Comparaison de deux héroïnes

Jacques Larochelle

Demandons-nous maintenant quelle époque produit les plus hautes figure féminines, dotées des plus riches qualités et des plus grandes perfections? Est-ce l’époque du patriarcat, ou le présent siècle, témoin émerveillé du spectacle de la femme enfin libérée de ses entraves et accédant ainsi  au plein épanouissement de sa nature et de ses facultés.

Qui ne connaît la merveilleuse, la divine figure de Jeanne d’Arc?

Bergère illettrée de seize ans, ignorante du métier des armes, sans protecteur, sans crédit, sans argent, elle réussit par la seule vertu de son indomptable volonté à obtenir des armes, un cheval, une escorte, une entrevue avec le Roi de France, un commandement militaire, l’ascendant sur les chefs de guerre de son temps, une brillante victoire à Orléans, qu’elle paie d’une blessure douloureuse, mais qui relève entièrement le moral de ses troupes.

Après avoir ainsi rétabli contre toute attente l’honneur des armes françaises, elle réclame à cor et à cri et obtient  que Charles VII, comme tous ses devanciers depuis sept cents ans, aille se faire sacrer solennellement roi de France à Reims, malgré les dangers de ce voyage en pays ennemi, dangers largement contrebalancés par les effets du Sacre, seule cérémonie capable d’établir indiscutablement sa légitimité.

Et quand, après avoir accompli l’essentiel de sa mission, elle fut livrée aux Anglais qui lui firent un procès truqué honteusement présidé par un juge français à leur solde, le sinistre Cauchon, le courage de Jeanne, son intelligence, son inaltérable fraîcheur au milieu de la foule immonde de juges et d’hommes d’État qui avaient résolu de la brûler vive pour rétablir leurs affaires, ont fait l’admiration de ses contemporains, qui l’ont connue, et feront toujours celle de la postérité, qui la chérit et l’admire.

Et, le moment venu, c’est sans faiblir qu’elle s’est avancée vers le bûcher où le feu eut vite fait de consumer son enveloppe mortelle pour la faire entrer aussitôt dans une gloire immortelle.

Comparons-la maintenant avec le genre de femmes que les temps présents offrent à notre admiration, comme modèles de courage et de valeur.

L’une d’elles, dont le nom n’a pas la moindre importance puisqu’il sera bientôt oublié, a réclamé récemment l’attention et l’estime de son peuple pour les raisons suivantes.

Ayant accepté avec une amie l’invitation d’un homme à passer la nuit chez lui, cette assez jolie femme, toute étonnée du désir que dans les circonstances elle a fait naître, a dû subir les avances de cet homme, insistantes mais sans violence. Paralysée, elle n’a trouvé l’énergie ni de les faire cesser sur le champ par une réaction appropriée, ni d’appeler à l’aide son amie, ni de quitter les lieux. Bien au contraire, pour ne pas  lui faire de peine, elle a permis a l’homme de partager son lit.

Il a fallu ensuite à cette personne deux années d’hésitations et de tergiversations pour rassembler le courage de rencontrer les policiers et de traîner en justice celui qu’on appelle aujourd’hui son agresseur, et ce malgré une organisation judiciaire qui donne parfois l’impression d’avoir un peu cédé devant la pression de l’opinion publique en traitant ce genre d’affaires, malgré leur insignifiance sociale réelle, avec une attitude et une attention toute particulère.

C’est donc dire qu’elle ne courait aucun risque : bien au contraire, elle jouissait en pratique dans l’opinion d’un statut provisoire de victime et pouvait à son choix garder l’anonymat au cas surprenant d’échec ou se dévoiler si elle triomphait.

C’est précisément ce qui est advenu, avec le résultat que depuis quelque temps elle est présentée à une foule idolâtre par une presse enthousiaste comme un modèle achevé de force, de courage et de résilience féminines.

Et malheur à quiconque pourrait dire, ou même seulement penser, qu’à bien y regarder elle a tout simplement été imprudente de se placer dans cet embarras, faible de ne pas y mettre un terme aussitôt par un refus ou par la fuite, pusillanime d’avoir tant tardé à se plaindre si elle le croyait nécessaire, et opportuniste de demander justice le visage masqué, afin de pouvoir récolter sans risque la moisson de popularité et de faveur qui couronnerait sa victoire judiciaire.

Demandons-nous maintenant quelle époque produit les plus hautes figure féminines, dotées des plus riches qualités et des plus grandes perfections?

Est-ce l’époque du patriarcat, ou le présent siècle, témoin émerveillé du spectacle de la femme enfin libérée de ses entraves et accédant ainsi  au plein épanouissement de sa nature et de ses facultés.

Sauf pour les aveuglés volontaires ou autres, la réponse est aisée et ne souffre aucun doute.

J’ajoute en conclusion, à l’intention de ceux qui l’auront trouvée, une question subsidiaire, un peu plus difficile.

Pourquoi si peu de gens ont-ils pu répondre à la première question, sinon parce qu’il est vrai que « Quos vult perdere Jupiter dementat »?

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