Vendredi 28 Mai 2010
Le fabriquant taiwanais de IPhone engage 2000 psychologues pour freiner la vague de suicides qui frappe ses usines chinoises. Ces professionnels seront mieux payés que les travailleurs de l’entreprise, qui fabrique aussi pour Microsoft et Nintendo. Cette nouvelle de l’agence de presse EFE de Pékin, témoigne non seulement de la dureté et du « vide social » des grandes fabriques en Chine, mais également du fait que ce sont les firmes étrangères (ici pas tout à fait étrangère puisque taïwanaise) qui imposent ces conditions en exerçant un chantage à la délocalisation contre le gouvernement qui voudrait imposer le respect de la législation du travail*, et ses améliorations. La Chine et les Chinois ont été utilisés sans pitié par les transnationales pour accroître leurs profits, la Chine s’est développé à ce prix là, mais quand le capitalisme veut jouer les vertus en dénonçant la Chine, il est mal venu de le faire. Là bas comme ailleurs il est sans pitié et sans espérance, un passeport pour l’enfer. (Traduction et notes de Danielle Bleitrach pour Changement de société).
Texte intégral:
http://www.marianne2.fr/Chine-vague-de-suicides-dans-les-usines_a193316.html
La vague de suicides dans les usines du taïwanais Foxconn en Chine a mis en lumière les conditions de vie éprouvantes des ouvriers d'un pays dont les manufactures ont fait la richesse depuis 30 ans, et suscité des appels à un changement du modèle de développement économique.En cinq mois, 11 employés du fournisseur des plus grands groupes technologiques de la planète, comme Apple et Nokia, se sont suicidés. Un 12e est mort «d'épuisement», selon un groupe de défense des travailleurs, «après plus d'un mois de travail de nuit». Les suicides «ont mis en évidence (...) le manque d'espoir de la nouvelle génération de migrants», ruraux qui s'exilent dans les centres urbains pour travailler, a estimé le sociologue Lu Huilin, de l'Université de Pékin.
«Ce n'est pas que le problème de l'entreprise, c'est le problème de toute la Chine. (...) C'est une question de société», a renchéri sa consoeur de l'Université Tsinghua, Guo Yuhua, après cette série de suicides évoquant celle de l'opérateur français France Télecom, dont une quarantaine de salariés ont mis fin à leurs jours depuis 2008.
«La Chine doit changer son mode de développement actuel où domine un faible niveau de droits de l'homme», a estimé Mme Guo, signataire comme Lu et sept autres universitaires d'un appel à «en finir avec un modèle de développement sacrifiant la dignité des gens».
Foxconn a soudain incarné tous les maux d'un développement basé depuis l'ouverture du pays sur les exportations, l'investissement, une main d'oeuvre surabondante et sous-payée, fabriquant à la chaîne les gadgets hors de prix des pays riches. Malgré une croissance économique spectaculaire, la rémunération du travail a chuté par rapport à la richesse produite depuis le lancement des réformes économiques : elle représentait 56,5% du produit intérieur brut en 1983, mais 36,7% en 2005, affirmait récemment un responsable syndical.
Foxconn est à mille lieux des scandales d'esclavage éclatant parfois dans le pays. Moderne et propre, l'entreprise n'a rien non plus des nombreuses «usines à sueur» sur lesquelles les défenseurs des travailleurs chinois enquêtent clandestinement, publiant des photos révoltantes de locaux insalubres et dangereux.
Récemment, une enquête du China Labor Watch épinglait quatre fournisseurs du français Carrefour, géant mondial de la distribution, dont le fabricant de jouets Lanyu, à Dongguan (sud) qui «fait dormir ses travailleurs dans des dortoirs infestés d'insectes», «ne leur accorde que deux journées de repos par mois» et, «selon des témoignages, emploierait des mineurs de moins de 16 ans»...
Pour Foxconn, en l'absence de toute information sur les véritables motivations des victimes, dont certaines avaient récemment intégré l'usine, «il faut être prudent avant de faire un lien entre suicides et conditions de travail», estime le sociologue français Jean-Louis Rocca, en poste à l'Université Tsinghua.
Foxconn, c'est néanmoins une gestion quasi-militaire et un salaire de base mensuel de moins de 110 euros pour un travail abrutissant, affirme Li Qiang, directeur du China Labor Watch.
«Les suicides résultent d'une pression extrême, d'heures supplémentaires trop lourdes (...) La direction traite davantage les travailleurs comme des machines», indique Li Qiang à l'AFP.
«Les gens ne se rendent pas compte des conséquences que le travail à la chaîne peut avoir sur le moral des travailleurs. (...) On se préoccupe souvent peu de la manière dont on traite les employés: comme des êtres humains ou tout simplement comme des machines?», dénonce aussi Debby Chan Sze-wan, de Students and Scholars Against Corporate Misbehavior, une ONG de Hong Kong.
Texte intégral:
Joëlle Garrus, «Inquiétante vague de suicides chez les ouvriers»
http://fr.canoe.ca/infos/international/archives/2010/06/20100606-203712.html
Venu en jet privé de Taïwan, l'entrepreneur a présenté ses excuses. Tout en faisant valoir que, «le taux de suicide dans une société augmente avec la hausse du produit intérieur brut». Conscient de l'impact pour l'image de ses prestigieux donneurs d'ordres, il a promis des mesures drastiques. Des filets ont déjà été installés, le nombre de conseillers psychologues sera accru et plusieurs hotlines mises à la disposition des ouvriers.
Foxconn a reconnu que la circulaire distribuée aux employés le 25 mai leur demandant de s'engager [par lettre] à «ne pas se faire du mal» [à ne pas se suicider], à «accepter d'être envoyé à l'hôpital en cas de problèmes mentaux» et à ne pas «poursuivre la société en faisant des demandes de compensation excessives» avait «une tournure maladroite».
Cette société est, selon lui, «typique du management à la taïwanaise : un patron hyperdur, multimilliardaire et connu pour ses frasques d'un côté, et de l'autre, en usine, une pression forte, aucun droit à l'erreur, et une gestion de style militaire». Le groupe avait suscité la polémique, en 2006, à la suite d'un reportage sur les conditions de vie à Longhua. En juillet 2009, le suicide d'un employé soupçonné d'avoir volé un iPhone, et déstabilisé par l'interrogatoire et les fouilles auxquels il avait dit avoir été soumis, avait déchaîné les critiques sur Internet et dans les médias chinois. L'enquête de police n'avait pas permis d'établir la responsabilité de Foxconn.
Texte intégral:
Brice Pedroletti, «En Chine, les suicides chez Foxconn révèlent la dureté des conditions de travail»
Le Monde, mise à jou rle 3 juin 2010
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/27
/en-chine-les-suicides-chez-foxconn-revelent-la-durete-des-conditions-de-travail_1363843_3234.html