Complexité
On trouvera plus bas dans cette page deux définitions de la complexité. En une série de documents associés (voir la colonne à droite de cette page) nous vous présentons aussi une vue d'ensemble de la question, de même qu'une synthèse, intitulé De la forme au chaos, de Pythagore à Lorenz donnant un aperçu à vol d'oiseau de l'évolution du rapport avec le nombre en Occident.
Le site de l'Association pour la pensée complexe comporte un lexique. C'est de ce lexique qu'est tirée la définition suivante :
« Ce n'est pas tant la multiplicité des composants, ni même la diversité de leurs interrelations, qui caractérisent la complexité d'un système : tant qu'ils sont pratiquement et exhaustivement dénombrables on sera en présence d'un système compliqué (ou hypercompliqué), dont un dénombrement combinatoire pourrait permettre de décrire tous les comportements possibles (et par là de prédire son comportement effectif à chaque instant dès que la règle ou le programme qui les régit est connu) : en termes mathématico-informatiques on dit alors qu'on est en présence d'un "problème polynomial" ("P. Problem").
La complexité, c'est l'imprévisibilité potentielle (non calculable a priori) des comportements de ce système, liée en particulier à la récursivité qui affecte le fonctionnement de ses composants ("en fonctionnant ils se transforment"), suscitant des phénomènes d'émergence certes intelligibles, mais non toujours prévisibles. Les comportements observés des systèmes vivants et des systèmes sociaux fournissent d'innombrables exemples de cette complexité. Pendant deux siècles, la science positive a semblé "baisser les bras" devant ces phénomènes, préférant ne vouloir connaître que le "scientifiquement prévisible" ou calculable, avant que G. Bachelard ne lui rappelle "son idéal de complexité" qui est de rendre le merveilleux intelligible sans le détruire. En introduisant le concept de "complexité organisée" en 1948, W. Weaver allait réouvrir de nouvelles voies à "l'intelligence de la complexité" que P. Valéry avait déjà définie comme "une intelligible imprévisibilité essentielle". Edgar Morin, à partir de 1977 ("La Méthode", T. I) établira le "Paradigme de la complexité" qui assure désormais le cadre conceptuel dans lequel peuvent se développer nos exercices de modélisation des phénomènes que nous percevons complexes ("point de vue") : une complexité à la fois organisée et, récursivement, organisante ».
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L'extrait qui suit est tiré d'une conférence d'Edgar Morin intitulée La complexité restreinte, la complexité générale
L’émergence de la notion de la complexité
Toutefois la complexité reste toujours inconçue en physique, en biologie, en sciences humaines. Certes, il y a maintenant plus d’un demi-siècle, le mot de complexité a fait irruption, mais dans un domaine resté aussi bien imperméable aux sciences humaines et sociales qu’aux sciences naturelles proprement dites. C’est au sein d’une sorte de nébuleuse spirale de mathématiciens et d’ingénieurs où ont surgi à peu près en même temps et se sont reliés aussitôt, dans les années 40-50, la théorie de l’Information, la Cybernétique et la théorie des Systèmes. Dans cette nébuleuse, la complexité va apparaître avec W Weaver, puis chez Ashby pour définir le degré de variété dans un système donné. Le mot apparaît, mais ne contamine pas, parce que dans le fond, la nouvelle pensée reste très confinée; les apports de Von Neumann, de Von Foerster vont rester complètement méconnus, et le restent encore dans les sciences disciplinaires closes sur elles-mêmes. On peut dire aussi que la définition du hasard de Chaitin comme incompressibilité algorithmique devient applicable à la complexité. Dès lors les termes de hasard, désordre, complexité tendent à se chevaucher les uns les autres et parfois se confondre.
Il y donc des brèches, mais pas encore de percée. Celle-ci va venir de l’Institut de Santa Fe (1984) où le mot va s’imposer pour désigner comme « systèmes complexes », des systèmes dynamiques avec un très grand nombre d’interactions et de rétroactions, à l’intérieur desquels se déroulent des processus très difficiles à prédire et à contrôler, que la conception classique était incapable d’envisager...
Ainsi, les dogmes ou paradigmes de la science classique commencent à être contestés.
La notion d’émergence apparaît. Dans le Hasard et la nécessité, Jacques Monod fait un grand état de l’émergence.