Fechner Gustav Theodor

«Personnage d’exception, père de la psychophysique, Gustav Theodor Fechner a cherché à accorder une approche scientifique de l’esprit avec une vision romantique et enchantée de la nature.

Né en 1801 en Saxe, Gustav Theodor Fechner s’affirme très tôt comme un sujet d’exception. Hors norme. Il n’a que 16 ans quand il entre à la faculté de médecine de Leipzig, et s’enthousiasme pour la science, la philosophie, la poésie. L’université allemande est alors dominée par la « Naturphilosophie », courant de pensée impulsé par Schelling, et qui rassemble alors tout ce qui compte de grands esprits : Goethe, Hölderlin, Novalis, Schlegel.

La Naturphilosophie ? Une sorte de pensée new age avant l’heure. Le programme est alléchant : elle entend réconcilier la science et la poésie, l’esprit romantique et l’esprit scientifique. Le romantisme donne de la nature une image merveilleuse, animée d’une puissance créatrice conférant la vie à tant de formes différentes. Le monde possède en lui une sorte de souffle créateur – on peut l’appeler « âme »,» Source et suite

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Dans ses travaux sur la maladie créatrice, Henri F. Ellenberger, a cité Fechner en exemple.

«La maladie créatrice a-t-elle joué un rôle dans la vie et l'oeuvre de certains philosophes? Pour pouvoir répondre à cette question, il faudrait connaître beau­coup plus de choses que nous n'en savons sur la vie intime des philosophes.

Il serait bien utile que quelqu'un essayât de rassembler les données épar-ses que l'on pourrait trouver sur ce sujet. L'exemple le plus précis que nous ayons trouvé d'une maladie créatrice chez un philosophe est celui de Gustav Theodor Fechner (1801-1887). Fechner étudia d'abord la médecine, puis la physique et la chimie, sciences qu'il cultiva avec succès, tout en écrivant des manuels, des encyclopédies pour gagner sa vie. En 1833, à l'âge de 32 ans, Fechner fut enfin nommé professeur de physique à l'université de Leipzig. Dès ce moment, il commença à souffrir d'un épuisement complet que l'on attribua au surmenage. En 1840, à l'âge de 39 ans, sa santé s'effondra et il fut obligé d'interrompre toute activité pendant les trois années suivantes. L'étrange maladie qu'il subit nous est connue par un récit autobiographique écrit plus tard par Fechner.

Dans la terminologie psychiatrique moderne, on la diagnostiquerait «dépression névrotique grave avec préoccupations hypocondriaques peut-être compliquée par les effets d'une lésion de la rétine consécutive à des expériences dangereuses» (Fechner avait regardé directement le soleil afin d'étudier les images visuelles post-sensorielles). Pendant la plus grande partie de sa maladie, Fechner vivait complètement isolé, dans une chambre obscure dont les murs étaient peints en noir, portant un masque ou un appareil occlusif sur les yeux; il ne supportait presque aucune nourriture et son état physique devenait inquiétant. Il arriva alors qu'une dame, amie de sa famille, rêva qu'elle lui préparait un plat de jambon épicé cuit dans du vin du Rhin et du jus de citron. Impressionnée par ce rêve, elle prépara son plat et le lui apporta, le suppliant d'y goûter. Fechner le fit avec hésitation mais s'en trouva bien. À partir de ce jour il en mangea quotidiennement une petite quantité et ses forces physiques s'améliorèrent. Fechner entreprit alors de forcer ses facultés mentales à fonctionner, effort épuisant qu'il comparait à celui d'un cavalier domptant une monture rebelle. Au bout d'un an, il aperçut le chiffre 77 et en conclut que sa guérison aurait lieu le soixante-dix-septième jour, ce qui se produisit effectivement.

Cette période de dépression de trois ans fut suivie par une période d'excitation intellectuelle et d'euphorie de quelques semaines. Fechner eut alors des idées de grandeur. Il se croyait capable de résoudre toutes les énigmes du monde. Cet état d'hypomanie (en langage psychiatrique actuel) disparut à son tour. Fechner eut alors la conviction qu'il avait découvert un principe universel comparable en importance au principe de la gravitation universelle de Newton. Il l'appela «principe de plaisir» (Lustprinzip).

Nous avons ici un exemple typique de logophanie: l'euphorie hypomaniaque était remplacée par l'apparition d'une idée philosophique. En outre, au moment où dans son jardin Fechner avait ouvert les yeux pour la première fois depuis trois ans, il avait été saisi par la beauté des fleurs et avait compris qu'elles avaient une âme. Ce fut le point de départ de son Nana, ou l'âme des plantes, ouvrage fort curieux dans lequel le problème d'un psychisme végétal est examiné sous tous ses aspects. Après sa guérison, Fechner resta en bonne santé pendant le reste de sa vie, le physicien avait été transformé en philosophe. Effectivement, Fechner quitta la chaire de physique pour celle de philosophie où son premier cours fut consacré au «principe de plaisir» où il eut l'occasion de s'illus­trer plus tard par ses travaux de psychophysique. Rappelons en passant que c'est à Fechner que Freud, de son propre aveu, emprunta non seulement la notion du «principe de plaisir» mais celle du principe d'économie et de répétition ainsi que l'aspect «topographique» de la vie mentale.

Dans le récit de cette maladie peu ordinaire, nous retrouvons les traits principaux de la maladie créatrice: l'effort constant pour se guérir soi-même, la terminaison brusque de la maladie, la métamorphose qui s'ensuivit dans sa personnalité et le jaillissement d'idées nouvelles au moment de la guérison. Avec raison, Wundt estimait que Fechner s'était guéri lui-même par un processus d'autosuggestion. » Source

 

La loi de Weber-Fechner

«Le seuil différentiel, vous l’avez vu en classe, est la plus petite différence entre deux stimuli qu’un individu peut détecter consciemment. Supposons, par exemple, que vous avez deux verres, A et B, contenant chacun 250 ml d’eau et 100 grains de sel ; le seuil différentiel, ce serait ici le plus petit nombre de grains de sel qu’il faut ajouter au verre B pour que vous détectiez une différence dans le goût salé de l’eau des deux verres. Si cette quantité est égale à 40 grains, alors on dit que le seuil différentiel du stimulus 100 grains de sel dans 250 ml est de 40 grains de sel.

Ce qui peut paraître un peu fascinant avec cette notion de seuil différentiel, c’est qu’il semble possible de le prédire. Voici l’équation permettant de le prédire :


SD = K.S


(où SD = seuil différentiel ; K = constante ; et S = le stimulus original).

Pour trouver K, il s’agit de calculer un seuil différentiel et de faire le rapport :


K = SD / S


Revenons à l’exemple précédent. Maintenant que vous avez calculé le seuil différentiel pour un stimulus de 100 grains de sel dans 250 ml d’eau, supposons que vous voudriez connaître le seuil différentiel pour un stimulus de 400 grains de sel dans 250 ml d’eau. Plutôt que de faire l’expérience, vous pourriez utiliser l’équation. Calculons d’abord K :


K = 40 grains de sel / 100 grains de sel = 0,4


Remplaçons maintenant K par 0,4 dans l’équation, et donnons à S la valeur 400 grains de sel:


SD = 0,4 X 400 grains de sel = 160 grains de sel


L’équation permettant de prédire le seuil différentiel est appelée la loi de Weber-Fechner et a été découverte au 19e siècle. Vous pouvez essayer de la vérifier. Voici peut-être un moyen plus facile qu’avec des grains de sel dans de l’eau. Calculez le nombre de millimètres qu’il vous faut ajouter aux côtés d’un carré de 40 mm de côté pour que vous détectiez une différence de grandeur entre les deux carrés : ceci vous donnera le seuil différentiel. Trouvez ensuite le K. Puis, servez-vous de l’équation pour trouver le seuil différentiel pour un carré de 100 mm de côté. Enfin, vérifiez dans les faits si c’est bien à partir d’un tel ajout que vous pouvez distinguer les deux carrés. »


François Berthiaume

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