Théophraste

372 avant J.-C.-287 avant J.-C.
Né à Eresos dans l’île de Lesbos, qu’il délivra deux fois, dit-on, du joug des tyrans. Disciple à Lesbos de Leucippe ou Alcippe, puis à Athène de Platon et d’Aristote, qui changea son nom en celui de Théophraste, pour indiquer la suavité de son langage, il devint, quand celui-ci se retira à Chalcis, le possesseur de sa bibliothèque et le chef du Lycée qu’il gouverna pendant trente-cinq ans. Il fut accusé d’impiété pour avoir proclamé la Fortune maîtresse du monde, mais l’accusateur ne put se faire écouter. Il quitta Athènes quand fut portée la loi qui défendait, sous peine de mort, d’enseigner la philosophie sans autorisation; mais il y rentra l’année suivante, quand la loi eut été rapportée. Comme professeur, il fut remarquable par son érudition, par sa science et le charme de son langage : Diogène Laërce lui donne plus de 2000 disciples. Après son maître Aristote, il enseignait, avec un égal succès, la rhétorique et la philosophie. Il écrivit beaucoup : Diogène cite près de 240 ouvrages, dont quelques-uns fort étendus, qui portaient sur la rhétorique et la poétique, la logique, la métaphysique, la physique et la psychologie, la botanique, la zoologie et la physiologie, sur la morale et la politique, sur l’histoire des sciences et de la philosophie. Son œuvre, comme celle du maître, suppose l’ensemble des études qui restèrent en honneur dans l’école péripatéticienne. Nous en avons conservé les Recherches sur les plantes, les Causes des plantes, les Caractères et beaucoup de fragments, dont les plus importants sont des apories métaphysiques ou portent sur les Sensations, etc.; mais on ne saurait plus, comme on l’a fait longtemps, lui attribuer le fragment considérable qui figure dans L’Incorruptibilité du monde, du pseudo-Philon.

En rhétorique, il donnait, selon Cicéron, des préceptes soignés; en logique, il commentait, comme l’a montré Prantl, presque toutes les parties de l’Organon, il complétait, en plusieurs points, la théorie du jugement et du syllogisme; en métaphysique, il maintenait les principes du maître, spécialement sur le « nous » ou l’intellect dans l’homme, tout en manifestant parfois une tendance à faire appel à l’immanence là où Aristote invoquait la transcendance; en morale, il plaçait la vie spéculative au-dessus de la vie pratique; il insistait sur la nécessité de joindre les biens extérieurs à la vertu pour vivre heureux, et en ce sens peut-être disait que la fortune et non la sagesse régit la vie humaine. Il maintenait toutefois que la vertu mérite d’être recherchée pour elle-même; que sans elle, les biens extérieurs n’ont aucune valeur; mais il se montrait peu rigide et permettait à l’homme de s’écarter des règles morales pour gratifier son ami d’un grand bien ou pour lui éviter un grand mal. C’est surtout comme observateur de la nature ou de l’homme et comme historien que Théophraste occupe une place très voisine du maître. Il y a un grand nombre d’observations personnelles ou vérifiées dans l’Histoire où il distingue les plantes d’après leurs parties, leurs accidents, leurs naissances, leurs manières de vivre, leurs usages; dans les Causes, où il explique ces différences d’après les célèbres principes d’Aristote. Il y a, dans les deux ouvrages, l’affirmation, implicite et explicite, que la nature est soumise à des lois régulières. Les Caractères, quelle que fût d’ailleurs la place de cette collection de portraits dans l’œuvre de Théophraste, impliquent l’emploi de la même méthode, pour qui les considère en eux-mêmes et non dans l’originale imitation de La Bruyère. Elle se retrouve encore dans ses fragments historiques, où il classait sur chaque question les opinions de ses prédécesseurs, de manière à fournir, comme l’a établi Diels, des documents aux biographes, aux auteurs des Successions des philosophes et de doxographies, en particulier à celui des Philosophomena attribués tantôt à Origène, tantôt à saint Hippolyte, à celui des Stromates du pseudo-Plutarque, à Diogène Laërce et à Stobée, à cet Aétius chez qui presque tous ont puisé et dont Diels a tenté de reconstituer les Placita. Théophraste avait encore écrit des monographies sur les métaux, sur les pierres, sur les météores, sur les animaux, sur Anaxagore, Anaximène, Archélaüs, Démocrite, Diogène, Empédocle, Métrodore, etc., des recueils de lois, une histoire religieuse, une histoire de la géométrie, etc. Wimmer a édité ses œuvres, sauf les Caractères, en 3 volumes (Leipzig, 1854-1862), dans la collection Teubner où les Caractères ont paru en 1898.

source: F. Picavet, article « Théophraste » de la La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de « La grande encyclopédie », [191-?]. Tome trentième (Sigillateur-Thermopole), p. 1194-1195.



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