Byron George Gordon Lord

22 / 01 / 1788-19 / 04 / 1824
"Fils de John Byron, capitaine aux gardes, et de sa seconde femme Catherine Gordon de Gight, d’une famille d’Aberdeenshire descendant des Stuarts. Le capitaine ayant dissipé la fortune de sa femme, celle-ci se retira avec son fils à Aberdeen et y vécut avec un mince revenu de cent trente livres. C’est donc dans les montagnes de l’Écosse que Byron passa sa première enfance qui fut triste et maladive. Le caractère aigri, capricieux et emporté de sa mère, qui l’accablait tour à tour de caresses et de mauvais traitements, développa cette irritabilité et cette susceptibilité excessives qui furent les principaux défauts de son caractère. D’une beauté remarquable, il avait eu un pied tordu à la suite d’un accident survenu à sa naissance et cette difformité, quoique légère, fut pour lui une source constante d’amertumes. Il n’avait pas neuf ans qu’il tombait amoureux d’une jeune Écossaise, Marie Duff, et lorsqu’il apprit son mariage quelques années après, il fut, il le raconte lui-même, comme frappé de la foudre. Une de ses cousines, Margaret Parker, fillette de treize ans, fut sa seconde passion. C’était, dit-il, une des créatures les plus belles et les plus éphémères qui aient vécu. Toute paix et beauté, elle semblait sortir d’un arc-en-ciel. Elle mourut à quatorze ans, à la suite d’un accident, alors que Byron d’un an plus jeune était au collège de Harrow, et cette mort lui inspira ses premiers vers. En 1798, il hérita de la fortune et de la pairie de son grand-oncle William lord Byron, ainsi que du domaine de Newstead-Abbey donné à un de ses ancêtre par Henri VIII. Sa mère l’envoya au collège de Harrow où il se fit remarquer par son indiscipline et sa haine de toute tâche imposée. À Newstead-Abbey, en 1803, il s’éprit d’une jeune fille du voisinage, Mary Chaworth. Il n’avait que quinze ans et Mary, de deux ans plus âgée, dédaignait cet enfant boiteux qui devait pourtant, comme Dante à Béatrice, lui donner une poétique immortalité. Son père, tué en duel par l’oncle William, rendait d’ailleurs tout mariage impossible; elle se fiança à un autre et l’adolescent envoyé à Trinity College, Cambridge, se consola par de nombreuse amours et scandalisa bientôt l’Université par son indiscipline coutumière et des excentricités que sa fortune lui rendait faciles.C’est à Cambridge qu’il publia son premier recueil de poésies, imprimé à Newark (1807), sous le titre de Hours of Idleness, où s’étalent ses passions précoces et où percent déjà son humeur fantasque, son scepticisme et sa misanthropie. Lord Brougham, dans La Revue d’Edimbourg, en fit une violente critique à laquelle le jeune poète répliqua par une satire, English Bards and Scotch Reviewers (1809), où il s’attaque, avec une verve égale à celle de Pope, à toutes les personnalités marquantes d’alors. Il regretta plus tard cette boutade, car il essaya, vainement, de retirer ce pamphlet de la circulation.

Au sortir de l’Université, où malgré l’irrégularité de sa conduite il fit de bonnes études, il se lança dans toutes les extravagances de la jeunesse dorée et devint le héros de maintes aventures scandaleuses, puis en 1809 prit sa place à la Chambre des lords sur les bancs de l’opposition, et bientôt, las des débats parlementaires, partit pour le continent. En deux années, il visita successivement le Portugal, l’Espagne, les rivages classiques de la Méditerranée, résida quelque temps en Grèce et en Turquie. Les deux premiers chants de Childe Harold’s Pilgrimage, parus en 1812, sont le récit de ses impressions de voyage et de ses propres aventures. Le succès en fut immense: « Je me réveillais un matin, dit-il, et j’appris que j’étais fameux. » Sa popularité s’accrut encore du retentissement d’un discours qu’il prononça à la Chambre Haute contre les mesures de rigueur nouvellement prises pour étouffer les émeutes d’ouvriers. De 1812 à 1814, la publication du Giaour, de Bride of Abydos, du Corsair et de Lara, augmentent l’enthousiasme. Byron devint l’idole des cercles de la jeunesse aristocratique et viveuse de Londres. Enfin, fatigué de cette vie de dissipation, rassasié de plaisirs, il voulut se ranger et épousa la fille de sir Ralph Milbanke, baronnet du comté de Durham, qui s’était éprise de lui. Le mariage fut célébré le 2 janvier 1815 à Seaham, la résidence de son père. Ce fut un grand étonnement pour ceux qui connaissaient le caractère de lord Byron, qui déclara d’ailleurs dans The Dream que le jour de ses noces toutes ses pensées étaient pour la demoiselle d’honneur de sa femme, qu’il trouva placée entre elle et lui dans la voiture. Cependant, de son propre aveu aussi, il fut quelque temps heureux, quoique « fort ennuyé par son pieux beau-père » qui avait offert au jeune couple une de ses résidences, dans le comté de Durham, pour y passer leur lune de miel. Mais dès le mois de mars les époux allaient s’installer à Londres près de Hyde Park, et c’est là qu’éclata leur incompatibilité d’humeur. Lady Byron, jolie, intelligente, distinguée, mais imbue de tous les préjugés du cant britannique, dévote et d’une vertu hautaine, ne pouvait faire les agréments du foyer d’un homme qui professait le mépris le plus profond pour toutes les conventions sociales, la haine du dogme religieux aussi bien que du credo politique de la « respectabilité ». Aussi dès sa grossesse se vit-elle délaissée par son mari, qui cherchait des distractions illicites du dehors, bien qu’il eût écrit d’elle avant son mariage : « Elle est si bonne que je voudrais devenir meilleur ». Correcte, sèche, sans tempérament, incapable de faillir et de pardonner, elle était de ces femmes qui rendent la vertu insupportable. Il faut ajouter les embarras financiers sans cesse croissants et qui sans doute aigrissaient son caractère. Les dettes de Byron ne diminuaient en rien le chiffre de ses dépenses. En novembre 1815 il avait été obligé de vendre sa bibliothèque et en moins d’un an les huissiers avaient fait neuf fois irruption dans la maison.

Le 10 décembre 1815 la jeune femme accoucha d’une fille, Augusta-Ada, et le 6 janvier son mari, qui ne communiquait plus avec elle que par lettres, lui écrivit qu’elle eût à quitter Londres aussitôt que possible pour vivre avec son père en attendant qu’il ait pris des arrangements avec ses créanciers. Elle partit huit jours après rejoindre ses parents à Kirkby Mallory et, bien qu’elle lui écrivit à son départ une lettre affectueuse, elle s’occupa de faire déclarer son mari « insane », affirmant qu’elle ne le reverrait jamais plus. Cette séparation fit scandale. Quelques propos répétés excitèrent une explosion d’indignation publique. Byron fut accusé de toutes sortes de vices monstrueux, et la presse anglaise, toujours hypocritement vertueuse et champion de la morale le compara à Néron, Héliogabale, Caligula, Henri VIII. Il n’osa plus se montrer en public de crainte des outrages de la foule et des brutalités de la populace. La cause de cette fureur, tenue secrète par la génération suivante, ne fut révélée que cinquante-cinq ans plus tard par Harriett Beecher Stowe : Byron aurait eu des relations incestueuses avec sa demi-sœur Augusta (fille d’un premier mariage de son père), devenue mistress Leigh. Cependant celle-ci continua jusqu’en 1830 d’être en bons termes avec lady Byron, servant d’intermédiaire entre elle et son mari tant qu’il vécut. Elle mourut en 1851, et ce ne fut qu’en 1856 que lady Byron aurait confié ce secret à la romancière américaine, et cela par charité évangélique. Elle pensait qu’en ternissant la mémoire du poète, elle diminuerait l’influence néfaste de ses écrits et par suite son expiation dans l’autre monde. Mistress Stowe ne publia ces confidences qu’en 1869 dans le Macmillan’s Magazine et dans The Atlantic Monthly. Dans son livre The Real Lord Byron, J. C. Jeaffreson revint sur cette question de l’inceste, qui ne devrait pourtant laisser aucun doute, à en juger par des stances écrites à sa sœur Augusta pendant le séjour du poète à la villa Diodati (1816), et des vers adressés à My Sweet Sister (Ma douce sœur), détruits à sa mort sur son expresse volonté. Byron implora son pardon, qui lui fut implacablement refusé, et la séparation à l’amiable eut lieu le 2 février 1816, à la suite de quoi il quitta l’Angleterre pour n’y plus revenir, après avoir publié The Siege of Corinth et Parisina. Le premier ouvrage fut composé pendant son année de cohabitation conjugale, car le manuscrit tout entier est copié de la main de lady Byron. L’éditeur Murray envoya, pour les deux […], un chèque de mille guinées que Byron lui retourna. Il visite la France et la Belgique, se rend en Suisse où il se lie avec le poète Shelley, dont la vie agitée et courte eut tant de similitudes avec la sienne. À Genève, il compose le troisième chant de Childe Harold et The Prisoner of Chillon, et, en face des glaciers de l’Oberland, s’inspire pour son sombre drame de Manfred, écrit en 1817 ainsi que Lament of Tasso. De 1818 à 1821 il habita Venise et Ravennes, complétant Childe Harold et écrivant Mazeppa, Marino Faliero, Werner, Caïn, Difformed Transformed. Mais de toutes ces œuvres, la plus extraordinaire est l’épopée de Don Juan, qu’il acheva à Pise en 1822; don Juan, héros railleur, cynique, passionné, enthousiaste, aventureux et mobile comme lui. La vie de plaisirs excessifs avait sans doute fatigué son cerveau, car il ne travaillait plus que sous l’influence de copieuses libations. Après un amour scandaleux avec la comtesse Guiccioli, sentant sa verve poétique lui échapper, il essaya de la politique. Whig en Angleterre, il ne pouvait être que carbonaro chez ce peuple qui aspirait à son émancipation. Le mouvement ayant avorté, il fonda, avec les poètes Leigh Hunt et Shelley, Le Libéral, qui n’eut que quelques numéros.

Dépité et mécontent, voyant ses forces s’user, son génie s’appauvrir et sa fortune se fondre, il résolut de mettre au service de l’insurrection des Grecs pour leur indépendance tout ce qui lui restait. Il partit sur un brick frété à ses frais et débarqua à Missolonghi le 4 janvier 1824, ne trouvant partout que confusion, discorde, anarchie, rapacité et fraude. Un peuple brave mais sans discipline, une populace armée, cruelle, criarde, imbécile et turbulente, des chefs jaloux, antagonistes et mal obéis. Pendant trois mois, avec son âme de poète et son argent de grand seigneur, il essaya des remèdes. Désespéré et déjà malade, il fut saisi le 9 avril dans une de ses courses quotidiennes à cheval d’une fièvre qui l’emporta en dix jours. Les Grecs prirent le deuil et son corps fut rapporté en Angleterre, dans le caveau de sa famille, en la petite église de Hucknoll, près de Newstead.

Lord Byron est l’un des plus grands poètes de l’Angleterre et, à un moment donné, il éclipsa la gloire de tous, même celle de Walter Scott, Wordsworth, Southey, Moore et Campbell. On l’a quelquefois comparé à Burns; tous deux, le pair et le paysan, écrivirent d’après leurs impressions et leurs sentiments personnels, se montrant tout entiers dans leurs œuvres; esclaves de passions impérieuses, livrés également au doute et à la mélancolie, ils moururent prématurément, après une vie d’extraordinaire activité physique et intellectuelle. Ils furent l’un et l’autre des apôtres de cette école négative et stérile de misanthropie, de doute et de désespérance, qui fit tant de ridicules adeptes et de niaises victimes. Les écrits de Byron c’est lui-même, et de lui l’on peut dire : le poète et l’homme ne font qu’un. Il a beaucoup haï les Anglais, c’est peut-être pourquoi il fut si populaire en France, mais voici l’épigraphe qu’il transcrivit en français en tête de Childe Harold : « L’univers est une espèce de livre dont on n’a lu que la première page quand on n’a vu que son pays. J’en ai feuilleté un assez grand nombre, que j’ai trouvées également mauvaises. Cet examen ne m’a point été infructueux. Je haïssais ma patrie. Toutes les impertinences des peuples divers parmi lesquels j’ai vécu m’ont réconcilié avec elle. Quand je n’aurais tiré d’autre bénéfice de mes voyages que celui-là, je n’en regretterais ni les frais ni les fatigues. »

Les éditions et les traductions des œuvres de lord Byron sont nombreuses. Voici les meilleures (*) : Londres, 1832-1833, 17 volumes in-18, avec sa vie, par Thomas Moore; 1837, in-8, John Murray, avec un très beau portrait gravé par E. Finden, d’après le tableau de G. Sanders; Paris, 1832, 4 volumes in-8. Traductions : A. Pichot, 4e édition (avec une notice par Charles Nodier), 1822-1825, 8 volumes in-8; Paulin Pâris, 1830-1832, 13 volumes in-8; Benjamin Laroche, 5e édition (avec un notice par Villemain), 1842, grand in-8. Byron avait laissé des mémoires dont sa fille, la comtesse de Lovelace, obtint la suppression."


(*) Au moment de la rédaction de cette notice, c'est-à-dire à la fin du 19e siècle.

Hector France, article «Byron» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?]. Tome huitième (Brice-Canarie), p. 544-546.

Articles


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Le présent document est constitué de deux texte de Stendhal rapportant les souvenirs de sa rencontre avec lord Byron en 1816. Le premier est constitué de pages vraisemblablement trouvées par Romain Colomb dans les archives de l’écrivain ; il f



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