L'invention de l'art gothique
L’histoire de l’art chez les peuples modernes présente un phénomène qui, pour n’être pas sans exemple dans l’antiquité, n’en reste pas moins étrange: je veux parier de cette rupture singulière avec la tradition, qui, à partir de la fin du XVe siècle, nous rend dédaigneux pour notre passé et nous engage à la poursuite d’un autre idéal. Du XIe au XVIe siècle, l’Europe avait eu un art original dans le sens toujours restreint qu’il est permis de donner à ce mot quand il s’agit des choses de l’esprit. Le XIe siècle avait été témoin, en philosophie, en poésie, en architecture, d’une renaissance comme l’humanité en compte peu dans ses longs souvenirs. Le XIIe et le XIIIe siècle avaient développé ce germe fécond, le XIVe et le XVe siècle en avaient vu la décadence. Chose étrange! ces deux siècle qui, sous le rapport politique, présentent un sensible progrès, ces deux siècles qui assistent à la sécularisation de l’État par Philippe le Bel, à la première proclamation des droits de l’homme, au réveil de la vie mondaine avec les Valois, au premier règne de la bourgeoisie patriote et intelligente avec Étienne Marcel, à l’inauguration d’une royauté administrative et dévouée au bien public avec Charles V, à la grande proclamation de la sainteté de la patrie avec Jeanne d’Arc, puis à de prodigieuses découvertes qui changèrent la face du monde, ces deux siècles, dis-je, assistèrent en même temps à la plus triste déchéance du goût, virent mourir tout ce qui avait fait l’âme du moyen âge, et semblèrent, en fait d’art, comme les paralytiques de la piscine, attendre la vie d’un souffle nouveau. Ce souffle vint de l’Antiquité, qui, vers la fin du XVe siècle, sortit de son tombeau, au moment juste où elle devenait nécessaire à l’éducation de l’humanité. La vieille terre d’Italie recelait tant de trésors, que les restes de l’art ancien s’y trouvaient à fleur du sol. De très beaux monuments d’architecture existaient encore presque intacts. Ce n’était pas la Grèce, alors totalement ignorée; c’était une antiquité de second ordre, mais c’était l’antiquité. A peine la belle ressuscitée se montra-t-elle dans sa sobre élégance et sa sévère beauté, que tous furent fascinés. Chacun renia ses pères, si fit aussi irrespectueux que possible, et, pour plaire à sa nouvelle maîtresse, se crut obligé de commettre des excès de zèle qu’elle-même eût désapprouvés.
Le commencement de notre siècle a vu la première réaction contre ce changement du goût, qui avait été accepté par trois siècles sans une seule protestation. Quand M. de Chateaubriand eut révélé au monde, étonné et d’abord scandalisé d’un tel paradoxe, qu’il y a une esthétique chrétienne, il fut permis de trouver qu’une église gothique résout à sa manière le problème de l’architecture, et que les sculptures de Saint-Gilles près d’Arles, de Chartres, d’Amiens, de Reims, ne peuvent être oubliées dans une histoire de l’art. Les hommes les plus étrangers à l’esprit de système se déclarèrent touchés. «Plus je vois les monuments gothiques, disait un homme qui avait le droit d’être juge en statuaire 1, plus j’éprouve de bonheur à lire ces belles pages religieuses si pieusement sculptées sur les murs séculaires des églises. Elles étaient les archives du peuple ignorant. Il fallait donc que cette écriture devint si lisible que chacun pût la comprendre. Les saints sculptés par les gothiques ont une expression sereine et calme, pleine de confiance et de foi. Ce soi, au moment où j’écris, le soleil couchant dore encore la façade de la cathédrale d’Amiens; le visage calme de saints de pierre semble rayonner.»
On alla plus loin, et, pour plusieurs, ce mouvement, que jusque-là tout le monde avait appelé renaissance, devint un sujet de blâme et de regrets. Aux malédictions de Vasari contre l’art gothique succédèrent des malédictions contre cet art païen qui, selon les zélateurs du nouveau système, avait tué l’art chrétien. Une école for sérieuse, puisqu’elle a soutenu dans leurs travaux des hommes comme Lassus, Viollet-le-Duc, inspiré un poète comme M. de Montalembert, entreprit systématiquement la réhabilitation de l’art du moyen âge, et essaya même de renouer la tradition interrompue depuis près de quatre cent ans. Les systèmes d’esthétique, toujours vrais en un sens, quand ils sont conçus par des esprits élevés, ne doivent jamais chercher à se réaliser. Les seuls chefs-d’œuvre que produisit l’école néo-gothique sont de très bons livres d’archéologie. L’impuissance des idées théoriques à rien créer en fait d’art, le rang secondaire fatalement assigné à tout ce qui est pastiche et imitation furent prouvés par un exemple de plus; mais la meilleure série de travaux que la France ai produit en notre siècle sortit de cette direction, ou, si l’on veut, de cette mode. Inférieur à l’Allemagne pour les ouvrages de haute critique et de très fine analyse, notre pays prit sa revanche en ces travaux d’une méthode exacte et sobre, où les qualités du savant et celles de l’homme de goût se retrouvent dans une juste proportion. Grâce au travail de ces trente dernières années et à l’accord des résultats obtenus, les principaux problèmes relatifs à l’art du moyen âge ont reçu une solution qu’on peut dire assurée.
Comment cet art naquit-il? Au milieu de quelle société réussit-il à grandir? Comment cette société ne suffit-elle pas pour l’amener à sa perfection? Comment la grande génération qui créa le style gothique n’eut-elle pas pour élèves des artistes analogues à ceux de l’Italie du XVIe siècle? Voilà les questions que tout esprit philosophique se pose, et sur lesquelles les documents sont rares ou discrets. Les artistes français du moyen âge ont peu de personnalité; dans cette foule silencieuse de figures sans nom, l’homme de génie et l’ouvrier médiocre se coudoient, à peine différents l’un à l’autre. Il faut des recherches minutieuses pour prendre sur le fait le travail obscur et, comme nous disons aujourd’hui, inconscient d’où sont sorties tant d’œuvres étranges. Je ne connais pas à cet égard de plus précieux témoignage que celui que M. Lassus a livré il y a quelques années aux discussions du monde savant 2.
En 1849, M. Jules Quicherat fit connaître un manuscrit du fonds de Saint-Germain, à la Bibliothèques Nationale, où se trouvait un livre des plus singuliers. C’était, sous une chemise de vieux cuir, une série de feuillets de parchemin contenant les dessins, les essais, toutes les notes, toutes les confidences d’un architecte du XIIIe siècle, Villard de Honnecourt. Le docte et pénétrant investigateur auquel l’histoire de France doit tant de judicieuses recherches décrivit ce curieux document; M. Lassus en entreprit la publication intégrale et y trouva une excellente occasion pour développer ses idées favorites. La mort le surprit dans ce travail, que les soins d’un de ses élèves viennent de mener à fin. 3.
L’album de Villard est le plus curieux miroir de l’état d’esprit où vivait un artiste du temps de saint Louis. Villard était originaire de Honnecourt, village situé entre Cambrai et Vaucelles. C’est un Picard, et il écrit dans le dialecte de la Picardie. Sa vie fut celle d’un artiste du moyen âge, agitée, mobile, toujours nomade. Il voyagea, comme il nous le dit lui-même, «en beaucoup de terres». On trouve dans son album les églises de son pays natal, Vaucelles et Cambrai, la rosace occidentale de l’église de Chartres, l’église Saint-Étienne de Meaux et la rosace de Lausanne. Sa renommée le fit appeler jusqu’en Hongrie. Au verso du dixième feuillet est une madone avec l’enfant Jésus, auprès de laquelle on lit ce texte: «J’estoie mandes en le tierre de Hongrie qant io le portrais por ço l’amai io miex 4.» Au quinzième feuilles, on trouve un croquis d’un pavé en mosaïque, avec ces mots: «J’estoie une foi en Hongrie, la u ie mes mains jor, la vi io le pavement d’une glize de si faite manière 5.» Le seul lieu de Hongrie où l’influence de l’architecture française se montre avec évidence est Kaschau. Le plan de l’église de Sainte-Élizabeth à Kaschau est conforme au système du gothique français tel qu’on le voit dans l’église Saint-Yved de Braine et dans l’église Saint-Étienne de Meaux. Villard travailla à cette dernière église. Il est donc tout à fait naturel de supposer que l’église de Kaschau est aussi son ouvrage. Sa part dut au reste se borner à l’indication du plan général, car l’ensemble de la construction est du XIVe siècle.
Villard avait des connaissances assez étendues en physique. Son éducation fut évidemment celle des esprits les plus cultivés de son temps. Il s’occupa du mouvement perpétuel. Ses idées sur la «portraiture» sont originales et neuves. L’étude de la nature est sensible dans les groupes des lutteurs, des joueurs de dés, et dans plusieurs figures. Il a aussi dessiné d’après nature divers animaux, lion, porc-épic, ours, cygne, perroquet, chien. Près du lion, Villard ne manque pas de noter expressément: «Et bien sacies que cil lions fu contrefais al vif.» Enfin l’étude ou plutôt l’observation des monuments antiques paraît d’une manière très remarquable dans le tombeau d’un «Sarrazin», c’est-à-dire d’un païen (pl. LX), et dans un homme revêtu d’une chlamyde (pl. LVII), qui ressemble à un personnage des comédies de Térence. Il y a aussi quelques esquisses d’après des modèles byzantins. Villard, on le voit, prend de toute mains. L’activité extrême, l’audace, l’esprit d’innovation qui caractérisent les artistes de son époque ne se sentent nulle part mieux qu’ici. On dirait par moments Léonard de Vinci ou Michel-Ange, à voir cette ébullition d’idées hardies cette fièvre d’enrichir sur les autres, cette variété naïve dans les objets de la curiosité. On se croirait à la veille d’une renaissance, et l’on était en réalité à la veille d’une décadence. Pour s’expliquer ce phénomène singulier, il faut se rendre compte des origines de l’art gothique, de son principe, de sa tendance et du germe fatal de dissolution qu’il contenait en son sein.
Grâce aux excellentes recherches de MM Lassus, Viollet-de-Duc, Vitet, Mérimée, Quicherat, la date de l’invention du style gothique est maintenant bien connue. Les parties de Saint-Denis bâties par Suger (1137-1140) sont encore plus romanes que gothiques. La cathédrale de Chartres, commencée de 1140 à 1145, offre au contraire très peu de style roman. Les cathédrales de Noyon, de Senlis, commencées vers 1150, sont décidément dans le style nouveau, quoique montrant encore plus d’un lien de transition avec les habitudes anciennes. Les cathédrales de Laon, de Paris, de Soissons, l’abbaye de Fécamp, postérieures de dix ou vingt ans, ne gardent plus du roman que des traces presque imperceptibles. C’est donc vers 1150 qu’il convient de placer le moment où le style nouveau apparaît avec ses caractères distinctifs. Encore de savants critiques, tels que M. Quicherat, pensent-ils que cette date est trop moderne, et que, pour trouver la véritable origine du style ogival, il faut remonter assez près de l’an 1100.
Le pays où il se produisit peut être déterminé avec non moins de précision. Ce fut sans contredit en France, puisque notre pays présente des monuments gothiques au moins cent ans avant tous les autres. Ce ne fut ni dans le midi, ni dans le centre de la France, puisque ce style n’y fut transporté que tard, et n’y prit jamais de fortes racines; ce ne fut pas en Bretagne, où l’on ne trouve aucun monument gothique antérieur au XIVe siècle, et où tous ces édifices ont été bâtis par des étrangers. Ce ne fut ni en Normandie, ni en Lorraine, ni en Flandre, où l’ogive fut introduite à une époque relativement moderne. Ce fut dans l’Ile-de-France et région environnante, le Vexin, le Valois, le Beauvoisis, une partie de la Champagne, tout le bassin de l’Oise, dans la vraie France enfin, c’est-à-dire dans la région où la dynastie capétienne, cent cinquante ans auparavant, s’était constituée.
L’aspect archéologique de cette région de la France démontre d’une façon incontestable la proportion que nous venons d’énoncer. Les constructions qui expliquent la transition du style roman au style gothique, les cathédrales de Noyon, de Senlis, Saint-Remi de Reims, Notre-Dame de Châlons, l’église de Saint-Leu d’Esserans, y sont toutes groupées. Quand on entre dans la cathédrale de Noyon, comme l’a très bien fait observer M. Vitet, on croit au premier moment entrer dans une église purement ogivale; mais on remarque bientôt que le plein cintre y est presque aussi souvent employé que l’ogive, et l’on arrive à se convaincre que pendant quelque temps on suivit simultanément les deux systèmes. Les arcs romans en effet se trouvent dans toutes les parties de l’église, mais principalement, chose frappante, dans les parties les plus élevées. Presque toutes les églises de cette région présentent le même phénomène. Les deux styles s’y mêlent profondément; quand elles sont ogivales, l’aspect général de l’édifice est encore roman, et, quand elles sont romanes, on y voit facilement le caractère du style ogival. Il suffira de citer Saint-Denis, Saint-Étienne de Beauvais, Saint-Martin de Laon, Saint-Pierre de Soissons, l’église de l’abbaye d’Ourscamps, Saint-Évremont de Creil, les petites églises romanes des environs de Laon et de Beauvais, les petites églises, plutôt gothiques, d’anciens prieurés qu’on trouve dans le Valois. Partout on sent l’effort du style roman pour produire quelque chose de plus léger, ou la simplicité naïve du gothique naissant, encore pure de tout raffinement subtil. L’ogive, dans les édifices décidément gothiques, est à peine sensible, tant l’angle des deux arcs est ouvert. La hauteur est très modérée. Le style a encore une pureté et une sévérité qu’il ne gardera pas dans les pays où il sera transporté. Quand des textes formels ne nous apprendraient pas que les cathédrales de Noyon, de Senlis, de Laon, de Paris et de Chartres furent les premières églises gothiques, le style seul de ces édifices l’indiquerait. Les petites églises de Saint-Leu d’Esserans, de Longpont, d’Agnetz, sont également des chefs-d’œuvre de proportion, de justesse, de hardiesse mesurée, que l’architecture gothique n’a pu produire qu’à son début. Ajoutons que tous les architectes célèbres de l’école gothique, Robert de Luzarches, Pierre de Montereau, Eudes de Montreuil, Raoul de Coucy, Thomas de Cormont, Jean de Chelles, Pierre de Corbie, Villard de Honnecourt, sont de l’Ile-de-France, de la Picardie ou des pays voisins, et qu’aucune région ne justifie aussi bien que celle-ci l’apparition du style nouveau. Les matériaux y sont abondants et d’excellente qualité. La pierre, facile à travailler, semble inviter aux essais hardis, aux tâtonnements périlleux, et explique cette fièvre d’innovation qui porta les architectes gothiques à surenchérir sans fin les uns sur les autres en fait de témérité.
Le style gothique nous apparaît ainsi comme un art purement français. Il naît avec la France, au centre même de la nationalité française, dans ce pays florissant et riche qui se dégageait le premier de la fécondité germanique, fut le berceau de la dynastie capétienne, et en recueillit avant tous les autres les bénéfices. Ce fut, comme l’a dit M. Viollet-le-Duc, l’architecture du domaine royal. Soumis à l’influence essentiellement française de la royauté et de l’abbaye de Saint-Denis, ce pays, au XIe siècle et au XIIe fut le théâtre d’un grand éveil de l’esprit humain, d’une sorte de renaissance, qui se traduisit en poésie par les chansons de geste, en philosophie par l’apparition de la scolastique, en politique par le mouvement des communes et l’administration de Suger, en religion par saint Bernard et les croisades. L’architecture gothique ou, pour mieux dire, le mouvement de construction d’où elle sortit fut le produit des mêmes causes. En ce qui concerne les communes, ce ne fut pas sans doute une circonstance fortuite qui fit coïncider leur établissement avec la rénovation architecturale. L’église, à cette époque, avait hérité du forum et de la basilique ancienne; c’était le lieu des réunions civiles, et, en effet, ce sont des villes de communes, Noyon, Laon, Soissons, qui élèvent les premières cathédrales gothiques.
Qu’aucun élément, ni italien, ni allemand, ne se mêlât à cette première renaissance toute française du XIe et du XIIe siècle, si tristement arrêtée au XIVe, c’est ce qui, pour l’architecture, est de toute certitude. Cent ans au moins le style ogival reste la propriété exclusive de la France. Les bords du Rhin se couvraient encor de constructions romanes, quand les chefs-d’œuvre du style ogival étaient déjà élevés dans la France du nord. L’Angleterre eut des églises gothiques bâties dès le XIIe siècle, mais par des Français. En 1174, la reconstruction de la cathédrale de Cantorbéry ayant été décidée, on ouvrit un concours: ce fut Guillaume de Sens, célèbre par de grands travaux, qui fut choisi, et qui commença le chœur dans le système nouveau qui déjà régnait exclusivement en France. Au XIIIe siècle, les innombrables maîtres maçons qui portèrent ce style jusqu’aux confins de l’Europe latine étaient des Français. Le premier architecte gothique non français dont le nom nous soit connu est Erwin de Steinbach (1277). En Allemagne, jusqu’au XIVe siècle, ce style s’appelle «style français», opus francigenum, et c’est là le nom qu’il aurait dû garder. Malheureusement la fatalité qui priva la France de la gloire de ses chansons de geste se retrouve ici. L’esprit étroit qui domine à partir de saint Louis, les violences de l’inquisition, les malheurs de la guerre de Cent ans, éteignent chez nous le génie. Strasbourg et Cologne deviennent les écoles du style que nous avions créé. La France voit à son tour chez elle des artistes étrangers. Le style français passe pour allemand; l’Italie l’appelle tudesque, puis, par un contresens des plus bizarres, fait prévaloir pour le désigner l’absurde dénomination de gothique. Il faut se rappeler que les barbares furent surtout connus à l’Italie par les Goths. Gotico devint synonyme de barbaro, et une légende représenta les Goths comme des êtres fantastiques acharnés à la destruction des monuments romains, qu’ils venaient marteler pendant la nuit. Dans leur dédain pour cette architecture, qui n’était pas conforme aux ordres grecs, et qui leur était profondément antipathique, les Italiens du XVIe siècle l’appelèrent gotica, et ce nom fut d’autant plus facilement accepté par la France du XVIIe siècle, que le mot gothique avait pris en français, par suite de l’influence italienne, une nuance analogue (écriture gothique, les temps gothiques, etc.). De là à prétendre que les Goths avaient inventé ce style, il n’y avait qu’un pas: Vasari le franchit, et aujourd’hui ce non-sens historique n’est pas encore déraciné de l’Italie.
Comment se forma ce style extraordinaire, qui, durant près de quatre cent ans, couvrit l’Europe latine de constructions empreintes d’une si profonde originalité? Les doctes et judicieuses recherches que je rappelais tout à l’heure ont résolu la question. Les anciennes hypothèses, et d’une influence orientale, et d’une origine germanique, et d’un prétendu type xyloïdique (architecture de bois), doivent être absolument abandonnées. Le style gothique sortit du style roman par un épanouissement naturel, ou, si on l’aime mieux, par le travail d’hommes de génie tirant avec une logique inflexible les conséquences de l’art de leur temps: il fut la continuation d’un style antérieur, créé vers l’an 1000 et déduit lui-même des lois qui jusque-là avaient présidé en Occident à la construction des temples chrétiens.
Notes
1. David d’Angers.
2. Album de Villard de Honnecourt, architecte du XIIIe siècle, manuscrit publié en fac-similé, etc., par J.-B.-A. Lassus, ouvrage mis au jour après la mort de M. Lassus et conformément à ses manuscrits par M. Alfred Darcel. Paris, 1858.
3. Une édition anglaise du même ouvrage a paru, avec de savantes additions de M. Robert Willis, professeur à l’université de Cambridge. Londres, 1859.
4. «J’étais mandé en la terre de Hongrie quand je la dessinai, parce que je la préférais.»
5. «J’étais une fois en Hongrie, là où je demeurai maints jours, et j’y vis un pavement d’église fait de cette manière.»