Déterminisme

Le déterminisme est en science un principe fondamental. Le physiologiste français Claude Bernard (1813-1878) le définit ainsi: «chez les êtres vivants aussi bien que dans les corps bruts les conditions d'existence de tout phénomène sont déterminées d'une manière absolue. Ce qui veut dire en d'autres termes que la condition d'un phénomène une fois connue et remplie, le phénomène doit se reproduire toujours et nécessairement, à la volonté de l'expérimentateur».

Une fois les conditions réalisées, il est impossible que le phénomène ne se produise pas, de la même façon qu'il est impossible que le phénomène se produise si les conditions ne sont pas réalisées. On appelle nécessité cette double impossibilité. Le déterminisme est étranger au fatalisme ou à l'idée de destin. Aux yeux du fataliste, le phénomène est nécessaire c'est-à-dire qu'il doit survenir indépendamment des conditions, il est nécessaire alors que pour le déterministe, c'est le rapport entre le phénomène et ses conditions qui est nécessaire.

Heisenberg souligne que la physique atomique s'est éloignée de plus en plus des représentations déterministes «d'abord, et dès les débuts de la science de l'atome, par le fait que l'on s'est mis à considérer les lois déterminantes des processus à grande échelle comme des lois statistiques. «En principe», ajoute-t-il, «on maintenait encore le déterminisme, mais en pratique on comptait avec le caractère incomplet de notre connaissance des systèmes physiques. Ensuite, dans la première moitié du siècle, par le fait que le caractère incomplet de la connaissance des systèmes atomiques était désormais considéré comme une partie essentielle de la théorie. Enfin, tout récemment, parce que, pour les durées et les espaces infinitésimaux, le concept de chronologie semble devenir un problème, bien que nous ne puissions pas encore dire comment se résoudront ces énigmes».

Définition de Laplace.
Le déterminisme théologique
Le déterminisme génétique

Essentiel

La question essentielle est posée par Simone Weil: l'univers est-il entièrement soumis à la force, ou un principe d'un autre ordre, source de sa beauté, fondement de son sens, est-il à l'oeuvre en lui? Dieu, selon Simone Weil, ne rompt pas le déterminisme, il n'intervient pas dans les causes secondes, il rayonne à travers elles. D'où la beauté du monde.

Enjeux

Voici comment l'un des philosophes modernes les plus influents, Emmanuel Kant, a rétabli la liberté humaine face au déterminisme, qui la nie en principe:

«La philosophie morale de Kant, par exemple, tente de rétablir cette liberté de l’homme dans le monde en posant qu’il est noumènalement libre : une part de lui (sa liberté) existe indépendamment des lois qui régissent l’univers et les phénomènes connaissables. En revanche tout le reste de ce qui existe est régi par un déterminisme strict. C’est là faire de l’homme une remarquable exception. » (Suite)

Hitler a pris position sur la même question: «l'homme ne doit jamais tomber dans l'erreur de croire qu'il est seigneur et maître de la nature…Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et le soleil suivant des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu'elle contraint à la servir docilement ou qu'elle brise, l'homme ne peut pas relever de lois spéciales» (1)

Et voici le commentaire de Simone Weil: «Hitler a très bien vu l'absurdité de la conception du XVIIIe siècle encore en faveur aujourd'hui, et qui d'ailleurs a sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles, on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leur relations mutuelles. C'est une absurdité criante. Il n'est pas concevable que tout dans l'univers soit soumis à l'empire de la force et que l'homme y soit soustrait, alors qu'il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles. Il n'y a qu'un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l'œuvre dans l'univers, à côté de la force, un principe autre qu'elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse et souveraine des relations humaines aussi.

Dans le premier cas, on se met en opposition radicale avec la science moderne telle qu'elle a été fondée par Galilée, Descartes et plusieurs autres, poursuivie notamment par Newton, au XIXe, au XXe siècle. Dans le second on se met en opposition radicale avec l'humanisme qui a surgi à la Renaissance, qui a triomphé en 1789, qui sous une forme considérablement dégradée a servi d'inspiration à la IIIe République» (2).

Notes
1. Cité par Simone Weil in L'Enracinement, Éditions Gallimard, 1949, p. 302.
2. Ibid., p. 303.

Articles


La liberté et les sciences humaines

Gustave Thibon
Libres même et surtout quand, instruits par les sciences humaines, nous prenons acte de ce qui nous détermine à notre insu. La limite et l'obstacle reconnus sont déjà à demi franchis...Article tiré de Au secours des évidences, Mame, Paris, 20

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