L'Encyclopédie sur la mort


Autopsie psychologique


Cette expression d’Edwin Shneidman (Definition of Suicide) désigne l’ensemble des outils servant à l’analyse de documents biographiques (souvenirs et témoignages des proches, interviews avec les proches) et autobiographiques (correspondance, journal intime, notes, lettres d’adieu*) afin de mieux saisir les raisons et les mobiles qui ont poussé une personne à sa mort volontaire. On essaie ainsi de reconstituer les événements qui ont précédé la mort afin de répondre aux questions: Quel type de mort? Pourquoi? S’agit-il d’un simple accident? Le sujet avait-il vraiment l’intention de se suicider? Quels dommages de la part d’autrui son acte voulait-il éviter? Se savait-il ou se pensait-il persécuté par autrui et cherchait-il à échapper à une menace d’homicide? Avait-il des ennemis? Dans un pays aussi judiciarisé que les États-Unis, la psychological autopsy est largement utilisée dans les enquêtes policières. Cette méthode peut avoir aussi une certaine utilité pour mieux connaître le passé plus éloigné du suicidaire et fournir des données précises sur sa personnalité et ses antécédents, sur son entourage immédiat, sur ses craintes existentielles et sur ses chances d’avenir. Dans certains cas, elle peut aider les proches en deuil* et les intervenants auprès de ces derniers afin qu’ils puissent mieux comprendre le geste fatal posé par un des leurs. Elle n’est pas d’un grand secours dans la prévention* du suicide et dans l’intervention auprès des personnes qui ont commis une tentative de suicide*, car le profil psychologique et sociologique de ces personnes est fort différent du profil de ceux qui ont été soumis, post mortem, à une autopsie psychologique. Sans nier tout à fait sa valeur clinique, cette enquête ne nous apprend guère sur le suicide en tant que phénomène social qui se répercute dans la subjectivité des individus. Elle semble plus efficace dans la construction des polars que dans la littérature sur le suicide proprement dite. Cependant, aujourd'hui, l'autopsie psychologique prend un tournant nettement scientifique dans des recherches d'ordre génétique.

Ainsi Monique Seguin, membre d’une expertise sur le suicide dirigée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale en France. Ph.D. en psychologie, professeur de psychologie à l’Université du Québec en Outaouais, membre du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie de l’Université du Québec à Montréal, directrice du Laboratoire d’étude sur le suicide au Centre Fernand-Seguin à l’Hôpital Lafontaine (Montréal), collaboratrice au Groupe McGill d’études sur le suicide, travaille sur les « facteurs de risque associés aux comportements suicidaires et aux maladies qui lui sont reliées comme la dépression*» à partir du tissu cérébral, du génome, des facteurs cliniques et sociaux.
Source: Le Journal des Journées
http://disparates.org/JJ/2010/01/anne-beraud-monique-seguin-et-l’autopsie-psychologique/

À la demande de la Direction générale de la santé, des experts se sont réunis en se fixant comme objectif de comprendre ce qui «a pu conduire au geste suicidaire, sans prétendre expliquer la décision unique d’un sujet face à un phénomène aussi complexe» (Rapport de l'Inserm, 2009). Le caractère réactionnel du passage à l’acte suicidaire est d’emblée écarté; la visée de l’autopsie psychologique est au contraire de quantifier le comportement suicidaire et d’en identifier la « vulnérabilité génétique ». Mais par quels procédés ? Pour mener la recherche à bien, il est préférable que le sujet soit mort car sinon il serait susceptible de biaiser les données. Une fois désencombrés de l’obstacle qu’il constituait de son vivant, les experts proposent une investigation de la psyché du mort. Elle consiste à enquêter auprès de l’entourage du suicidé pour établir par la méthode statistique, les facteurs de risque « psychosociaux » du suicide. Ce recueil d’informations est complété par l’exploration de la trajectoire de soins et des services reçus par l’usager, afin d’aboutir à un diagnostic de personnalité avec le DSM-IV. Parallèlement, un « calendrier de vie » retrace les étapes du développement de l’individu. Les données sont rassemblées pour établir une cote de risque suicidaire et une cote de prévention. Le panel d’experts qui s’en charge produit ensuite une évaluation schématisée repérant les troubles éventuels et l’intervention à engager, en chiffrant de 1 à 5 la chance de prévenir le suicide. Cette cote sert ensuite à engager des campagnes de prévention, notamment contre la dépression.
Source:
Benoît Delarue, «Les Cleaners de la mort», Le Journal des Journées
http://disparates.org/JJ/2010/01/benoit-delarue-les-cleaners-de-la-mort/

Le but de l'autopsie psychologique
Le but de l'autopsie psychologique est de réunir des informations autour des antécédents et des circonstances du suicide d'un individu pour s'approcher de la compréhension de son geste. Elle comporte le recueil et la confrontation de données sociodémographiques et cliniques, ainsi que la connaissance approfondie des circonstances qui entourent le geste suicidaire et la connaissance rétrospective approfondie du contexte familial dans lequel a vécu l'individu depuis son enfance.» (L. Yon, H. Misson et F. Bellivier, «Que nous apprennent les études par autopsie psychologique?» dans P. Courtet, dir., Suicides et tentatives de suicide, Flammarion, 2010, p. 17-21)

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10