À la rencontre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tenue à Cancun en 2003, Kyung Hae Lee, président de la fédération des agriculteurs et des pêcheurs de Corée s’est donné la mort par hara-kiri* pour signifier que les politiques de l’OMC ont un effet destructeur sur la vie. Ce suicide public a révélé au monde la situation précaire de plusieurs petits fermiers. En effet, en Inde*, vingt mille fermiers se sont suicidés depuis cinq ans à cause de conditions de vie déplorables qui les empêchent de faire vivre leurs familles. Au même congrès, Will Allen, du Sustainable Cotton Project (USA), révélait qu’aux États-Unis près de vingt mille fermiers amérindiens se sont suicidés devant l’impossibilité de rembourser leurs dettes, et que vingt mille autres ont vendu un de leurs reins pour régler des créances. La pauvreté des ouvriers agricoles mal rémunérés mène à l’exclusion* sociale et au suicide.
L’étude de William Pickett de l’université Queen’s en Ontario avance, pour la période de 1971 à 1987, les données suivantes: au Canada, 1457 suicides d’agriculteurs, 24,3 par an pour une population de 100 000 agriculteurs comparativement à 27,4 pour l’ensemble de la population masculine, et au Québec, 382 suicides d’agriculteurs, 42,3 comparativement à 28,2 pour l’ensemble de la population masculine. Les facteurs qui contribuent à l’épuisement professionnel, à la détresse psychologique et éventuellement au suicide sont multiples. Du point de vue socioéconomique, la charge de travail (90 heures par semaine), le taux d’investissement et d’endettement, l’adaptation aux exigences des nouvelles technologies agricoles, le risque élevé d’accidents liés aux travaux de la ferme qui exigent une très grande concentration, le manque de reconnaissance sociale de l’agriculteur sont des problèmes importants. Au sein de la famille, dont les membres sont impliqués dans l’entreprise familiale, des conflits surgissent qui sont souvent associés à une mauvaise répartition des tâches ou à une confusion des rôles, sans oublier les difficultés de transfert de l’entreprise familiale et les problèmes d’identité liés à la succession du patrimoine. L’éloignement géographique, outre de créer un sentiment d’isolement, rend problématiques la garde des enfants et l’accès aux services de santé.
Le stress et l’épuisement atteignent également les femmes* du milieu rural qui, elles-mêmes propriétaires ou copropriétaires de l’entreprise familiale, abattent une besogne considérable tant à la ferme qu’à la maison. Leur charge est lourde, car elles portent un souci important à la bonne entente familiale ainsi qu’au bien-être physique et à la santé mentale de tous les membres de la famille. Au Québec*, l’organisme Au cœur des familles*agricoles (ACFA), fondé par Marie Labrecque-Duchesneau, agricultrice, a pour mission de prévenir la détresse psychologique chez les agriculteurs et leur famille. Il offre des ateliers de formation ((M. Labrècque - Duchesneau, « La prévention du suicide en milieu agricole», Vis-à-vie, 2004, vol. 14, no 7).
Vidéo
Suicides des agriculteurs, un témoignage poignant.mp4 (2012)
http://www.youtube.com/watch?v=c_6QG2dhjW0