Né le 20 novembre 1752 à Bristol d'une famille de sacristains et décédé par suicide le 24 août 1770, Thomas Chatterton est un poète anglais. il fut accusé à tort d’être un faussaire par certains de ses contemporains. En réalité, fasciné dès l'enfance par des manuscrits médiévaux, il opéra une sorte de dédoublement en assumant le personnage d'un moine du XVe siècle, Thomas Rowley, dont il créa l'œuvre poétique. Il est reconnu comme un poète de talent, malgré son décès à l'âge de 18 ans. Il préféra se suicider à l’arsenic plutôt que de mourir de faim, devenant ainsi pour les romantiques une personnification mythique du poète maudit.
Alfred de Vigny* lui consacra une des trois parties de Stello (1832) et un drame Chatterton, Bruxelles, Louis Hauman et Cie, 1834 dans lequel il créa le couple illustre Chatterton et Kitty Bell. Au tout début de quelques pages d'introduction, intitulé «Dernière nuit de travail du 29 au 30 juin 1834», il écrit:
«Je viens d'achever cet ouvrage austère dans le silence d'un travail de dix-sept nuits. Les bruits de chaque jour l'interrompaient à peine, et, sans s'arrêter, les paroles ont coulé dans le mole qu'avait creusé ma pensée. À présent que l'ouvrage est accompli, frémissant encore des souffrances qu'il m'a causées, et dans un recueillement aussi saint que la prière, je le considère avec tristesse, et je me demande s'il sera inutile, ou s'il sera écouté des hommes. - Mon âme s'effraie pour eux en considérant combien il faut de temps à la plus simple idée d'un seul pour pénétrer dans les coeurs de tous.»
Ruggero Leoncavallo (1857-1919) puisa dans la vie et la mort tragiques de Chatterton le thème d'un opéra (1836). John Keats (1795- 1821) lui dédia sa première grande oeuvre Endymion (1818).
«Chatterton» est aussi une chanson de Serge Gainsbourg (1967).
George Sand (1804-1876) a écrit un sonnet intitulé «Chatterton». Elle avait vu la pièce Chatterton d'Alfred de Vigny en compagnie du grand amour de sa vie Alfred de Musset (1810-1857) au Théâtre-Français.
Chatterton
Quand vous aurez prouvé, messieurs du journalisme,
Que Chatterton eut tort de mourir ignoré,
Qu’au Théâtre-Français on l’a défiguré,
Quand vous aurez crié sept fois à l’athéisme,
Sept fois au contresens et sept fois au sophisme,
Vous n’aurez pas prouvé que je n’ai pas pleuré.
Et si mes pleurs ont tort devant le pédantisme,
Savez-vous, moucherons, ce que je vous dirai?
Je vous dirai: «Sachez que les larmes humaines
Ressemblent en grandeur aux flots de l’Océan;
On n’en fait rien de bon en les analysant;
Quand vous en puiseriez deux tonnes toutes pleines,
En les faisant sécher, vous n’en aurez demain
Qu’un méchant grain de sel dans le creux de la main.»
Bibliographie
T. Chatterton, Poèmes du cycle de Rowley, présenté et traduit par Georges Lamoine, Grenoble: ELLUG, coll. « Paroles d'Ailleurs », 2009.
Lucien d' Azay, Le Faussaire et son double. Vie de Thomas Chatterton, Paris, Les Belles Lettres, 2009.
Georges Lamoine, «Guerre et paix dans l'oeuvre de Thomas Chatterton» (Le monde de guerre du cycle de Rowley et la vision du monde de C.) Caliban, Toulouse, 1982, vol. 19, p. 35-43.
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«The Death of Chatterton» (1856), by Henry Wallis.