Castel Louis-Bertrand
Dans la livraison de novembre 1725 du Mercure de France, Castel propose de réaliser un clavecin fait pour les yeux qui «rende les sons sensibles et présents aux yeux, comme ils le sont aux oreilles, de manière qu’un sourd puisse jouir et juger de la beauté d’une musique aussi bien que celui qui entend». «Vous voulez de la pratique, ajoute-t-il, sa réalisation est assurée». Il part d’une interprétation très personnelle des théories acoustiques de Kircher, et constate, que la couleur est produite par des vibrations comme le son. À chaque note de la série chromatique des sons musicaux, il attribue une couleur : Do = bleu; Do# = céladon; Ré = vert; Ré # = olive; Mi = jaune; Fa = fauve; Fa# = incarnat; Sol = rouge; Sol# = cramoisi; La = violet; La# = agathe = Si = gris; Do; bleu. Il ne fait pas l’économie de l’ancienne tradition de l’éthos, en supposant par exemple que «le vert qui répond au ré est naturel, champêtre, riant, pastoral.» Dix ans plus tard, d’août à décembre 1735, chaque numéro mensuel du Journal de Trévoux publie une série de «nouvelles expériences» que l'on sent moins assurée. Il prétend alors ne pas être luthier, et n’avoir jamais eu le dessein de fabriquer un tel instrument. Rousseau, curieux de son invention, lui rend visite et laisse ce jugement: «Cet homme est fou, mais bon homme au demeurant.» et l’abbé de Saint-Pierre: «Il me paraît de ces esprits originaux dont il est plus à propos d’encourager à démontrer ce qu’ils découvrent, que les encourager à faire de nouvelles découvertes.»
Jean-Marc Warszawski
En réalité, derrière cet «exotisme», se déroule un rude débat philosophique qui roule autour du déisme de Newton, et de la réaction immatérialiste de Berkeley.