La légende de l'ermite de Saint-Paul

Alphonse-Charles Dugas
L'historien A.-C. Dugas, curé de St-Clet, auteur des Gerbes et souvenirs dont les trois tomes forment une des plus riches sources d'informations sur l'histoire de Joliette et du Séminaire de Joliette, donne foi à la légende voulant que la cathédrale de Joliette ait été érigée à l'endroit où l'ermite de Saint-Paul, surnommé également le Vieux Saint-Jean Baptiste, aurait planté une croix. Les propos qu'il rapporte sont ceux de l'abbé Joseph-Marie Bélanger, curé de Saint-Paul (1819-1829) qui fut témoin de la bénédiction de la première église le 13 juin 1842.
«Je saisirai cette occasion, continue M. Bélanger, pour rapporter une chose qui paraîtra assez étonnante. Sur la terre même où l'on bâtit cette nouvelle église, autrefois a habité un certain ermite, car quel autre nom lui donner? Cet homme doit intéresser par sa famille et, surtout par sa vie pénitente; il n'était pas moins qu'ailleurs aux nobles familles de Longueuil et de Lavaltrie; ayant dit un éternel adieu au monde, il fixa d'abord sa demeure dans un lieu qui est maintenant le bas de la rivière de Saint-Paul, mais, par la suite, cet endroit devenant fréquenté, il s'éloigna à différentes reprises, plantant une croix à chacune de ses stations.

Les anciens qui ont établi cette paroisse n'en ont pas trouvé moins de cinq; enfin la dernière station et la dernière croix qu'il planta est près de la nouvelle église. Il existe une ancienne tradition qui rapporte qu'il avait annoncé que ce lieu deviendrait célèbre. La dernière croix qu'il planta se voyait encore il y a quelques années; la souche, était plantée en terre, mais les bras étaient tombés; on les distinguait quoique réduits en pourriture; même sur une partie de ces bras il était déjà poussé un arbre assez gros. Les différentes demeures de cet homme singulier n'étaient connues que de M. de Lavaltrie et du curé voisin qui lui donnait de temps en temps les consolations de la religion.

«Quant à sa mort, on n'en sait pas l'époque, mais il paraît qu'il y a au-delà de soixante et dix ans; on ne connaît non plus le lieu de sa sépulture. Les anciens de Saint-Paul, qui en ont entendu parler, le connaissent sous le nom du Vieux Jean-Baptiste. Enfin pour compléter tout ce que la tradition dit de lui, il était garçon. Un sauvage affidé, payé par M. de Lavaltrie, le visitait de temps en temps pour lui porter des provisions quand il ne pouvait s'en procurer par lui-même.» (Il serait donc mort en 1773.)

M. Bélanger prouve bien qu'il connaît cette tradition sur «le bout de ses doigts». Comme il était curé de Saint-Paul, une quarantaine d'années seulement après la mort du mystérieux personnage, il dut bien souvent en causer avec ses paroissiens; voilà pourquoi il les appelle en témoignage.

M. Jos. Laporte, dans la Voix de l'Écolier de 1878, nous parle, dans un conte délicieux calqué sur la légende de M. Bélanger, du vieil ermite de Saint-Paul.

Le vieil ermite, paraît-il, s'agenouillait sur les bords de la rivière l'Assomption, en face d'une image de saint Joseph; plus loin devant l'image de la Vierge immaculée et enfin à la hutte où il mourut, en jetant un dernier regard sur son crucifix. Il avait, pour ainsi dire, marqué, par ses stations et ses croix le site des chapelles de Saint-Joseph et de Bon-Secours, de l'église paroissiale et de l'ancien cimetière.

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