Le forcéné magnifique
Il faut lire ses poèmes à haute voix, écouter celui qui confessa avancer "en poésie comme un cheval de trait" pour que s'impose à l'oreille, violente, lyrique ou épique, la parole d'un poète qui mit toute son énergie et son art à lutter contre "la quotidienne altérité" où le plongeait un "bilinguisme de naissance". Il eut droit, à sa mort en 1996, à des funérailles nationales. L'adieu solennel du Québec fut peut-être moins important que celui, recueilli et innombrable, de ses amis en poésie. Pourtant, malgré les témoignages et les textes critiques qui ont entouré l'homme et le poète, l'oeuvre reste encore à découvrir hors des frontières qui l'ont vu naître. Elle fait écho, dans le projet anthropologique et existentiel qui la traverse, aux oeuvres de ceux qui ont lutté contre toutes les formes d'humiliation et de dépossession. On pensera à Senghor, à Césaire, à Glissant, bien sûr, mais aussi à ces poètes hantés par une écriture qui dit l'intranquillité de l'être, tel André Frénaud que Miron aura l'occasion de lire et de connaître.»
Yannick Gasquy-Resch, Gaston Miron le forcéné magnifique, préface de André Brochu, éditions Hurtubise HMH, collection amÉrica, 2003, p. 16-17.
Note
(1) Voir le poème Séquences: «Laissez-moi donner la main à l'homme de peine et amironner», L'Homme rapaillé, Paris, Gallimard, coll. «Poésie», 1999, p. 77.