L'Encyclopédie sur la mort


Dante Alighieri

Luca Signorelli, Dante (29 mai 1265 à Florence et décédé le 14 septembre 1321 à Ravenne, Italie), l’auteur de La divine comédie place les suicidés dans le deuxième giron de l’enfer, occupé par les «violents contre eux-mêmes [les suicidés] et contre leurs propres biens [les dissipateurs]». Sans condamner les suicidés et en respectant leur noble douleur, Dante veut communiquer un sens moral à son récit. Séparation violente de l’âme et du corps, la mort volontaire n’est pas la voie qui mène au salut. Bien au contraire, elle mène à la condamnation éternelle. Dans le chant xiii de l’Enfer, le poète décrit sa marche dans la forêt avec Virgile* comme guide: «Il n’était pas encore à l’autre bord/Que nous pénétrions en un étrange bois/Où de sentier ne se voyait pas trace./Les frondes n’y étaient point vertes, mais bien noires,/Point lisses, les rameaux, mais noueux et tordus/Là point de fruits, mais des ronces vireuses.» D’hommes qu’ils étaient, les suicidés sont devenus des arbres épineux dont coulent «du sang et des propos», lorsqu’on porte la main sur eux pour cueillir des rameaux. Ému par l’intérêt, plein de compassion, que les deux poètes manifestent à sa douleur, l’un d’eux s’exprime: «Tu me flattes, dit le tronc, en paroles si douces/Que je ne puis me taire; et qu’il ne vous déplaise/ Si je m’englue un peu à causer avec vous./Je suis celui qui tenait les deux clefs/Du cœur de Frédéric; et si bien les tournai,/Pour fermer, pour ouvrir, et si suavement/Que du secret royal j’écartai tout le monde./Tant de foi j’apportai au glorieux office/Que j’en perdis le cœur et le sommeil.» Celui qui parle ainsi n’est nul autre que l’écrivain et styliste italien Pierre des Vignes, ministre et confident de l’empereur Frédéric ii. Prévenu à tort contre lui par des envieux, l’Empereur le jeta en prison et lui fit crever les yeux. Désespéré de sa disgrâce, Pierre se tua dans la prison. Dante lui met dans la bouche des propos qui dévoilent les raisons de sa mort et ses effets néfastes: «Mon âme alors, d’un élan méprisant, Croyant que par la mort je fuirais le mépris,/À moi-même, le juste, injuste me rendit.» Fuyant le mépris en méprisant son corps, il se rendit injuste et subit un triste sort. «Quand se sépare une âme folle et fière/Du corps dont elle s’est elle-même arrachée,/ Minos l’envoie dans le septième cercle./Elle tombe en ce bois, sans y choisir sa place/Mais au lieu même où le hasard la jette,/Là elle germe, ainsi qu’un grain d’épeautre./Elle y pousse un scion, puis un arbre sauvage/Puis les Harpyes, en lui mangeant ses feuilles,/ Lui font douleur et baie à sa douleur./ Nous aussi, nous irons reprendre nos dépouilles,/Mais sans que nul de nous puisse la revêtir:/Il n’est juste d’avoir ce qu’on a rejeté,/Nous devrons jusqu’ici les traîner, et nos corps/Dans la triste forêt se verront suspendus,/À l’épine, chacun, de son ombre cruelle.» Plus loin, Virgile et le poète écoutent un buisson qui souffle «avec du sang des propos douloureux»: «Vous, âmes survenues/Pour assister au saccage honteux/Qui vient de m’arracher les branches de mon corps,/Recueillez-les au pied du malheureux buisson./Je fus de la cité [de Florence]/De ma propre maison, moi, j’ai fait mon gibet.» Le malheureux suicidé, converti en buisson, serait le juriste Lotto degli Agli qui, après avoir rendu un faux jugement, rentra chez lui et se pendit à une poutre. Selon d’autres, il s’agirait de Rocco de’ Mozzi qui, de riche étant tombé dans la misère, se pendit dans sa propre maison. Au sujet de l’identité des personnes suicidées, voir les notes et commentaires d’Henri Longnon, traducteur de Dante (La divine comédie, Paris, Garnier, 1959, p. 547-549). Caton*, qui a préféré la mort volontaire plutôt que de se soumettre à César, aurait dû logiquement se trouver en enfer. Mais à cause de la bonne r éputation dont il jouiss ait dans l’Antiquité et même chez les Pères de l’Église, il a été choisi par Dante comme le gardien du purgatoire. Posté sur la plage de l’île du purgatoire, il accueille les deux voyageurs. Virgile est fier de lui présenter son compagnon comme celui qui est à la recherche de la liberté pour laquelle Caton a sacrifié sa vie: «Il va quérir la liberté, si chère/À qui, pour la garder, sait rejeter la vie./Tu le sais, toi, qui ne trouvas amère/La mort dans cette Utique où tu quittas pour elle/Ce corps qui brillera si clair au dernier jour» («Purgatoire», chant premier, p. 183).

IMAGE: Luca Signorelli, Dante Alighieri
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Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-17

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