Microcosme

Le mot cosmos, d'où viennent les mots macrocosme et microcosme, était à l'origine, dans l'oeuvre de Pythagore, synonyme d'ordre. Selon les principes mathématiques dont s'est inspiré Pythagore dans l'élaboration de sa conception du monde, la terre, où habitait l'homme, était trop imparfaite pour être le centre du monde et assurer son harmonie. D'où l'hypothèse d'un feu central. «Par l'action de ce feu central, précise Yvan Gobry, feu central qui instaure l'harmonie dans l'univers sensible, celui-ci peut être appelé cosmos.Ce terme qui signifiait ordre fut choisi par Pythagore pour désigner le monde. Doué de mouvement, de respiration, d'organisation, le monde est une sorte de grand vivant, comme le définiront Platon et les stoïciens. On a discuté pour savoir si le pythagorisme primitif enseigne l'existence d'une âme du monde. Un tel enseignement ne semble guère douteux. On le trouve formulé explicitement chez Philolaos, dans un long extrait conservé par Stobée; l'harmonie de cet extrait s'accorde parfaitement avec la théorie générale de l'achevé et de l'inachevé: une partie du monde, immuable et motrice, est le lieu de la raison et de l'âme, l'autre partie, changeante et passive, lui est soumise. [...] Dans ce grand cosmos, l'homme constitue un petit cosmos: un petit monde organisé. Et il le faut bien, puisque l'homme est soumis, plus qu'aucun être singulier du grand monde, à la loi de l'harmonie. C'est par cette loi que l'âme et le corps sont unis (Anima inditur corpori per numerum, selon la formule de Claudien Mamert). Et il faut entendre par là une réalité métaphysique originale qui échappe à la décomposition.
(Yvan Gobry, Pythagore, Éditions universitaires, Paris 1992, p.39).

Les idées, inséparables, de macrocosme et de microcosme, supposent la croyance dans la correspondance entre les parties de chacun. «Dans les doctrines philosophiques qui admettent une correspondance terme à terme entre chacune des parties du corps humain et chacune des parties constitutives de l'univers, ce dernier est appelé macrocosme, et l'homme, dans son rapport avec lui, est appelé microcosme.» (Dictionnaire philosophique Lalande)
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Microcosme est un mot grec qui signifie littéralement petit monde. Plusieurs auteurs utilisent cette expression à la place du mot microcosme.

Certains physiciens utilisent le mot microcosme pour désigner l'électron, petite particule de l'univers, le macrocosme représentant à leurs yeux l'univers.

Essentiel

Dans Les mots et les choses, Michel Foucauld distingue deux épistémè, deux façons de penser le monde, l’une caractérisée par la similitude, l’autre par la différence. Il décrit le passage de l’une à l’autre au XVIe siècle, passage qui est aussi l’accès à la modernité. Dans Sciences de l’homme et tradition, Gilbert Durand note qu’il se limite à évoquer l’épistémè antérieure :«Il prend toutefois notre culture fortement en marche, ne se demandant pas à quel univers épistémologique se rattache cette préhistoire encore vivante au XVIe siècle qu’il appelle la prose du monde. Or cette épistémè qu’il recueille mourante au XVIe siècle, elle s’est formée dans les quelque dix siècles qui précèdent l’aventure philosophique classique et moderne. Elle ne peut se comprendre – à travers par exemple la théorie des signatures que par référence à cette vision du monde autistique, comme dirait un psychologue – que constitue l’homocentrisme de la théorie du microcosme.» 1

Plus loin, Gilbert Durand précise ce qui distingue l’époque moderne de l’époque antérieure : «Reprenons en effet les intentions des deux "épistémè " que nous avons étudiées : elles ne sont pas de même nature. Le champ, la strate, qui coïncide avec " l'époque " moderne – soit comme nous l'avons dit avec le déclenchement de la civilisation faustienne d'après le XVIe siècle – dans sa visée positiviste ne voit dans l'univers qu'un ensemble disparate qu'unifie seule la méthode, c'est-à-dire les relations logiques. L'autre strate celle de l'homme traditionnel – qui se trouve pour nous être l'homme " médiéval " mais qui, se répétant dans les assises d'autres cultures n'est finalement que l'homo sapiens néolithique et paléolithique – se veut plus avec une dignité sans complexe une gnose unifiante où l'homme n'est pas qu'un principe méthodologique, mais une figure de la Création (ou du Cosmos, de l'ordre universel) tout entière parce qu'il est l'image de Dieu. Pour la science, l'homme n'est qu'un épicentre fragile et vide, pour la tradition, l'homme est un lieu de " passage " où se comprend et se concrétise le secret qui lie la Création au Créateur, " le secret de Dieu. "» 2

Après avoir démontré le caractère permanent et universel de l’homme traditionnel, Gilbert Durand précise que si ce dernier peut intégrer les conquêtes de la science à son histoire, l’homme moderne, qu’il appelle ici l’homme philosophique occidental, est contraint de rejeter la tradition. «Il découle de ceci que ces deux conceptions de l'homme ne sont pas symétriquement exclusives : si l'homme philosophique occidental est bien obligé – pris dans les rêts de l'histoire de sa civilisation prolongeant sa culture – de récuser la tradition, à l'inverse l'homme traditionnel n'est pas obligé de récuser les données et les conquêtes de la science : dans sa vision " cosmique ", ordonnée, des choses, il peut remettre à sa place – assez restreinte – la machine que lui offre la technique. Mutation lourde de conséquences et qui marque peut-être la fin de la suprématie de l'adulte blanc civilisé.

Il découle donc enfin de cette pérennité de la figure traditionnelle de l'homme, sa supériorité sur les civilisations, les techniques et les machines qui passent et se " démodent ". Comme nous l'écrivions il y a dix ans déjà, c’est le poète ou le sorcier qui demeurent, et c'est le savant qui vieillit. Pour le magicien c'est toujours l'aurore.»3

Vu sous cet angle, l’homme n’est pas seulement un petit monde, il est le petit du monde, l’enfant du monde, comme on le voit dans un poème du savant Claude Ptolémée, qui vécut à Alexandrie vers l’époque de Marc-Aurèle et eut en commun avec le sage empereur une vision du monde fondée sur la similitude entre l’homme et le monde.

«Moi qui passe et qui meurs, je vous contemple étoiles!
La terre n’étreint plus l’enfant qu’elle a porté.
Debout tout près des dieux, dans la nuit aux cent voiles,
Je m’associe, infime, à cette immensité;
Je goûte, en vous voyant, ma part d’éternité.»4

Que serait la poésie la plus chère aux êtres humains, y compris ceux d'aujourd'hui, sans cette similitude entre les deux mondes.

«Je te porte dans moi comme un oiseau blessé...» 5

Les métaphores qui font, qui sont la poésie même au XXe siècle, reposent souvent sur la similitude ressentie entre le macrocosme et le microcosme, sur une connaissance qui, loin de se réduire à une construction de l’esprit humain, ou à une adéquation de la chose et de l’esprit, repose sur une expérience commune à l’homme et à un élément de l’univers ou de la nature. Les deux morceaux du symbole sont alors réunis.

1-Gilbert Durand, Science de l'homme et tradition, Éditions du Sirac, Paris 1975, p.52
2- Ibid. p.53.
3-Ibid. p.55
4- Traduction : Marguerite Yourcenar, La Couronne et la lyre, Paris, Gallimard, 1979, p.407
5-Louis Aragon, Il n'y a pas d'amour heureux.

Enjeux

Quand on cherche des remèdes aux maux de la planète, on mise généralement sur une science et une technique semblables à celles qui sont à l'origine des maux. Cette science et cette technique étant elles-mêmes indissociables d'une vision du monde où la nature est étrangère à l'homme, que peut-on raisonnablement en attendre? Ne vaut-il pas mieux écouter ces poètes romantiques, ancêtres de nos écologistes, que l'on peut qualifier de prophètes parce qu'ils ont pressenti la nécessité de rétablir le rapport traditionnel avec le monde et de faire graviter la science de l'avenir autour de ce rapport?

Articles


Les prophètes romantiques

Gilbert Durand
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