-il alors, à la manière de Foucault, ce voyageur infatigable et toujours en mouvement [...], un penseur nomade? Assurément non, si l'on pense au sens courant de ce terme. Car Deleuze ne voyage pas ou peu, et n'a jamais quitté le XVII° arrondissement de Paris où il est né, non plus que sa table de travail où il préparait minutieusement ses cours de philosphie et rédigeait inlassablement ses livres. Pour lui, les seules voyages qui comptent vraiment sont ceux qu'il qualifie d'«immobiles», voyages «sur place» ou «en intensité», faits de lectures et d'écritures, de rencontres avec les oeuvres de l'art et de la philosophie.» Au terme de son immense activité intellectuelle, Deleuze «vit retiré, fatigué, de plus en plus diminué par la maladie. [...] Il se donne la mort en se défenestrant de son appartement parisien» (A. Bouaniche, op. cit., p. 25 et 26).
Bibliographie
Guillaume Sibertin-Blanc, Deleuze et l'Anti-Oedipe. La production du désir, Paris, PUF, «Philosophies», 2010.
«L''Anti-Oedipe s'inscrit en premier lieu dans une lignée d,analyse critique du discours médical, de son fonctionnement dans les institutions de soin mais aussi de sa circulation dans le réseau des institutions sociales (familiales, pédagogique, judiciaire), et donc de ses articulations complexes avec d'autres codes sociaux que sont censés régler les pratiques cliniques.» (op. cit., p. 6)
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