Homoparentalité

Enjeux

À propos de la loi québécoise instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation (2002)
«En légitimant l'établissement d'un lien de filiation entre un enfant et deux parents de même sexe, le législateur a déconstruit en l'espace de quelques semaines — la commission parlementaire constituée d'intervenants triés sur le volet n'ayant siégé que huit semaines — les fondements d'une institution millénaire. Trois ans après l'entrée en vigueur de la réforme, une interrogation fondamentale subsiste toujours. La reconstruction de la filiation en marge de la réalité biologique peut-elle se justifier à la lumière de l'intérêt de l'enfant, le seul bénéficiaire avoué de toute cette réforme? La très grande majorité des études scientifiques démontrent que l'enfant évoluant auprès de figures parentales homosexuelles aimantes se développe adéquatement. Le bien-être d'un enfant ne semble donc pas dépendre de l'orientation sexuelle des personnes qui le prennent en charge, mais de l'amour et des soins qu'il reçoit d'elles. En conséquence, l'intérêt de l'enfant commandait l'aménagement d'un cadre juridique consacrant l'imputabilité des personnes qui le prennent en charge ou qui agissent à son égard à titre de parents, peu importe leur orientation sexuelle.

Cependant, plusieurs mécanismes juridiques reconnaissant à deux hommes ou deux femmes des responsabilités de nature parentale à l'égard d'un enfant auraient pu être envisagés sans pour autant en faire ses pères et ses mères au terme de son acte de naissance. Le législateur aurait pu, par exemple, autoriser le parent de l'enfant à consentir, devant notaire ou autrement, au partage de l'autorité parentale en faveur de son nouveau conjoint. Subsidiairement, il aurait pu organiser l'attribution judiciaire d'une parentalité psychologique pleine et entière en faveur du conjoint qui, au quotidien et de façon constante, remplit un rôle parental auprès de l'enfant de son conjoint. L'introduction de ces mesures aurait permis d'encadrer la réalité de l'enfant pris en charge par des conjoints de même sexe, qu'il ait été conçu dans le cadre d'une relation hétérosexuelle de l'un ou l'autre des conjoints, ou qu'il soit lié à l'un ou l'autre par suite d'un jugement d'adoption ou d'une procréation assistée. Le conjoint homosexuel se serait ainsi vu reconnaître un rôle formel et aurait incidemment exercé la gamme des droits assortis au statut parental sans pour autant que la filiation n'en soit modifiée. L'intervention du législateur aurait alors porté sur la parentalité et non sur la filiation, deux concepts distincts, mais malencontreusement confondus par la commission parlementaire. La filiation comporte plusieurs dimensions qui vont bien au-delà du droit: elle inscrit l'enfant sur l'axe généalogique, contribue à la constitution de son identité psychologique et sociale, alors que la parentalité ne fait que conférer l'exercice des droits et devoirs originellement attribués aux pères et mères, mais néanmoins susceptibles de délégation, de substitution ou de déchéance.

Le législateur a instrumentalisé la filiation comme le font bien souvent les juristes. Il n'a vu dans la filiation qu'un concept juridique porteur d'autorité parentale, négligeant les dimensions psychologiques, sociales ou anthropologiques qui se rattachent à ce concept. Au-delà des polémiques d'ordre juridique, historique, social, moral, théologique ou anthropologique que soulève la filiation homo parentale, l'importance des enjeux en cause aurait justifié l'instauration de mécanismes législatifs portant sur la parentalité, du moins dans un premier temps. En joignant le rang des États qui ont agi de façon précipitée, le Québec a fait de l'enfant un objet d'expérimentation. Un constat troublant, mais le fait qu'on n'ait pu débattre de cette question plus longuement avant la promulgation de la nouvelle loi l'est encore davantage.»

ALAIN ROY, conférence "Les enjeux de la réforme du droit de la filiation", Colloque Regards sur la diversité des familles" organisé par le Conseil de la Famille, mai 2005


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Un mère et une père?
«Le sexe ou le genre des parents, comme le disent les anglophones et les sociologues, est de plus en plus dissocié de leur rôle. Les rôles de père et de mère peuvent être assumés aujourd'hui aussi bien par un homme et une femme que par deux hommes ou par deux femmes. C'est ce que le féminisme nous a appris mais nous tardons, semble-t-il, à tirer les conclusions qui s'imposent. Une participante à cette table ronde a fait un magnifique lapsus en disant "une" père et "un" mère. Ne pourrait-on pas effectivement parler de mère au masculin et de père au féminin. C'est sans doute un virage que nous serons forcés de prendre parce qu'il y a de plus en plus de parents dont les véritables fonctions parentales sont détachées du genre qu'on attribue de façon traditionnelle, et j'ajouterai sexiste, aux rôles paternel et maternel. Ces parents ne se posent plus ce type de questions et font simplement ce que la vie leur demande de faire. C'est le cas également des parents esseulés qui doivent assumer simultanément les rôles de père et de mère ou de mère et de père. Il y a, sur ce plan, une réflexion que nous devrons mener à terme.»

MICHEL DORAIS, intervention lors de la table ronde "Les mots qui manquent, les mots qui changent", Colloque Regards sur la diversité des familles" organisé par le Conseil de la Famille, mai 2005

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