Les enterrements civils
- Que tout cet inconnu qui m'entoure est
vivant,
Que le néant n'est pas et que l'ombre est
une âme.
La cendre ne parvient qu'à me prouver la flamme.
* * * *
Faire voir clairement le ciel, l'éternel port,
La vie enfin, c'est là le succès de la mort;
Oh! certes je voudrais qu'au ténébreux
passage
Mon cercueil, esquif sombre, eût pour
pilote un sage,
Un pontife, un apôtre, un auguste songeur,
Un mage ayant au front l'attente, la
rougeur
Et l'éblouissement de la future aurore;
Je voudrais qu'à la fosse où meurt le rien
sonore
Un sénateur du vrai, du réel, un magnat
Du Sépulcre, un docteur du ciel
m'accompagnât;
Oui, je réclamerais cette sainte prière!
Devant la formidable et noire fondrière.
Oui, je trouverais bon que pour moi, loin
du bruit,
Une voix s'élevât et parlât à la nuit!
Car c'est l'jeure où se fend du haut en bas
le voile,
C'est dans cette nuit-là que se lève l'étoile!
Je voudrais, et rien ne me serait meilleur
Qu'une telle prière après un tel malheur
(...)
Puis, interrogeant Dieu au sujet du prêtre
«Est-ce qu'il est ton prêtre? Est-ce qu'il sait
ton nom?
Je vois Dieu, dans les Cieux, faire signe
que non».